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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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IV. 1. Nouveaux tournages: le tournage des plans de coupe ou d’inserts, les séquences surprises, les séquences non tournées (ou ratées) au cours du premier tournage.

IV. 1. a. Les plans de coupe ou d’inserts: les cygnes, le reflet de la tour Eiffel dans le bassin, le masque de la statue de la liberté coulant dans le reflet de la tour Eiffel, les reflets distordus de la statue de la Liberté et la fumée sur la fontaine Carpeaux.

C’est avec une équipe réduite à Olivier Michelet et à moi-même) que nous tournâmes ces plans de coupe ou d’inserts.

C’est pour filmer la chute du masque de la statue de la Liberté, dans le reflet de la tour Eiffel, que nous nous rendîmes sur les lieux du tournage de la séquence de "l’Achéron", munis d’une caméra Bolex, prêtée par Udnie.

Je n’avais pas prévu de filmer le cygne. L’idée m’en est venue, impromptue, comme nous attendions que les responsables du jardin arrêtent les mécanismes des fontaines et les jets d’eau: nous devions bénéficier d’un plan d’eau qui puisse réfléchir, comme un sombre miroir, la tour Eiffel.

Nous profitâmes donc de cette attente pour tourner quelques plans du majestueux et menaçant cygne qui cherchait à protéger sa femelle. Celui-ci nous attaqua, car nous avions placé la caméra au bord de l’eau. Nous avons tiré partie de ses attaques répétées pour le filmer. Je ne savais pas où je placerai ces nouveaux plans imprévus, mais bien m’en a prit, car c’est au cours du tournage d’Universeine (près de six mois plus tard), que je compris le sens de cette prise de vue.

Une fois les flots du bassin étals et calmés, grâce aux manœuvres des ouvriers, nous pûmes tourner plusieurs prises du plan pour lequel nous étions venus. Je n’avais pas pu le réaliser au cours du premier tournage.

Je rappelle que, lors de ce premier tournage, Carolyn, à mon signal, avait jeté le masque de la statue de la Liberté dans l’eau et l’avait regardé couler un moment. Il s’agissait donc d’un plan d’insert pour le montage: il fallait filmer le masque qui devait couler, au milieu du reflet noir de la tour Eiffel renversée, la pointe vers les profondeurs de l’étang, comme un gigantesque entonnoir. La superposition des deux symboles: masque de la Liberté et Tour Eiffel, l’un jeté, l’autre renversé dans cette eau sombre, devait provoquer une impression infernale, du moins une inquiétante étrangeté.

Évidemment, l’endroit où Carolyn avait jeté le masque ne pouvait pas refléter la Tour Eiffel. C’est à un autre endroit du bassin que j’avais découvert, lors de mes repérages, la possibilité de filmer le reflet de la Tour Eiffel, mise en abîme. Pour parfaire le résultat, il était nécessaire, comme dit, de faire arrêter toutes les sources de mouvement d’eau dans le petit étang, de façon à obtenir le miroir le plus calme.

Nous dûmes nous y prendre à plusieurs reprises, et ce fut la dernière prise de vues qui m’enchanta le plus. En effet, une fois que le masque de la statue de la Liberté toucha l’eau, il se retourna, pris l’eau par les orifices des yeux et commença à couler en plein milieu du noir reflet de la tour Eiffel. Petit à petit, il disparut, entraîné dans la direction de la flèche de la tour Eiffel. Comme dans un fondu enchaîné, il disparut en laissant la place au seul reflet troublé de la tour Eiffel.

Pendant le tournage de ce plan, nous nous aperçûmes qu’une classe de petits enfants nous regardait faire. Leur professeur me dit qu’ils étaient venus visiter Paris, et j’eus l’idée subite de lui demander de tourner quelques plans avec ses élèves. Il accepta et aussitôt j’improvisai un tournage qui prit, beaucoup plus tard, tout son sens dans le montage de mon film. Je pensais, cependant, dès l’abord, arriver à l’inclure dans la séquence où Carolyn rejoignait le bassin, comme une préfiguration de l’arrivée des enfants, à la fin de La momie à mi-mots. Nous tournâmes rapidement quelques plans, avec les enfants dont j’eus l’idée au fur et à mesure et je me trouvai à la fin de cette matinée de tournage riche de plusieurs plans imprévus et surgis du hasard.

 

Pour ce qui est des déformations de la statue de la Liberté, autres plans de coupe, il fallut apporter avec nous une grande plaque d’aluminium que l’un des frères Baschet m’avait donnée et la placer par terre, face à la statue, dans le jardin du Luxembourg. Je filmai, "caméra épaule", les multiples reflets déformés de la statue dans le miroir déformant de l’aluminium, comme je les avais décrits dans le scénario.

C’était un plan très difficile, car la caméra Bolex n’est pas une caméra aisée à placer sur l’épaule. On peut, au mieux, la soutenir devant soi, en la tenant par sa poignée, avec effort. Elle pèse lourd et la stabilité de l’image est particulièrement difficile à obtenir. C’est une caméra qui a été conçue pour des travaux sur pied.

Je souhaitais inclure, comme plans d’inserts, ces nouveaux plans dans le montage. Il s’agissait de la vision subjective de Carolyn, quand elle danse face à la statue de la Liberté.

Un autre plan d’insert m’a été offert. Au cours d’une promenade, je remarquai qu’il y avait foule à la fontaine Carpeaux: on tournait un film dont la production était américaine. La fontaine Carpeaux, mon lieu de tournage de prédilection, était éclairée par une batterie de projecteur, et cela en plein jour. Mon attention fut d’autant plus attirée que, en m’adressant aux assistants, j’ai su que l’on allait créer, à l’aide de fumigènes, une sorte de brouillard, qui devait envelopper la partie supérieure de la fontaine. C’était pour moi comme un rêve, une opportunité. Je compris tout de suite le parti que je pourrai en tirer. J’ai couru immédiatement emprunter la caméra d’Udnie, que j’ai chargée d’une chute de 20 mètres de pellicule négative. J’avais mis ce petit morceau de pellicule à l’abri, dans le frigidaire, en me disant que cela pourrait toujours servir pour un plan d’insert. C’est ainsi que j’ai tourné, avec l’autorisation des producteurs américains Taxi productions, plusieurs plans, dans l’idée de les intégrer au montage, pour la séquence où les deux mages lèvent la tête et aperçoivent la fumée du paquebot "le Liberté" (scène de la momification). Je pensai jouer sur le jeu de contrepoint, entre la fumée réelle entourant la fontaine Carpeaux, et la fumée suggérée, par les épaisses bandes de coton que j’avais fait disposer au-dessus de la cheminée du paquebot.

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Révision : 11 avril 2003