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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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III. 2. La deuxième semaine de tournage (les séquences sans Carolyn)

III. 2. a. La séquence de l’Observatoire

Le tournage sans Carolyn a débuté sous les meilleurs auspices, grâce à une magnifique journée d’hiver, miraculeusement en accord avec le temps souhaité pour cette scène dans le scénario et le story-board. C’est même l’une des séquences où les conditions météorologiques exceptionnelles ont permis d’emblée au scénario d’être porté au maximum de son intensité. Mon rêve s’est réalisé: au sommet de l’observatoire, dont la coupole refaite en aluminium blanc étincelait comme un sommet enneigé dans le ciel d’un bleu himalayen, nous avions l’impression d’être en haute montagne, mais avec Paris à nos pieds.

Pour arriver sur le plateau de tournage (la terrasse de l’observatoire) nous dûmes tous nous soumettre à un rituel d’accès: il fallait gravir le magnifique et interminable escalier en larges spirales du XVIIème siècle, chargés que nous étions du lourd matériel de tournage. S’étaient joints à nous, pour cette expédition au sommet, plusieurs autres acteurs du film, extérieurs à cette séquence, accompagnés de leurs amis: c’était une occasion pour eux de visiter ce monument qui est habituellement si difficile d’accès. C’est ainsi que le danseur de yo-yos Roméo, non prévu dans la scène, se trouvait là, parmi les invités.

C’est là que le démon de l’improvisation 143 m’a saisi à nouveau: j’ai eu l’idée de lui demander d’aller chercher ses yo-yos, de s’habiller en noir, de gravir l’échelle jusqu’au sommet de la coupole et, là-haut, au sommet de Paris, de jouer de ses instruments.

C’est ainsi que le plan de tournage de cette journée a été complètement modifié, mais que pour une fois, peut-être grâce à l’air revigorant des cimes, l’équipe technique ne s’est pas retournée contre moi à l’annonce de ces nouvelles modifications. Bien au contraire, mon enthousiasme était ce jour-là contagieux et l’atmosphère était à la jubilation.

Nous commençâmes à tourner la scène qui était initialement prévue.

L’idée de cette scène était née d’un défi, au cours d’un dîner chez l’architecte de la couverture des arènes de Nîmes, pour qui j’avais réalisé et produit une vidéo, rendant compte de ce magnifique projet 144. À la fin de cette vidéo, L’ovnîmes, j’avais demandé à l’architecte, Nicolas Michelin, de gravir l’immense "coupole-vélum" qui recouvrait les arènes de Nîmes. Étant féru d’alpinisme, il avait accepté et, avec la souplesse d’un jeune chat, il s’était promené au sommet de son grand œuvre. Je me suis souvenu de cette scène, au moment de l’écriture du scénario de La momie à mi-mots, et j’ai mis l’architecte au défi de gravir la coupole de l’observatoire de Paris pour, une fois parvenu au sommet, offrir au soleil un immense bouquet de fleurs qui devrait être apporté plus tard à Carolyn, au moment de la résurrection de la momie. L’architecte a été enchanté de relever ce défi, à la seule condition que l’on ne le reconnaisse pas dans le film. C’est ainsi que j’ai compris que ce personnage devait être une des multiples apparitions de l’homme masqué. Nicolas porterait donc le masque péruvien de laine que portaient dans le film tous les avatars de l’homme masqué.

Une fois obtenue non sans difficultés cette autorisation de tournage, en raison des problèmes de sécurité qu’il fallait résoudre, j’eus également l’idée de transformer ce personnage en un véritable alpiniste. C’est ainsi qu’en cette journée de tournage stimulante, Nicolas Michelin, masqué, casqué comme un alpiniste et chargé de longues cordes de couleurs pour "s’assurer" (comme disent les montagnards), est monté au sommet de la coupole blanche neige de l’observatoire et a tendu, en direction du soleil, un lourd vase de fleurs, qu’il avait porté, tout le long de son ascension, dans son sac à dos. Il devait ensuite (ce que nous tournâmes dans l’après-midi) descendre en rappel l’autre face de la coupole pour simuler la descente en rappel de toute la façade de l’observatoire. Pour la première séquence (l’ascension de la coupole), j’avais placé la caméra sur la terrasse de l’observatoire de manière à cadrer très serré la coupole, comme une montagne et à filmer en contre-plongée cette escalade. La difficulté, pour l’alpiniste, venait d’un grand vent froid d’hiver qui sévissait au sommet et pouvait le destabiliser, en faisant s’envoler toutes les fleurs (ce qui aurait peut-être été beau, pensais-je en moi-même, toujours à l’affût des dons du hasard, mais, qui aurait été difficilement "raccord" avec la scène où l’homme masqué offrirait ces mêmes fleurs à Carolyn).

L’après-midi, après le déjeuner au Bullier, je choisis pour filmer la descente en rappel de placer la caméra, non plus au sommet de la terrasse, mais dans le jardin privé de l’observatoire, pour accentuer l’impression de descente vertigineuse. Pour assurer la sécurité de l’alpiniste, j’avais placé l’assistant plateau hors champ, sur un autre versant de la coupole.

Sur ce tournage prévu s’est greffé le tournage improvisé: Roméo dansant avec ses deux yo-yos, seul, au sommet de la coupole. Entre temps, le vent s’était levé plus fort encore et j’étais partagé, en voyant Roméo au sommet de la coupole, entre l’anxiété et la joie. Le risque encouru était beaucoup plus important pour le danseur de yo-yos (sans expérience des hauteurs) que pour l’architecte-alpiniste, qui était malgré tout dans son élément. Pour réfréner mon anxiété, j’avais exigé que Roméo soit arrimé par les pieds, grâce à de grosses cordes, à des structures de métal hors champ qui, providentiellement, se trouvaient au sommet de la coupole. Nous le regardions tous en frissonnant et frissons alors que, pareil au diable noir d’Une Nuit sur le Mont Chauve dans Fantasia de Walt Disney, il improvisait au-dessus de nos têtes une chorégraphie en accord avec les vents. Je tournai plusieurs prises: l’une avec Roméo tout de noir habillé sur la coupole blanche et jonglant avec des yo-yos blancs; l’autre avec Roméo vêtu de blanc jouant de ses yo-yos noirs. Je ne savais pas du tout encore, à ce moment-là, où je pourrais placer cette séquence improvisée dans le film. Ce n’est qu’au quatrième montage que j’ai trouvé sa juste place.

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143 J’aime retrouver chez d’autres réalisateurs le plaisir de l’invention et de l’improvisation. A ce sujet, voir par exemple, Jean A. Gili citant Comencini (journal de tournage publié par Simon Mizrahi dans le dossier de presse des Aventures de Pinocchio, août 1975) in Luigi Comencini éditions Edilig, 1981, page 110: "Et puis j’aime inventer. Comme dans l’épisode avec Lucignolo, où je rallonge le scénario, en improvisant. C’est la partie la plus belle du travail de mise en scène, et quand cette improvisation devient facile, cela signifie que la situation et les interprètes sont justes". Je cite les Aventures de Pinocchio, parce que c’est un film qui a marqué mon enfance romaine et dont j’ai vu, enfant, à la télévision certains épisodes qui ont compté pour moi.

144 L’ovnîmes, vidéopoème d’architecture sur la construction de la couverture des arènes de Nîmes, (1989), que j’ai produit et réalisé à la demande de l’architecte, et de la ville de Nîmes, et diffusé sur Antenne 2 (" du côté de chez Fred") les 3 et 4/10/89.

 



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Révision : 11 avril 2003