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Hommage à Djibril Diop Mamberty ou Le sourire de la Hyène

par Laury Granier.

En 1985, jeune étudiant en cinéma de l'université de Paris I-Sorbonne, j'ai eu la chance d'assister, avant sa sortie en salle à Paris, à l'avant-première du film Touki-Bouki du cinéaste sénégalais Djibril Diop Mamberty. Après la projection j'ai fait sa connaissance. Il m'a accordé alors un entretien dans un café parisien. Djibril Diop Mamberty a rarement accordé des interviews, se méfiant des journalistes. Je pensais proposer le texte suivant à un mensuel auquel je collaborais alors régulièrement. Cet entretien avec Djibril Diop est inédit car le mensuel a cessé brusquement de paraître et je me suis consacré, à partir de cette époque, à la réalisation de courts-métrages qui ont débouché en 1992 sur la réalisation de mon premier film La momie à mi-mots avec Carolyn Carlson (premier rôle) Jean Rouch, Philippe Léotard et Anne-Laure Meury. Ce film est depuis sorti en 1999 en France, à Paris pendant cinq mois, et à Strasbourg au cinéma l'Odyssée. Il a obtenu le premier prix Andreï Tarkovski pour la création artistique et le langage cinématographique.

J'ai tout de suite admiré le talent de conteur et de ce cinéaste de Djibril.

Après la projection de Touki Bouki, nous nous somme réunis, autour de Djibril Diop Mamberty dans un café situé en face du cinéma. Djibril débouche alors une bouteille de champagne qui a été offerte spontanément par un spectateur ému par le film que nous venons de voir. Au lieu d'en verser tout de suite le contenu dans un verre, Djibril, porte ses deux mains à son visage - la mousse du champagne s'est répandue sur ses mains- et se caresse la nuque de ses mains humides de mousse alcoolisée. C'est ma première vision de ce cinéaste. Il m'apparaît alors comme un souverain ému par le geste de ce spectateur inconnu à qui il rend ainsi hommage. Il est grand et mince, ses traits sont fins, gracieusement féminins, un haut front au-dessus d'un regard de sage.

Djibril Diop est sénégalais. Il vit actuellement en France. C'est pour moi un cinéaste encore méconnu. Il débute comme acteur au Théâtre Sorano de Dakar. Trois ans après, il en est renvoyé pour indiscipline; il tourne alors son premier court-métrage couleur: Contrast City sur la ville de Dakar: "Je trouvais drôle par exemple que nous ayons une cathédrale de style soudanais, une chambre de commerce qui ressemble à un H. L. M. : toutes ces contradictions m'ont donné l'occasion de m'amuser car je n'avais pas de prétention commerciale."

Djibril tourne alors Badou Boy en 1966 et c'est l'histoire d'un gavroche un peu amoral qui se fait poursuivre par des policiers. Enfin en 1973, il tourne son premier long-métrage: Touki Bouki ou "le sourire de la hyène". Ce film sort en ce moment à Paris dans quatre salles. Il aura fallu près de douze ans pour qu'il soit distribué. C'est une honte!

C'est l'histoire d'un jeune berger qui s'appelle Mory (Magye Niang) et d'une jeune fille Anta (Myriam Niang). Mory conduit tous ses zébus à l'abattoir: la scène est horrible tant la violence sur ces bonnes bêtes est atroce; le sang coule sur la faïence blanche du sol. De tous ses zébus il conserve une paire de cornes qu'il place au-dessus du guidon de sa moto, rendant ainsi sa moto pareil à un animal domestique. Mory et Anta partent à la ville. Ce jeune couple encore adolescent va parcourir le Sénégal à cheval sur le Zébu mécanique. Ils vont vivre en volant pour se nourrir. Leur grand but est de partir en France qui leur apparaît comme la Terre Promise, un Eldorado, le pèlerinage à effectuer absolument s'ils veulent enfin devenir adultes. Pour réaliser leur projet, ils décident de se procurer de l'argent par n'importe quel moyen. J'aime ici me remémorer l'épisode très drôle chez le riche homosexuel à qui Mory à laisser croire qu'il n'était pas insensible, avant de le détrousser et de s'enfuir en lui dérobant sa voiture.

Après moultes péripéties, Mory et Anta se retrouvent sur le quai près du bateau qui va partir pour la France. On croit au "happy end" mais Mory va laisser Anta partir toute seule! Il retrouve sa moto et repart sur les routes du Sénégal. Mais bientôt les deux cornes de Zébu en forme de lune se scindent en deux cornes distinctes rendant ainsi compte de la réalité: Mory et Anta séparés à jamais.

