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Accueil du scénario LE MAROC AUPARAVENT (note d'intention)

 

Le scénario complet

Le scénario découpé (sommaire)

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Ici

scénario complet

LE MAROC AUPARAVENT

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une idée originale de Laury GRANIER

scénario et dialogues Laury GRANIER, Nayla ABDO

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Sommaire du découpage technique

 

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LE MAROC AUPARAVENT

 

une idée originale de Laury GRANIER

scénario et dialogues Laury GRANIER, Nayla ABDO

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Le scénario complet

      

OUVERTURE

 

1. EXT. - JARDIN DU LUXEMBOURG - JOUR

 

Un homme, vu de dos, est assis sur une chaise métallique. Il regarde le bassin du Luxembourg sur lequel naviguent des petits bateaux en bois qui sont poussés, à l'aide de baguettes, par des enfants. Certains petits bateaux s'éloignent du bord, agis par le vent qui souffle dans leurs voiles.

 

Le ciel est clair.

 

Sur la gauche da bassin, de nombreux promeneurs, habillés chaudement.

 

ANGLE sur une femme qui arrive de face.

 

GROS PLAN des cheveux de l'homme.

 

La femme s'est rapprochée. Elle scrute avec insistance l'homme que l'on voit toujours de dos. Elle esquisse un geste de reconnaissance.

 

L'homme, la tête légèrement de côté, est absorbé dans ses pensées et ne la voit pas.

 

 

FRANÇOISE (25 ans) est mince, de taille moyenne ; elle a de longs cheveux clairs ; elle porte une veste de cuir sombre, une jupe courte, des bas résille noirs et des escarpins à lacets ; une boucle d'oreille en forme de larme pend à son oreille droite.

FRANÇOISE

(étonnée et agréablement surprise)

 

David ?!... David ... Toi ici ?! ...

 

 

 

DAVID

(dont on n'aperçoit pas le visage, marque un temps d'arrêt puis, d'une voix émue)

Françoise !... Quel plaisir de te voir ... après si longtemps ... heu ... viens, viens t'asseoir près de moi !

 

 

 

Françoise tire une chaise à elle et s'assied en face de David. Derrière elle, sur l'eau claire du bassin, les voiliers continuent de naviguer.

 

FRANÇOISE

 

De loin, tu me semblais bien songeur ...

 

 

DAVID

(l'interrompant)

De près, aussi ! Regardes l'homme là-bas, assis sur le rebord du bassin, avec la petite

fille près de lui ... Tu le vois ? ...

 

ANGLE sur l'homme désigné. La trentaine, il est assis, les coudes posés sur les genoux, l'air parfaitement ailleurs. La petite fille a des cheveux clairs bouclés. Elle tourne autour de lui et se penche pour regarder les voiliers.

 

 

FRANÇOISE

(off)

Oui ...

 

 

DAVID

(off)

 

Cela me rappelait une scène de mon enfance : j'étais avec mon père, comme elle, il y a 20 ans, et je regardais les bateaux ... Tu le vois, il n'a pas l'air de se rendre compte qu'il est responsable de l'enfant ... l'enfant, elle, ne tombera pas dans l'eau ! Son père semble loin de toute réalité et elle le sent ... elle le sent tellement fort que cela provoque chez elle le sentiment de responsabilité qui manque à son père ... (Arrêt) ... Et moi, mon premier souvenir, c'est ce bassin ! Pour moi, c'est la folie du premier souvenir ...

 

ANGLE sur Françoise, le regard interrogateur.

 

DAVID

(poursuivant )

Oui, tu comprends, ce bassin était le centre du monde pour moi…Mon premier souvenir, le début de mon histoire !

 

 

FRANÇOISE

Tu n'as pas changé ! Eh bien, mon centre du monde à moi ... (se reprenant)... j'en ai plusieurs ... Machu Pichu, les jardins de la domus Aurea de Néron à Rome, et . . . Volubilis . . . (changeant de ton) tu te souviens ?... avant qu'on ne se quitte, tu m'avais promis une semaine de ta vie ! Pourquoi attendre ? ... Tu es toujours d'accord ? ...

 

DAVID

(se souvenant mais persiflant)

J't'avais promis ça ! moi ? ! ...

 

FRANÇOISE

Arrêtes ! … (sérieuse) … je pars dans quelques jours au Maroc. Pourquoi ne viendrais-tu pas ?..

 

DAVID

(surpris, voix légèrement incrédule)

Ah, comme ça ? ! Au Maroc !… Après deux ans… (la provoquant)… Tu ne sais pas si je peux ! (réfléchissant)… après tout, pourquoi pas, tiens ! … Je te prends au mot ! … On y va…

 

 

FONDU AU NOIR

 

 

2. EXT. - MAROC / ENTRÉE HOTEL - APRÈS MIDI

 

Une rue devant une entrée d'hôtel. Celle-ci est surmontée de drapeaux flottants et encadrée de vigne vierge.

 

A quelques mètres de l'entrée, de part et d'autre, quelques voitures en stationnement.

 

Une voiture américaine, vieillie, s'arrête devant l'hôtel.

 

Un groom en sarouel gris, un fez sur la tête, sort de l'hôtel, se dirige vers le coffre de la voiture, l'ouvre et en retire les bagages.

 

Un couple sort de la voiture : on reconnaît Françoise. Le couple suit le groom à l'intérieur de l'hôtel.

 

 

3. INT. - CHAMBRE D'HOTEL - APRÈS MIDI

 

Françoise (polo, jeans, baskets, les cheveux tirés) se tient sur le balcon, derrière la baie vitrée. Elle est accoudée à la balustrade à barreaux verticaux. Devant Françoise, on aperçoit des hauts de palmiers se berçant au gré d'un vent léger.

 

TRAVELLING AVANT - PLONGÉE : Françoise regarde le jardin. On entend maintenant le chant des oiseaux et le bruit des jets d'eau retombant dans un bassin en céramique. Autour du bassin, eucalyptus, orangers et palmiers ainsi que des tapis de fleurs. Le jardin est entouré d'arcades claires qui constituent un abri ombragé. Sur la gauche, au soleil, des fauteuils en rotin clair sur lesquels des personnes sont assises, buvant.

 

DAVID

(off)

C'est super ! …Y'a même le téléphone dans la salle de bain !… C'est carrément le luxe ! (temps d'arrêt) Tu veux pas qu'on se fasse servir notre dîner sur la terrasse de la chambre ?

