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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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V. 3. Le quatrième montage

À la suite de la projection réconfortante de la copie de travail de mon troisième montage à "la boucherie", dans la grande salle de la Cinémathèque française, le film, qui durait alors une heure trente, semblait, selon la majorité des spectateurs, mûr pour être sonorisé. Malgré les encouragements qui m’avaient été donnés pour entreprendre dès que possible le montage son de La momie à mi-mots, j’ai à nouveau remis mon ouvrage sur ma table de montage, pour retravailler l’image.

V. 3. a. Intertitres sur panonceaux et miniatures

En effet, je n’étais pas encore tout à fait satisfait de mon travail, dont certaines réactions du public m’avaient indiqué les imperfections. Ma propre impression, bien que je n’aie pas été dans mon état normal pendant les deux premiers tiers de la projection était que certaines parties du film étaient encore trop longues ou trop complaisantes.

J’étais, par exemple, tout à fait d’accord avec la réflexion du spectateur, qui avait perdu le fil, au cours de la seconde partie. Je me suis demandé si je n’allais pas céder à la tentation du commentaire, en accord avec ce que dit Annie Comolli: "Sans la présence du commentaire, le spectateur aurait ignoré quel était le propos réel du film"153 .

La projection dans la grande salle de la Cinémathèque Française m’avait offert quelques critiques plus réservées. Une des personnes avait "décroché", et semblait ne pas avoir compris la progression dramatique et l’aspect didactique de l’histoire de mon film, dans la seconde partie. Il aurait fallu, pour bien faire, qu’une voix "off" raconte l’histoire du film, en soulignant, grâce aux explications, l’aspect rigoureux de ce conte. En écoutant cette réflexion, je me suis dit que, vraisemblablement, elle devait refléter une certaine incompréhension d’une part plus importante du public et que le montage n’était peut-être pas aussi clair que ne pouvaient le penser ceux qui connaissaient le scénario.

Je n’avais jamais eu la distance suffisante pour prendre une parfaite conscience des difficultés de compréhension liées au montage et cette critique, très réservée, était bien venue. Il fallait, bien sûr, que je trouve un moyen de rendre plus évidente la simplicité de l’histoire. Mon ambition est que La momie à mi-mots soit un film accessible à tout public, y compris aux enfants, comme une sorte de conte pour enfants qui pourrait émerveiller aussi les grandes personnes. Une plus grande clarté s’imposait donc, et exigeait une refonte de la structure narrative. Je me suis longtemps interrogé sur la possibilité d’inclure une voix off. J’ai, dans un premier temps, pensé faire appel à la très belle voix de Michael Lonsdale, qui m’avait aidé par le passé en lisant mes propres textes au cours d’un spectacle que j’avais mis en scène. Je pensais qu’il pourrait donner quelques indications, au cours du film, mais j’ai vite compris que la partie du titre du film "à mi-mots" ne serait plus vraisemblable si j’utilisais une voix. "Mi-mots" signifiait pour moi: suggérer à demi-mots, presque sotto voce. Or, pour moi, les images du film avaient pour fonction de remplacer les mots. Il fallait donc que l’histoire soit compréhensible muette, sans quoi je ne passerais jamais à la sonorisation de La momie à mi-mots. Aussi étais-je, petit à petit, arrivé à l’idée que des panonceaux, comportant de très brèves indications, comme au temps du cinéma muet, feraient l’affaire. Cependant, il m’a semblé qu’il y aurait une trop forte rupture, entre les images animées du film et les panonceaux que je m’étais proposés de faire, entre chaque partie du film, pour introduire des sortes de chapitres.

Parallèlement à ce nouveau travail de montage que je me suis imposé, je me consacrais depuis longtemps à des activités picturales. J’avais ainsi commencé une série de miniatures faites, pourrait-on dire, au plus "zen" de moi-même. Il s’agissait d’une recherche formelle, utilisant la technique de l’aquarelle.

J’avais conçu ces miniatures, dans l’esprit des miniaturistes du XVème-XVIème siècle (des enluminures), tels les frères Limbourg. Comme un moine tibétain, je consacrais du temps à cette pratique religieuse et ascétique, pour élaborer des sortes de mandalas, très originaux, dans la cellule de mon monastère: ma chambre. Au cours de ce travail, destiné à discipliner mon esprit et mon corps, j’avais petit à petit compris que ces miniatures allaient occuper une place importante, elles aussi, dans le film.

Ces miniatures, pensais-je, devaient avoir pour fonction de faire la transition entre ces images animées et les intertitres sur les panonceaux. D’autant plus que certaines de ces miniatures étaient aussi une réflexion sur l’écriture et sur le mouvement, en peinture. La décision était donc prise: ces miniatures introduiraient les panonceaux que je voulais placer dans La momie à mi-mots, comme des décorations de tête de chapitre, pour chacune des principales séquences du film: j’avais donc bien fait d’écouter cette critique à "la boucherie".

De toute façon, ayant renoncé dès le commencement du tournage à la seule phrase envisagée - celle que devait dire Alain Cuny au début du film - je voulais éviter le son de la voix. Je compris qu’il était essentiel que le film demeure muet.

Les miniatures que j’avais commencées depuis de longues années pouvaient donc introduire les panonceaux et clorent les chapitres. Les panonceaux devaient être conçus le plus simplement possible et devaient servir de points d’ancrage. Établis grâce à la médiation des mots, ce seraient de courtes explications données aux spectateurs, avant le début d’une séquence. Il fallait une miniature par chapitre et je devais donc terminer la série que j’avais commencée, dans l’optique de leur intégration au film.

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153 Annie Comolli, Cinématographie des apprentissages Fondements et stratégies, éditions Arguments, 1995, page 28.

 



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Révision : 11 avril 2003