Paradoxalement pourtant c'est un "happy end" pour le cinéaste, car en laissant partir Anta, Mory reste chez lui au Sénégal. C'est Anta, la femme, qui croit à la France, La Mecque du bonheur fondée sur une pseudo richesse. Le paquebot tout blanc s'en va, à son bord Anta qui n'est pas du tout triste de la perte de son jeune amant, son premier amour. Mory est heureux, car il regarde déjà les vagues de la mer qui nettoient le rocher, en compagnie d'une autre femme.

"Il est question dans ce film des africains malades de l'Europe, des africains qui considèrent que l'Europe est la porte de l'Afrique et qu'il faut y être allé pour gagner la considération de ses semblables. Il faut avoir fait un stage en Europe, sinon rien! Pour beaucoup, la manière d'aller en Europe, c'est le voyage clandestin. Moi-même, j'ai entrepris un voyage clandestin sur un bateau qui m'a amené jusqu'à Marseille, mais j'ai été pris et ramené à Dakar. Ceux qui y sont allés nous dépeignent pourtant l'Europe avec un tel sens du merveilleux que vous n'avez qu'une envie: c'est d'y aller. Vous commencer à vous sentir étranger dans votre propre pays."

Touki Bouki est une sorte de poème sur cette situation, un poème inspiré par l'expérience de Djibril. Poème romantique où la mort, l'amour, la mer et le soleil tournoient dans un festin d'images et de sons nouveaux (meuglements associés au son de corne de brume). Touki Bouki, c'est l'exemple d'un cinéma d'auteur qui a une véritable identité: c'est un exemple aussi pour les cinéastes d'Afrique car il s'adresse en priorité aux africains.

"Notre problème au départ était quantitatif: tourner beaucoup de films. Maintenant il nous faut participer à la réinvention mondiale du cinéma et c'est en proposant des formes nouvelles que nous y parviendront."

Oui, Touki Bouki, est un film réussi qui propose une forme nouvelle basée sur une symphonie d'images originales, qui parlent et qu'on ne peut oublier car elles nous ont surpris (ce qui est de plus en plus rare aujourd'hui).

Depuis que ce film est sorti au festival de Cannes en 1973 à la Quinzaine des Réalisateur, Djibril a tourné quelques court-métrage. Il prépare en ce moment La Hyène: une adaptation de La visite de la vieille dame, pièce de théâtre de Frédéric Dürenmatt. Un long-métrage libre et poétique qu'il espère tourner le plus vite possible car La Hyène s'inscrit dans une trilogie: le deuxième acte sera Le Joueur et le troisième L'Ange. Avec les bénéfices, Djibril veut financer la Fondation pour l'Enfance et la Nature qui siège à Dakar. Le projet attend encore l'aide de la commission d'Avance sur Recettes. Dürenmatt lui-même a aprouvé le scénario.

En attendant, il faut cesser toutes activités, tous à vos Officiels ou autres… vous ne serez pas du tout déçus car en plus Touki Bouki est un film très amusant.

Ainsi se terminait l'article écrit en 1985, à la sortie de Touki Bouki. J'ai retrouvé récemment la copie du scénario que Djibril, après notre entretien, m'avait remis et pour lequel il espérait l'Avance sur Recettes. C'est un très beau scénario que je garde précieusement. J'ai été très heureux de découvrir, dix ans après cet article, Hyène, le nouveau film de Djibril. Je tiens à dire ici que son film est un véritable chef-d'œuvre cinématographique et je suis malheureux en pensant à quel point Djibril a dû peiner et attendre pour concrétiser ce projet. Je suis également très triste en pensant à la perte de ce grand cinéaste et en pensant qu'il n'a pas pu réaliser la trilogie qu'il espérait nous donner. C'est une perte très importante pour nous tous. Je regrette aussi de ne pas avoir eu le temps de lui dire à quel point son film, adapté de la pièce de théâtre de Dürenmatt, m'a comblé en tant que cinéphile et combien je pense que cela aurait rendu heureux l'auteur de la pièce de découvrir ce grand film. La publication de cet article de 1985 se veut un hommage à quelqu'un qui a compté pour moi et que je remercie. Jean Rouch et moi avons souvent parlé de Djibril lors de nos petits déjeuner communs, et au cours du samedi matin à la cinémathèque française. Jean Rouch m'a dit avoir eu la chance de présenter le dernier film de Djibril dans la salle de cinéma de l'Ecole Normale Supérieure (rue d'Ulm). A la suite de sa présentation, Djibril présent et ému jusqu'aux larmes, est venu remercier Jean Rouch. En ce qui me concerne, la dernière fois que j'ai croisé Djibril, c'est par hasard, dans un rue éloignée de Paris, en banlieue; je l'ai tout de suite reconnu à son élégance et à son attitude princière. Nous sommes allés prendre un verre ensemble et j'ai appris qu'il était en train de mixer son film Hyènes non loin de là. Je garde de cette rencontre le souvenir d'un homme déterminé et plein d'amour pour la vie.

 

                 
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Révision : 29 juin 2005