 

TRAVELLING ARRIÈRE

 

FRANÇOISE

(se retournant)

Non, non ! Je te réserve une surprise : la salle à manger de la partie ancienne de l'hôtel ...

Elle date de 1910 ... il faut que tu voies ça !

 

FONDU AU NOIR

 

4. INT. - RESTAURANT / SALLE A MANGER - SOIR

 

C'est une grande salle. Le plafond est en cèdre ouvragé. Des murs clairs qui, près du plafond, sont recouverts d'une frise d'arabesques gravées dans le plâtre et, vers le centre, décorés au pochoir.

 

Au centre de la salle, une colonne-pillier supporte deux arcs ouverts largement. Sur le mur du fond, face à l'entrée, une tenture grise au-dessous de laquelle une longue banquette basse, recouverte de coussins, fait le tour de la salle. Devant celle-ci, quelques tables basses sont disposées : elles sont de différentes tailles et entourées de poufs. Des tables identiques se trouvent également placées autour du pilier central.

 

Par terre, des tapis recouvrent la moquette.

 

ANGLE FAVORISANT la porte d'entrée où l'on voit Françoise et David (dans l'ombre). Françoise est vêtue d'un chemisier clair en dentelle et d'un sarouel sombre.

 

Un maure d'hôtel, portant un sarouel et un fez sombre, arrive de la gauche, s'avance vers Françoise en arborant un large sourire.

 

LE MAITRE D'HOTEL

(léger accent, prévenant)

Vous êtes combien ? ...

 

FRANÇOISE

Deux!

 

LE MAÎTRE D'HÔTEL

(désignant une table dans le fond)

Est-ce que la petite table, là-bas, vous va ?

 

 

PANORAMIQUE sur la salle : on aperçoit plusieurs convives attablés.

 

ANGLE sur la table désignée par le Maître d'Hôtel.

 

 

FRANÇOISE

(off)

Oui, c'est très bien!

 

 

TRAVELLING LATÉRAL GAUCHE-DROITE le long de la salle.

 

Françoise s'avance en regardant autour d'elle. Elle a l'air fort surprise. Plus elle avance, plus la surprise s'accentue. Elle fait mine de se retourner vers David (que l'on ne voit toujours pas) et arrive à la table désignée. Elle s'assied face à la salle.

 

Le Maître d'hôtel la rejoint et lui tend une carte.

 

CUT

 

Françoise est assise sur la banquette ; de biais, la tête de David, assis sur un pouf. Françoise a le visage marqué d'une expression incrédule, les yeux écarquillés d'étonnement. Elle se penche légèrement à droite puis à gauche comme pour mieux distinguer le reste de la salle.

 

FRANÇOISE

(avançant au-dessus de la table vers David, voix totalement émue)

C'est incroyable, tu sais ! ... Je connais toutes les personnes qui dînent dans cette salle !

 

DAVID

(off, riant)

Tu en fais une tête ! Oh, je connais ça ... on a souvent cette impression ...

 

FRANÇOISE

Mais je te jure ! tu dois me croire ... Regardes à cette table (elle indique de la tête une table en face d'elle, au centre de la salle)... c'est un P.D.G. que j'ai connu à Volubilis ... et là-bas, à gauche, dans le coin, c'est une famille de bergers qui nous avait accueillis, Philippe et moi, près de Ouarzazate ...

 

PANORAMIQUE circulaire qui s'arrête sur les différentes personnes que Françoise nomme.

 

FRANÇOISE

Et puis, juste à côté, c'est le gardien de la kasbah de Telouet ... et ... à l'autre table, plus loin, c'est une famille de berbères qui nous avaient donnés l'hospitalité en pleine montagne, après un accident mécanique survenu à la 4L.

 

RETOUR à Françoise scrutant intensément la salle.

 

FRANÇOISE

(poursuivant)

Et lui (PLAN sur le Touareg, dînant), c'est un Touareg de Tinfu chez qui nous avions déjeuné ...

 

RETOUR sur Françoise, perdue dans ses pensées.

 

FRANÇOISE

Je crois rêver ... toutes ces personnes ... ici !

 

DAVID

(l ' interrompant)

Du calme, Françoise ! ...

 

FRANÇOISE

(sur sa lancée)

Je t'assure ! ... je les ai connues au cours du dernier voyage ... J'étais venue pour faire le repérage d'un film pour le ministère du tourisme marocain ... J'avais emporté le paravent de ma grand-mère ... tu sais, celui dont elle avait peint la partie supérieure de vues de Marrakech, quand elle habitait ici ...

 

DAVID

(off, l'interrompant encore)

... Bon, bon, d'accord ! ... Attends ! ... On commande d'abord !

 

FRANÇOISE

(excitée)

On peut prendre deux Tagines de poulet aux olives et une bouteille de vin de Meknès ...

 

On voit le Maître d'hôtel noter les commandes.

 

DAVID

(off)

... Deux salades marocaines pour commencer, deux Tagines de poulet aux olives, ensuite, et, bien sûr, une bouteille de vin rouge de Meknès !...

 

Le Maître d'hôtel disparaît.

 

FRANÇOISE

(enchaînant directement sur ses souvenirs)

... Donc, ce paravent, je voulais le placer devant l'objectif de la caméra ... mais ... finalement, je n'avais pu faire qu'un repérage ... et le paravent, j'ai dû le laisser ici . . . (elle rit) . . . Seulement, son image m'avait tellement frappée qu'obsessionnellement, je continuais à le placer, dans ma tête, devant tout ce que je voyais ... il devenait un vrai personnage qui m'accompagnait partout ... C'était ... comme s'il revenait au pays, après une longue absence ... le pays avait changé ... il n'était plus chez lui !...

 

Françoise est interrompue par les salades qui arrivent. On distingue des tomates coupées en gros dés et des feuilles de coriandre frais. Françoise commence à manger. Un petit silence s'ensuit, entrecoupé par .es bruits des couverts qui s'entrechoquent dans le fond sonore restaurant.

 

Françoise tout en mangeant, porte un regard discret vers différents points de la salle (que l'on n'aperçoit pas).

 

FRANÇOISE

(soudain)

Tu vois le personnage ...

