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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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VI. 3. c. Apprendre

Pour faire La momie à mi-mots, j’ai dû mettre en oeuvre, à tous moments, mon sens de la réflexion et mon esprit d’initiative.

J’ai déjà dit que j’ai dû changer de casquette une bonne trentaine de fois pour réaliser La momie à mi-mots. Je crois que cela m’a formé plus qu’un service militaire ne saurait le faire!

La réalisation de La momie à mi-mots a accompagné ma croissance, ma métamorphose en homme: j’ai dû tenir la même barre sur le même cap, pendant sept années, souvent de manière très solitaire. Ce fut une expérience parfois très difficile, et même pénible, mais qui se révèle en fin de compte très constructive et très enrichissante. Cela m’a permis de m’ouvrir au monde, de vaincre mes peurs, de savoir aller de l’avant, quoi qu’il arrive, pour réaliser l’objectif, que je m’étais fixé.

La momie à mi-mots est un travail qui avait pour fonction de me préparer à ma vie d’homme: grâce à la rigueur constante qu’a impliquée sa réalisation, je peux dire que ce film a réussi, en quelque sorte, à me soigner. Les momies n’étaient-elles pas, d’ailleurs, autrefois employées comme remède? Et n’est-ce pas dans le sens de "remède" que le vocable "momie" est attesté au XIIIème siècle 168? Sans doute ce film a-t-il contribué à faire d’un jeune homme, un peu inconscient, un homme conscient. Le projet lui-même ne témoignait-il pas, au départ, d’une certaine inconscience?

Apprendre à produire un film en gérant un budget, à modifier un scénario en fonction des rencontres, à taper à la machine ces modifications, à dessiner un story-board, à choisir les lieux de tournage, à susciter l’intérêt, et à créer de l’enthousiasme sur un projet,

apprendre à se comporter avec ses semblables, pour réussir à mobiliser leurs énergies, en faveur d’un projet commun bénévole,

apprendre à se faire assister, à travailler avec des acteurs, et des musiciens, pour préparer un film, à s’ouvrir à eux, à leurs talents, à être un apprenti ingénieur du son, pour enregistrer des musiques, à savoir où disposer les micros, pour enregistrer le meilleur son possible, à diriger les musiciens pour obtenir d’eux la couleur des sons que l’on souhaite avoir pour chaque séquence du film,

apprendre à négocier des autorisations de tournages gratuites, avec toutes les parties concernées, pour les lieux choisis, à composer un plan de travail rigoureux, en tenant compte des disponibilités de chacun des acteurs bénévoles,

apprendre à séduire une équipe de techniciens, des acteurs, et des têtes d’affiches, pour que leurs participations soient bénévoles, choisir un cheval parmi cinquante autres,

apprendre à faire de petits cours sur le cinéma, et la vidéo, pour que des enfants acceptent de participer au film,

apprendre à être un bon régisseur soucieux du bien-être de chacun des membres de l’équipe, lors du tournage, et obtenir les repas gratuits de restaurants, en échange de simples remerciements au générique du film,

apprendre à obtenir des subventions, à convaincre l’une ou l’autre entreprise d’offrir, ou de prêter les accessoires indispensables, s’improviser chef décorateur, et créateur des principaux accessoires, travailler avec les acteurs pour trouver les costumes, qui conviennent, pour chaque séquence, travailler avec des couturiers afin d’obtenir les costumes souhaités, obtenir en prêt le matériel technique nécessaire au tournage,

apprendre à faire des essais caméras et les essais des objectifs avant le tournage, à charger, comme un assistant caméra, les différents modèles de caméras dont on dispose, non pas comme on charge un fusil pour tuer, mais pour donner à voir la vie, à nettoyer la fenêtre, et l’objectif d’une caméra dans les moindres détails, pour éviter le fameux poil caméra, cauchemar du réalisateur,