 

PLAN AMERICIAN SERRE d'un homme d'âge mûr, vêtu d'un costume-cravatte, dînant face à une femme que l'on n'aperçoit que de dos est l'homme que Françoise avait rencontré à Volubilis.

 

FONDU ENCHAINE entre le costume de l'homme et une toile qui se déchire (on comprendra, plus tard, que c'est la toile du premier volet du paravent).

 

A travers cette ouverture, apparaît Volubilis. En même temps, on une musique de guitare classique. On aperçoit les colonnes d’un temple au sein d'un paysage de collines vertes.

 

Pendant qu'en voix off, on entend les explications que Françoise donne à David, au restaurant, on suit, à l'image, les étapes de son précédent voyage à Volubilis.

 

5. EXT. - VOLUBILIS - FIN DE JOURNEE

 

Au-dessus des collines, le soleil se couche ; sur la droite, les blés sont dorés.

 

Dans une allée pavée "à la romaine", un jeune homme (25 ans) et Françoise avancent. Lui (cheveux bruns, taille moyenne) est vêtu d'un jean's, d'une large chemise à petit col et manches retroussées, un foulard noué autour du cou et chaussé de baskets. Françoise porte un sarouel bordeaux et un polo ; elle a les cheveux relevés et un appareil photo en bandoulière.

 

Sur le côté gauche, une rangée de colonnes sur le haut desquelles des cigognes ont fait leur nid.

 

Françoise et le jeune homme disparaissent derrière l'une des colonnes.

 

FRANÇOISE

(off)

C'était avec Philippe ... On se promenait dans les ruines ... Je faisais des photos ... Il n'y avait presque plus personne, tout juste les gardiens, qui nous empêchaient de monter sur les murets ...

 

PLAN sur Françoise et Philippe s'arrêtant devant une mosaïque.

 

FRANÇOISE

(off, poursuivant après une petite pause)

... Volubilis, c'est un lieu magique ! Le nom déjà ... Volubilis ...

 

DAVID

(off, l'interrompant)

Qui c'était, pour toi, Philippe ?...

 

ANGLE sur une maison romaine dont les murs ne montent pas haut. Au centre d'une espèce de cour intérieure, un petit bassin en pierre, arrondi, au-dessous duquel on voit des mosaïques représentant des figures humaines dans six ou sept médaillons entourés de volutes géométriques de couleur.

 

FRANCOISE

(off)

... Je lui avais demandé de m'accompagner au Maroc car, en tant que femme, il fallait que je sois

protégée ! ... Et puis ... C'était lui qui devait s'occuper du son, dans le film, si on avait tourné ...

il n'avait jamais travaillé dans le cinéma ... Finalement, il était heureux que notre voyage

se soit transformé en repérage : cela nous a permis de nous connaître ... (un temps d'arrêt)

... Il avait fait des études d'Histoire de l'Art et, à Volubilis, il était dans son élément ! . . .

(complaisante) . . . Il m'expliquait le système de chauffage, reconnaissait les thermes ...

 

En même temps que Françoise parle du chauffage et des thermes, on aperçoit des briques creuses servant à faire passer l'air chaud et des thermes.

 

FRANÇOISE

(poursuivant)

... Sa présence m'était agréable ... je l'observais quand il conduisait, dans le rétroviseur ...

C'est lui qui conduisait tout le temps : il ne voulait pas que je me fatigue ...

 

ANGLE sur Philippe et Françoise marchant dans les ruines. Ils arrivent devant un bloc de pierre blanche sur lequel est sculpté un sexe d'homme.

 

FRANÇOISE

(off)

... Je n'ai jamais su vraiment s'il m'aimait ... Je crois avoir été amoureuse

de lui, ponctuellement, dans ... certains décors ... à ... différents moments ...

 

UN AUTRE ANGLE sur Philippe et Françoise marchant toujours dans les ruines. Sur le sol, un grand chapiteau de colonne. Près de lui, on reconnaît le P.D.G. désigné par Françoise au restaurant et un enfant.

 

DAVID

(off, l’interrompant)

... Oui, il ne faut pas oublier les décors de notre vie !

 

Françoise se dirige vers l'homme et l'enfant et elle engage une conversation.

 

FRANÇOISE

(off)

Pour en revenir à Volubilis, c'est donc là que j'ai rencontré l'homme derrière toi ... I1 s'est mis tout de suite à me raconter qu'il y venait souvent, presque tous les samedi ... il venait de la ville la plus proche : Meknès ...

 

DAVID

(off, interrogatif)

... Ah oui ! Comme le vin ?...

 

FRANÇOISE

(off)

... Oui, comme le vin ! I1 dirigeait une petite entreprise d'engrais chimiques

et sillonnait le pays en voiture pour vendre sa marchandise.

Pour moi, il a tout de suite été le symbole du Maroc d'aujourd'hui ...

 

Maintenant, Françoise, le P.D.G. (Mohammed) et l'enfant se promènent dans les ruines.

 

FRANÇOISE

(off, enchaînant)

... Sa femme l'attendait à l'extérieur du site, dans leur 4L, avec leur fils

aîné atteint d'une tumeur au cerveau. Tu te rends compte, son fils

avait dix ans quand ils ont su qu'il était condamné ! Ils ont quand même

eu le courage de faire un autre enfant ... il me disait qu'il avait puisé

sa force dans l'Islam ... ils nous ont invités chez eux pour dîner ...

 

Françoise, Mohammed et l'enfant se sont arrêtés près d'une colonne. Philippe les a rejoint.

 

DAVID

(off)

En somme, Volubilis reste paradoxalement, pour toi, l'image de la vie ! ? ...

 

ANGLE sur Françoise photographiant Mohammed et l'enfant.

 

En même temps qu'on entend le déclic de l'appareil photo, on voit l'image fixe de la photo que Françoise vient de prendre.

 

FONDU ENCHAÎNÉ de la photo avec la nappe de la salle du restaurant

 

 

6. INT. - SALLE DU RESTAURANT - SOIR

 

Mohammed et sa femme dînent.

 

PANORAMIQUE de la table de Mohammed vers celle de Françoise et David. Le Maître d'Hôtel est en train de retirer les assiettes vides. Un serveur apporte deux plats en terre cuite recouverts d'une cloche. Françoise tourne la tête vers la table située à gauche.

 

ANGLE sur cette table autour de laquelle une famille, composée d'un homme (maigre, le visage émacié), d'une femme parée de bijoux et de quelques enfants.

 

L'image devient alors FLOUE puis FONDU ENCHAÎNÉ sur la toile floue du second volet du paravent, qui se déchire.

 

 

7. EXT. - ROUTE - JOUR

 

PLAN MOYEN d'une route longeant une vallée.

 

Une 4L bleu ciel roule. Au moment où elle apparaît, on entend une musique folklorique arabe. La 4L disparaît au détour d'un virage.

 

CUT

 

PLAN MOYEN d'un paysage où l'on aperçoit, au loin, des Ksours dans le désert ; au premier plan, on distingue les deux premiers volets du paravent, dont la toile est déchirée.

 

PANORAMIQUE DROITE GAUCHE puis PLONGÉE.

 

On voit alors la 4L arriver de face, sur une route en goudron. Elle disparaît à nouveau.

 

 

8. EXT. - INTÉRIEUR 4L - JOUR

 

PLAN MOYEN SERRE de l'intérieur de la 4L : Philippe conduit ; devant, la route défile.

 

A un tournant, apparaît un ksour imposant, de couleur ocre, avec des créneaux.

 

Un homme en djellaba blanche dévale un chemin de pierre en pente situé sur la droite, devant le ksour. I1 fait de grands signes pour arrêter la 4L.

 

La 4L s'arrête en même temps que la musique.

 

L'homme est maintenant à la hauteur de la voiture. Il se penche vers là portière de Philippe en lui montrant des dates.

 

 

 

L'HOMME

(en arabe, faisant des signes)

Venez, venez manger des dates et boire du lait de chèvre ...

 

Françoise et Philippe hésitent.

 

FRANÇOISE

On ne peut pas refuser ! ...

 

Devant l'encadrement du paravent (que l'on aperçoit toujours au premier plan), Philippe et Françoise sortent de voiture ; ils suivent l'homme et tous les trois disparaissent derrière la porte du ksour.

 

 

9. INT. - CHAMBRE KSOUR - JOU

 

La pièce est sombre. Une meurtrière laisse entrer la lumière. Des tapis sont placés par terre. Sur ces tapis, des coussins. Un peu plus loin, par terre, des ustensiles de cuisine, salis par des traces de feu. En face de la meurtrière, on distingue une ouverture dans le mur, sorte de fenêtre, fermée par un grillage dessinant des arabesques en fer forgé.

 

De l'autre côté du grillage, on aperçoit une autre pièce, fortement éclairée, dans laquelle on voit la partie supérieure d'un métier à tisser vertical

 

Philippe est assis près de la fenêtre de séparation ; il tient d'une main un long verre rempli de lait et de l'autre des dates. Près de lui, une chevrette et un enfant.

 

DAVID

(off, après un long silence et comme pour combler un vide, extirpant difficilement ses souvenirs)

... C'est après que nous nous soyons quittés que je suis véritablement tombé amoureux de toi ! ... Tu me diras que j'ai toujours été amoureux de l'inaccessible, de ce que je n'avais plus ... J'ai réalisé à quel point je tenais à toi .. Mais je te savais avec quelqu'un d'autre ... J'errais dans Paris en m'insultant à haute voix, dans les nuits froides de l'hiver, m'arrêtant pour écrire les mots de tout le monde ... Les mots de mon amour perdu ... Puis ... comme pour me venger ... ( interrogatif )… Me venger de quoi ? . . . Peut-être de ma lâcheté ?... J'ai couché avec de nombreuses femmes et je t'oubliais peu à peu ... Et puis ... Un sentiment de dégoût a commencé à m'envahir ... Je suis alors parti en Grèce où j'ai trouvé une île déserte ... Enfin, je veux dire sans confort, ni électricité, ni téléphone ... Sans voitures, ni magasins ... Mais pourtant peuplée. J'y suis resté une année entière, travaillant la terre chez un paysan et, surtout, me promenant par tous les temps, dans cette île aride, sauvage, aux grottes nombreuses, face à la mer bleue

 

 

10. INT. - CHAMBRE MÉTIER A TISSER / KSOUR - JOUR

 

GROS PLAN des doigts d'une femme nouant la laine d'un tapis orange.

 

Le plan s'élargit et on voit l'homme en djellaba blanche pénétrer dans la pièce et dérouler des tapis, les montrant à Françoise, debout près de la femme. Françoise admire les tapis mais fait signe qu'elle n'a pas d'argent pour en acheter.

 

 

11. INT. - CHAMBRE KSOUR - JOUR

 

Françoise a rejoint Philippe. On aperçoit, à travers les barreaux, l'homme qui enroule les tapis.

 

Philippe esquisse des gestes d'interrogation avec ses mains comme pour demander : "qu'est-ce qu'on fait". Françoise, portant son index à sa bouche, lui intime doucement le silence et transforme son geste en un baiser qu'elle lui souffle sur le bout de ses doigts puis elle quitte la pièce.

 

12. INT. - COUR INTÉRIEURE / KSOUR - JOUR

 

Au-dessus de la cour, la tour du Ksour domine. Dans un coin, des chèvres sont rassemblées près d'un tas de dates sèches.

 

Une porte s'ouvre laissant apparaître Françoise précédée de l'homme.

 

Celui-ci lui montre ses chèvres, l'air résigné. François prend une photo du berger et tous deux quittent la cour.

 

 

13. EXT. - ENTRÉE DU KSOUR - JOUR

 

Françoise est devant la porte du Ksour. Elle a l'air surprise.

 

On suit son regard et on découvre un panneau publicitaire où l'on voit un homme embrassant une femme. On reconnaît Françoise dans la femme.

 

Le panneau disparaît brutalement, laissant place au paysage.

 

 

DAVID

(off, sans s'être arrêté de parler)

... Tu n'as pas l'air de t'intéresser beaucoup à mon histoire ... (il marque un temps d'arrêt) ... Mais, qui c'est cette famille de bergers ? ...

 

 

Philippe est maintenant aux côtés de Françoise.

 

GROS PLAN de la main de Françoise serrant celle de Philippe.

 

Philippe et Françoise se dirigent vers la voiture. Ils font des signes d'adieu à l'homme en djellaba blanche.

 

Autour de la voiture, un groupe d'enfants s'amusent.