apprendre à être le chef opérateur, responsable des emplacements des caméras, et des éclairages, à être aussi l’un des cadreurs, dès que possible,

apprendre à mettre en scène, à diriger des hommes, des femmes, et des enfants, que l’on connaît à peine, et à jouer soi-même, dans certaines scènes tout en dirigeant, à vérifier constamment toutes sortes de menus détails pendant le tournage: des accessoires, qui doivent être présents, dans les séquences du lendemain, aux présences de chacun des membres bénévoles, d’un sourire d’un acteur, à sa position dans le champ d’une caméra,

apprendre à négocier avec les laboratoires de développement, à vérifier le contenu d’une pellicule voilée et filée,

apprendre à tourner, et à monter des vidéos sur des chorégraphies,

apprendre à se servir d’une régie vidéo, et des trucages qu’elle offre, à acheter les scotchs de montage pour la colleuse,

apprendre à se servir de différentes tables de montage, à les réparer plus d’une fois, en passant plusieurs jours, à démonter, puis à remonter, après avoir remplacé les pièces cassées, et les avoir retrouvées, neuves, dans Paris,

apprendre à monter les différentes pistes sons du film, à trouver de l’amorce son, et de l’amorce image,

apprendre à diriger, et à créer une bande son électronique, grâce à l’aide d’un ordinateur,

apprendre à recevoir et à affronter les critiques, lors d’une projection publique, à créer et à gérer une société de production, et de distribution, pour toucher une subvention, sans laquelle on ne pourra pas terminer son film, consulter des livres de droits, négocier aux plus bas prix des travaux laboratoires, et des kinescopages,

apprendre à être son propre projectionniste, à être un coursier, à balayer son lieu de travail, à trouver une méthode personnelle de travail, à faire des doubles collures, à se servir d’une enrouleuse, à repiquer des sons, à chercher des bruitages dans une sonothèque,

apprendre à présenter et à filmer les intertitres sur des panonceaux, trouver treize traducteurs,

apprendre enfin tous les jours à mieux peindre des miniatures, de plus en plus chargées de détails infiniment fins, etc. etc,

et finalement apprendre à se servir d’un ordinateur pour recommencer à écrire, comme au tout début du projet de cette aventure (qui a commencé par l’écriture du scénario), mais cette fois-ci, pour raconter en détail, son expérience, dans cette thèse,

sont, je crois, une excellente école pour

apprendre ce que peut-être la vie vécue intensément.

 

Ce film a ouvert grandes les portes de la connaissance, et je suis avide maintenant de connaître de nouveaux territoires. J’ai soif d’apprendre et de rester un apprenti.

J’ai conscience d’avoir eu une chance, parfois difficile à assumer: d’avoir été l’apprenti d’un travail, dont j’étais aussi le maître d’œuvre.

C’est aussi la constante recherche de bien faire son travail, et de le parfaire, qui forge ce sentiment d’être constamment un apprenti.

La réalisation de ce film, et l’élaboration de cette thèse, ont été un remarquable apprentissage de ma vie d’adulte responsable (c’est-à-dire qui peut répondre, parler).

J’ai dû prendre des responsabilités, et des risques à tous les moments, non seulement envers chacun des membres de l’équipe qui m’a assisté, mais aussi envers une centaine d’entreprises ou organismes, qui ont bien voulu me faire confiance et m’aider en me donnant, le plus souvent, quelques bouts de chandelles, pour que je puisse réaliser ce projet. Je n’ai pas été le seul à risquer, mais d’autres aussi ont pris des risques concrets. Je rappelle ici la difficile séquence de l’alpiniste, et du danseur de yo-yos, au sommet de l’observatoire de Paris. Bien sûr, il s’agissait de risques calculés, car il a fallu assurer les deux hommes, au sommet de l’observatoire, avec des cordes, pour qu’aucune catastrophe ne se produise.

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168 Voir article "momie", dictionnaire étymologique de la langue française, page 415.

 



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Révision : 11 avril 2003