 

 

 

FRANÇOISE

(off)

Oh, rien !... cet homme nous avait invités ... (se reprenant) ... je crois qu'au fond il nous avait invités dans l'espoir de connaître la situation du travail en France ... il voulait s'y rendre ... les dates que la palmeraie produisait étaient à peine mangeables pour les hommes ... tout juste bonnes pour ses chèvres ... tu sais, les dates sont leur principale nourriture ... il ne parlait pas un mot de français et m'a fait comprendre par signes qu'il voulait venir travailler chez nous ... sa palmeraie se mourait ... d'abord, le bayoud ... tu sais, cet espèce de champignon qui prospère sur la racine des dattiers, et puis la sécheresse, qui durait depuis trois ans ... et ce printemps-là qui lui faisait croire que la pluie ne tomberait plus ... l'été approchait ...

 

Philippe traverse la route pendant que Françoise prend place dans la voiture.

 

 

FRANÇOISE

(off, sans s'arrêter)

... Sa femme faisait des tapis et ce devait être leur seule source de revenus ... Tu comprends ... Alors ... La France lui apparaissait comme le seul lieu où il pouvait trouver du travail ... J'ai tenté de l'en dissuader ... Peut-être que j'ai mal fait ? ...

 

 

DAVID

(off, riant nerveusement)

Sa présence ici, au nord de son village, montre peut-être que tu n'y as pas réussi ! ... Nous retrouverons, peut-être ce berger-artisan d'un Ksour médiéval dans une banlieue parisienne ! ...

 

 

 

FONDU ENCHAÎNÉ entre la palmeraie et les arabesques qui se trouvent sur le mur de la salle du restaurant.

 

 

14. INT. - SALLE RESTAURANT - SOIR

 

TRAVELLING ARRIÈRE puis PLONGÉE sur la table où mange le berger.

 

TRAVELLING LATÉRAL jusqu'à une autre table où un homme, seul, mange. On reconnaît le gardien de la Kasbah de Telouet. I1 a, nouée autour de son cou, une longue pelisse de peau de mouton. De sa main, qu'il secoue de petits gestes latéraux, il forme une boule de couscous.

 

GROS PLAN du mouvement.

 

DAVID

(off)

... Et lui, là-bas ? ...

 

 

FRANÇOISE

(off)

Oh lui, c'est une tout autre histoire !...(riant) ... quand je l'ai rencontré à Telouet, je lui ai donné de l'aspirine !...

 

FONDU ENCHAÎNÉ entre la boule de couscous et la toile du troisième volet du paravent, qui se déchire à son tour.

 

 

15. EXT. - KASBAH TELOUET - JOUR

 

Dans le fond, une énorme bâtisse en ruine, sorte de grand château aux fenêtres encadrées de montants blancs. Au premier plan, un chemin de terre sur lequel la 4L bleue passe. Au volant, on aperçoit Philippe, l'avant-bras accoudé à la portière.

 

 

FRANÇOISE

(off, sans s'arrêter)

... Ce serait difficile de te raconter ... J'ai eu des visions dans cette kasbah ... Parles-moi, plutôt, de ton retour à Paris ...

 

DAVID

(off)

…De mon retour à Paris ! Ben à mon retour à Paris, je passais ma vie au cinéma !... J'allais voir des films que tu avais adorés ... J'ai vu, par exemple, "Viva la Muerte" ... Tu m'en avais parlé avec tant de passion ... un an de solitude n'avait rien produit de bon ... Ca n'a fait que me ramener à toi, en pensée ... Tes paroles me revenaient ...

 

L'ambiance sonore du restaurant s'estompe peu à peu, laissant la place à celle qui correspond à l'image.

 

On voit maintenant la 4L s'avancer de face ; elle tourne légèrement sur sa droite et se gare devant une large porte ouverte, en forme d'ogive.

 

Philippe et Françoise descendent de voiture.

 

De l'intérieur de la kasbah, un homme sort : il est vêtu d'une pelisse (on reconnaît alors l'homme désigné par Françoise comme le gardien de la kasbah).

 

 

L'HOMME A LA PELISSE

(en français, avec un léger accent)

Entrez, entrez, je vous en prie ... vous voulez visiter la kasbah ? ... c'est celle du Glaoui ... il en possédait plein partout des kasbah comme celle-ci ... Partout dans le sud du Maroc ... Il pouvait voyager, comme ça, de chez lui en chez lui, dans toutes ses propriétés ... Tout le sud du Maroc appartenait au Glaoui ... Il était très riche, très riche ... (Se tenant le ventre et se tordant) ... Mais moi, j'ai mal au foie ... J'ai mal à la tête ... Vous savez ... Le soleil ... .

 

Il lève péniblement la tête vers le ciel.

 

 

FRANÇOISE

Attendez, j'ai tout ce qu'il faut dans la voiture ...

 

Elle part en direction de la 4L.

 

L'HOMME A LA PELISSE

Ca sera cinq dirhams ... Cinq dirhams par personne ... Pour voir la kasbah ... Elle est tellement belle ...

 

 

PHILIPPE

Mais, il y a quelque chose à voir dans ces ruines ? ...

 

L'HOMME A LA PELISSE

 

Oui ... les plafonds de cèdre ... vous allez voir ... les portes ...

 

PHILIPPE

(sortant 1'argent de sa poche et 1e tendant au gardien)

... Vous avez connu le Glaoui ? ...

 

L'HOMME A LA PELISSE

(avec fierté)

Oui, je l'ai connu ! ... il arrivait à cheval avec une grande escorte (nostalgique) ... en ce temps-là, c'était pas en ruine ! ...

 

 

Philippe et le gardien disparaissent à l'intérieur de la kasbah.

 

16. EXT. - COUR INTÉRIEURE KASBAH - JOUR

 

Un balcon en bois de guingois s'appuie sur des poutres extérieures, transversales au mur. Une deuxième porte, semblable à la première, mais de dimensions plus réduites, se trouve à droite.

 

L'HOMME A LA PELISSE

(poursuivant)

... Mais après, vous savez, avec l'indépendance, toutes les kasbah, le gouvernement, il les a données à des pauvres ... seulement, celle-là, ils l'ont pas donnée ...

 

 

Il montre le toit du doigt.

 

Françoise les rejoint en courant ; elle tend deux cachets au gardien.

 

FRANÇOISE

Voilà, Monsieur, deux cachets ... Vous les prenez dans l'eau ...

 

Elle prend la main de Philippe.

 

L'HOMME A LA PELISSE

Oh, la gazelle ! ... merci, la gazelle ..

 

Le gardien retourne vers l'entrée où apparaît un homme sur un cheval arabe.

 

Françoise et Philippe entrent dans la kasbah. L'homme, toujours à cheval, traverse la cour intérieure et, à son tour, pénètre, sur son cheval, dans la kasbah.

 

 

17. EXT. - TOIT TERRASSE KASBAH - JOUR

 

Une musique se fait entendre (Noi ci darem la mano, Don Juan, W. A. Mozart).

 

Philippe et Françoise marchent sur le toit-terrasse de la kasbah. Le toit-terrasse est structuré en allées bordées de toits pointus, recouverts de tuiles vertes brillantes ; de nombreux créneaux en forme de cheminée. Des tessons de briques et de tuiles cassées parsèment le sol.

 

En contrebas, un minaret surmonté d'un nid de cigognes.

 

Françoise et Philippe avancent vers un dôme en forme de diamant pointu. Sa structure est en fer forgé ; des volutes métalliques supportent des carreaux en verre. A certains endroits, on remarque qu'il en manque.

 

Françoise et Philippe se penchent pour regarder à travers les fers forgés.

 

CUT

 

POINT DE VUE de Françoise et Philippe : une large pièce au sol recouvert de pierres précieuses et fermée par une porte orientale encadrée de deux battants en bois de tek ; l'extrémité de ses larges gonds ressemble à des lances.

 

La musique s'estompe.

 

L'homme au cheval arabe traverse la pièce, toujours sur son cheval ; il s'arrête devant la porte, lève la tête et éclate d'un grand rire sonore.

 

POINT DE VUE de l'homme regardant vers Françoise et Philippe, toujours penchés, observant la pièce.

 

FRANÇOISE

(off, à David)

Telouet ... Tu verras ... Telouet, c'est la fin de la période coloniale ... Des cigognes sur le toit ... Les ruines ... Et pourtant un passé récent ...

 

 

 

18. INT. - SALLE KASBAH - JOUR

 

Philippe et Françoise marchent à l'intérieur d'une salle. Ils la traversent. Face à eux, une autre salle de laquelle leur arrive le bruit d'une assemblée qui festoie. r. Dans cette salle du fond, de nombreuses personnes sont assises autour de tables marocaines. Les couleurs de leurs vêtements sont vives et mises en valeur par des percées de lumière : djellabas de fête brodées de fils d'or, sarouels de toutes les couleurs. L'argenterie, disposée sur les tables, étincelle.

 

A mesure que Françoise et Philippe approchent, cette image disparaît ; elle finit par s'estomper au moment où eux-mêmes pénètrent dans cette salle.

 

La musique (Noi ci darem la mano) reprend doucement ; elle s'élève peu à peu.

 

CONTRE PLONGÉE sur Françoise qui enlace Philippe : ils échangent un long baiser. Au-dessus d'eux, le cheval les regarde. Au-dessus du cheval, on aperçoit un tétraèdre ouvragé.

 

Françoise et Philippe se dirigent vers la fenêtre et regardent le paysage pendant quelques instants puis, se faisant face, ils s'appuient contre le pan du mur bordant la fenêtre et échangent de longs regards.

 

PLAN AMÉRICAIN SERRE sur Philippe dont le visage est, tout à coup, recouvert par une large photo noir et blanc d'un homme que l'on reconnaît comme celui qui embrassait Françoise sur le panneau publicitaire, devant le Ksour.

 

VOIX de PHILIPPE

Telouet ... Telouet ... morne plaine !...

 

 

 

 

19. EXT. - KASBAH TELOUET - JOUR

 

Philippe et Françoise sont près de la 4L ; ils s'y installent et la voiture démarre. Elle passe devant le paravent ouvert. On la voit disparaître derrière les deux derniers battants dont la toile est encore tendue.

 

CUT

 

La toile du quatrième battant est maintenant déchirée. A travers l'ouverture, on voit à nouveau la 4L qui roule sur une piste droite qui s'étend dans l'infini du paysage et entourée d'un cirque de montagnes. Le ciel, au-dessus, est bleu. Les montagnes offrent des couleurs de brun chaud. Sur les côtés de la piste, des plaines verdoyantes.

 

 

20. EXT. - INTÉRIEUR 4L - JOUR

 

PLAN MOYEN SERRE de l'intérieur de la 4L : on aperçoit Françoise de profil, à droite et Philippe, à gauche, de dos, conduisant.

 

La musique s'estompe.

 

 

FRANÇOISE

C'est dans des lieux comme ça qu'il serait bon de mourir ... tu ne trouves pas ?...

 

PHILIPPE

(attentif à la route)

Oui ...

 

 

FRANÇOISE

(continuant sur sa lancée)

... On pourrait mourir ici, toi et moi, et personne ne le saurait ! ... On s'engage comme des inconscients, avec des pneus tout élimés, sur de la caillasse, des rochers ... On roule depuis quatre heures dans des paysages les uns plus beaux que les autres, en espérant arriver à ... (Se tournant vers Philippe)... Comment s'appelle le lieu où on est attendus ce soir ?…

 

PHILIPPE

M'kelaa M'gouna ! ...

 

FRANÇOISE

... Ah, oui ! ... J'oublie toujours ces noms marocains ... (Elle marque un temps d'arrêt)… Et puis, on est là ! ... Hier, on était au palais de la Baia ... (INCRUST d'un plafond de cèdre avec Françoise posant en contre-plongée) ... Où on aurait pu tourner des plans à la Orson Welles ... Tu sais bien ... "Citizen Kane" ... Et les plafonds dans le film ... Avec toi en contre-plongée, comme un Eunuque gardant la préférée du Pacha de Marrakech ... L'autre jour, nous étions sur cette route où soufflait la tempête (INCRUST d'une tempête de sable sur une route) ... Et le sable qui est rentré dans la voiture quand tu as ouvert la porte ...

 

PHILIPPE

(enchaînant)

... Et les cuirs de couleur séchant au milieu des tombeaux (INCRUST du cimetière près de la porte de Fez où des cuirs de couleurs différentes sont disposés sur le sol ; Françoise les photographie) ...

 

FRANÇOISE

(reprenant)

... Et les jardins Majorelle avec ces bleus violents (INCRUST des jardins avec Philippe agi milieu d'un bassin, aspergeant Françoise) ... cette eau reflétant les bambous verts !...

 

PHILIPPE

... Et aussi les trois têtes de chèvres coupées, dans le marché d'Asni (INCRUST rapide du marché) ...

 

FRANÇOISE

... Aujourd'hui, on est ici, à des centaines de kilomètres . . . (Petit silence) . . . Oh, tiens, regardes ! On aperçoit une maison perdue au loin ... Là, à gauche ... Mais on ne peut pas y aller ... On risque d'être juste pour l'essence...

 

PHILIPPE

(posant la main sur le genou de Françoise)

Tu crois qu'on en aura assez pour M'kelaa M'gouna ? ...

 

FRANÇOISE

Je ne sais pas ... mais à peine on est à la moitié du plein, on fait demi-tour !

 

PHILIPPE

C'est dommage ! . . . (Lyrique)…Mourrons ici ! … Toi et moi, ici ! ... (Il arrête la voiture)

 

FRANÇOISE

(joviale)

Qu'est-ce que tu fais ? ... C'est donc notre dernière étape ? …

 

 PHILIPPE

Le problème qui demeure c'est que si nous mourons ici, on va rater ce qu'il y a derrière le col ! ...

 

 

Philippe sort de la voiture et va faire son besoin avec délectation devant le paysage.

 

 

 

21. EXT. - CHAMP DEVANT MONTAGNE - JOUR

 

Philippe et Françoise sont étendus dans l'herbe, face aux montagnes ravinées.

 

 

FRANÇOISE

(étendue sur le ventre, le caressant)

Tu es fatigué ? ...

 

PHILIPPE

Non ... Mais en conduisant sur cette caillasse, les nerfs en prennent un coup ! ...

 

 

FRANÇOISE

(amoureuse)

... Alors, je vais te détendre ! ...

 

 

Ils s'embrassent.

 

CUT

 

Philippe et Françoise reviennent à la voiture.

 

 

PHILIPPE

Il va bientôt faire sombre et je crois qu'on est perdus ... Non, mais tu te rends compte ! ... Quatre heures de pistes sans traverser un village ! ... En pleine montagne, sans rencontrer quelqu'un ...

 

 

FRANÇOISE

(avant de monter en voiture)

Non ! et ce type qu'on a rencontré avant ! ? ...

 

 

PHILIPPE

... Ah, oui ! ... Ce fou qui a dévalé sa montagne alors qu'on faisait une pause-pipi-photo ... Pour me demander mes chaussures ! ... (Il rentre dans la voiture en claquant la portière) ... Eh bien, c'est un berbère qui n'entend goutte à notre latin !...

 

CUT

 

La 4L traverse à nouveau la route devant le paravent ouvert (la toile du cinquième volet est toujours tendue). Au loin, des montagnes en forme d'énormes stalagmites. La 4L s'éloigne droit devant.

 

 

PANORAMIQUE LÉGER DROITE-GAUCHE.

 

FRANÇOISE

(off)

Regardes ! On dirait des doigts de géants sortis du fond des enfers et sur lesquels s'est refermée la croûte terrestre pour les empêcher de se hisser à la surface de la terre !

 

 

On entend faiblement une musique de guitare classique.

 

 

FRANÇOISE

(off, au restaurant)

Tu le trouves comment, ce tagine ?

 

 

DAVID

(off)

Très bon ! ... Je suppose qu'on le cuit dans le plat en terre ? ! ...

 

 

FRANÇOISE

(off)

... Oui ! ... Et il faut que cela cuise très longtemps ... Une heure ou deux, au moins ...

 

Un moment de silence s'établit.

 

DAVID

(off)

... Et le berbère, où l'avez-vous rencontré ? ...

 

FRANÇOISE

(off)

On s'était perdus dans les montagnes du Haut-Atlas ... On nous avait dit qu'il y avait soixante dix kilomètres pour rejoindre M'kelaa M'gouna par la piste que nous voulions suivre ... Nous roulions depuis quatre heures, à cinquante de moyenne, dans un des plus beaux paysages de notre vie ...

 

La musique de guitare classique prend le dessus sur le fond sonore du restaurant.

 

CUT

 

 

22. EXT. - CHAMP MAROCAIN - SOIR

 

A travers le quatrième volet du paravent, dont la toile est déchirée, on aperçoit, dans le champ bordant la piste sur la gauche, des enfants berbères, basanés, parés de bijoux. Un peu plus loin, des chèvres.

 

 

La 4L arrive près des enfants et s'arrête.

 

PHILIPPE

M'kelaa M'gouna, M'kelaa M'gouna, c'est bien la route ?...

 

Les enfants ne répondent pas et le regardent en souriant bêtement.

 

PHILIPPE

Quelle galère ! ... Pas fichus de comprendre ...

 

Les enfants regardent la 4L s'éloigner.

 

 

 

23. EXT. - VILLAGE MAROCAIN (AIT YOUB) - SOIR

 

La 4L est au sommet d'une côte. Devant elle, derrière le petit col, un village apparaît.

 

 

FRANÇOISE

(soulagée)

C'était bien la peine de demander aux enfants ! On arrive enfin !

 

 

PHILIPPE

Il va falloir demander l'hôtel où on nous attend...

 

 

Ils arrivent au niveau du premier virage, sur la droite.

 

FRANÇOISE

Oh, regardes ! ... une place ! ...

 

Sur cette place, un homme vêtu de blanc est juché sur un cheval ; un jeune homme, marchant, tient la bride du cheval et se dirige vers un puits qui est au centre de la place.

 

Derrière eux, un mur de faible hauteur le long duquel sont assis une trentaine d'hommes qui devisent ; quelques uns fument. Ils sont tous vêtus de djellabas de couleurs claires.

 

Leurs regards se portent vers la voiture qui s'arrête sur la place.

 

PHILIPPE

(off)

Je ne crois pas qu'on est arrivés …

 

ANGLE sur Philippe ouvrant la portière ; il descend de voiture et s'avance vers un des hommes adossés au mur.

 

La musique de Noi ci darem la mano reprend.

 

TRAVELLING CIRCULAIRE autour de Philippe qui, maintenant, parle à l'homme. Autour d'eux, on distingue un groupe de femmes berbères qui observent Françoise, restée dans la voiture.. Elles sont habillées de robes amples et multicolores et portent, sur la tête, des bandeaux dont les médaillons d'argent leur retombent dans les cheveux.

 

A gauche, des enfants ont cessé leurs jeux et observent.

 

L'HOMME

(se levant et avec un léger accent)

Bienvenue à Ait Youb ! ... Je suis Abdelsalam ...

 

PHILIPPE

Mon nom est Philippe ... On désire rejoindre M'kelaa M'gouna ... Est-ce qu'on est bien sur la bonne route ?

 

ABDELSALAM

Oui, vous êtes sur la bonne route ... à 'environ quatre heures encore ... Mais vous voulez peut-être vous reposer ?! ... venez prendre un thé marocain ... C'est le whisky du Maroc, vous savez ... (il rit)... Ha …Ha … Ha .

 

PHILIPPE

(faisant signe à Françoise de le rejoindre)

Merci, c'est une bonne idée ! ... Puisqu'il nous reste pas mal de chemin à faire, autant se reposer un moment ...

 

 

24. INT. - PATIO AIT YOUB - SOIR

 

Philippe et Françoise sont assis en tailleur le long d'un mur éclairé par les derniers rayons du soleil couchant. Devant eux, des verres de thé vides.

 

ANGLE sur Abdelsalam découpant un pain de sucre de forme oblongue ; il dépose les morceaux dans une théière au bec en col de cygne et brise une petite botte de feuilles de menthe qu'il introduit aussi' dans la théière.

 

La musique de Noi ci darem la mano s'est arrêtée et les bruits du restaurant reprennent le dessus.

 

Abdelsalam verse le thé en levant très haut la théière ; à petits jets saccadés, les verres sont remplis.

 

DAVID

(off)

Vous êtes restés ou vous êtes finalement repartis vers M'kelaa M'gouna ? ...

 

FRANCOISE

(off)

On venait de repartir, de quitter Abdelsalam après son excellent thé à la menthe ... On avait repris la route, poursuivis par une vingtaine de gamins ( INCRUST des enfants poursuivant la voiture) ... Philippe s'est énervé au volant ... Je n'sais pas ... le thé ... l'altitude ... près de quatre mille mètre ! ... la chaleur pendant la journée ... la route ... moi, peut-être ... et puis, pour finir, ces enfants qui nous empêchaient de retrouver la piste ! ... On a passé un premier gué, juste après, il y avait une grosse ornière ... on l'a passée également mais il y en avait une seconde et là, on a entendu un gros "crac" ... C'était l'accident ... Providentiel !...

 

 

DAVID

(off)

Providentiel ?! ... Comment ça ? ...

 

FRANÇOISE

(off)

Eh bien, le lendemain, on a été remorqués par Abdelsalam, qui avait heureusement un camion, et on s'est aperçus que la piste qu'on aurait dû prendre pendant la nuit passait par des précipices vertigineux !... (temps d'arrêt, voix douce)... Abdelsalam avait été merveilleux, il nous avait offert l'hospitalité, nous avait nourris ... Je passais ma première nuit d'amour avec Philippe, les tapis en guise de matelas et les couvertures pour nous réchauffer (pointe de jalousie dans la voix, off) Ah bon ! …

 

FRANÇOISE

(off)

Oui … et c'était même très bon ! …(Temps d'arrêt, ton plus intime) … tu sais pendant la nuit, je suis montée sur le toit ... car c'est là, sur les toits, que l'on fait ses besoins chez les berbères (INCRUST de Françoise montant un escalier dans la nuit ; elle atteint le toit ; autour d'elle, les étoiles scintillent et la lune est pleine ; on entend le chant des grillons. Françoise s'accroupit en se tenant sur le rebord de la terrasse ; devant elle, une large photo de David s'éclaire et disparaît)…et (elle cite) . . . "cette faucille d'or dans le champ des étoiles" m'a fait éprouver un sentiment de solitude troublante ...

 

 

25. INT. - SALLE DE RESTAURANT - SOIR

 

Françoise et David savourent leur thé. Un long silence s'établit au cours duquel Françoise regarde David avec désir.

 

POINT DE VUE de Françoise. GROS PLAN de David (cheveux sombres, yeux clairs, regard malicieux) qui demande l'addition.,

 

David signe la note en y inscrivant le numéro de 1a chambre.

 

Le couple se lève et se dirige vers la sortie.

 

PLAN D'ENSEMBLE de la salle de restaurant où, au fond, à gauche, il ne reste plus que le Touareg et sa jeune femme.

 

Françoise adresse un signe de tête à la famille touareg qui la salue.

 

On remarque, à ce moment-là, un paravent, sur la droite à l'entrée de la salle : ses quatre premiers volets sont dépourvus de leur toile.

 

Françoise et David passent devant le paravent, se dirigeant vers la sortie, à gauche du paravent ; David revient sur ses pas, disparaît derrière le cinquième volet et, d'un coup brusque, en déchire la toile.

 

 

FONDU

 

 

Parallèlement, on entend la musique de guitare classique

 

 

26. EXT. - DUNE DE SABLE (TINFU) - JOUR

 

Au premier plan, on aperçoit le cadre du cinquième volet ouvert.

 

Au loin, Françoise gravit la dune.

 

On voit l'empreinte de ses pas dans le sable lisse.

 

Arrivée au sommet, elle fait de grands signes.

 

ANGLE sur Philippe, au bas de la dune en train de parler à un homme dont la tête est recouverte d'un large tissu bleu-marine et noir ; il porte une djellaba bleu ciel qui se plisse sous l'action du vent.

 

Les deux hommes se dirigent vers une petite maison près' de laquelle se tient un chameau, couché.

 

UN AUTRE ANGLE sur Françoise qui se laisse rouler, en glissant, sur la dune ; elle s'arrête au bas de la dune.

 

GROS PLAN sur la tête de Françoise. qui est posée sur une photo de David, posant de profil. .

 

 

FONDU AU NOIR

 

Le générique de fin s'inscrit en lettres blanches sur fond noir.

 

DAVID

(off, tout bas)

Alors ! et l'histoire du Touareg ? ...

 

FRANÇOISE

(off, tout bas)

Une autre fois ... une autre fois ... oui, je te la raconterai une autre fois ! ...

 

FERMETURE

 

Laury Granier

 

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Révision : 22 avril 2003