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Accueil de "Diverses lettres envoyées"

 

Laury Granier, (cinéaste, (premier prix Andreï Tarkovski pour la création artistique et le langage cinématographique pour le film la momie à mi-mots qu'il a produit et réalisé avec comme premier rôle Carolyn Carlson et entre autres Philippe Léotard, Jean Rouch, tourné en grande partie à Paris et sorti en salle en France et à l'étranger, présenté notamment à l'O. N. U. (Organisation des Nations Unies), peintre (de nombreuses expositions - dont plusieurs à Paris et l'une d'elles à l'Orangerie du Palais du Luxembourg-Sénat), docteur en arts et sciences de l'art (cinéma-télévision-audiovisuel) à l'Université de Paris I-Sorbonne (où il a enseigné).)

à

Monsieur le Maire de Paris, Bertrand Delanoë

Objet: Suite à l'événement "Paris-plage" proposition de réflexion au Maire de Paris sur la nécessité éventuelle d'envisager l'événement dans toute la capitale, par l'adjonction de piscines dans les différents espaces verts de Paris pour les étés prochains.

Monsieur le Maire,

J'ai l'honneur de vous écrire car me sont venues, en me promenant dans le jardin du Luxembourg, quelques idées pour mettre au goût du jour les très beaux jardins publics de notre capitale.

Permettez-moi de vous suggérer de réfléchir à la possibilité d'utiliser certains espaces aujourd'hui inutilisés de ces parcs et jardins (notamment le Parc du Champ de Mars sur les grandes pelouses de l'espace central des Champs de Mars, entre l'Ecole militaire et la tour Eiffel, certains espaces du Jardin des Tuileries, le Parc Monceau, devant les Invalides (jusqu'au pont Alexandre III), au parc des Buttes-Chaumont, le jardin de Vincennes, et le Jardin des Plantes, Parc Montsouris, Parc de Bercy - en ce qui concerne le jardin du Luxembourg je viens d'écrire au Président Poncelet pour lui proposer de tirer parti des pelouses inutilisées du jardin - et même certains espace-verts de la capitale qui s'y prêteraient).

Ces diverses pelouses plus ou moins centrales ne servent le plus souvent qu'aux mouettes comme terrain d'atterrissage (et encore qu'à certaines heures). Elles pourraient être utilisées, si vous y consentez, durant les mois d'été, pour offrir aux visiteurs quotidiens et aux touristes qui le souhaiteraient, un ou plusieurs grands bassins de piscines découvertes (ou couvertes, si on choisissait la solution de les enfouir profondément dans le sous-sol de ces pelouses pour gagner de la place ou pour éviter de défigurer les diverses perspectives, notamment celle qui mène de l'Ecole militaire à la tour Eiffel, ou des invalides au Pont Alexandre III). Elles offriraient en permanence durant l'été (ou toute l'année dans le second cas) la possibilité de se baigner.

Déjà dans la Rome de l'antiquité on utilisait de nombreuses termes disséminées dans toute la capitale, dans lesquelles on pouvait trouver, en plus de bibliothèques, plusieurs bassins remplis d'eaux à différentes températures, à la disposition du peuple qui s'y rendait très souvent pour lire et se rafraîchir.

Aujourd'hui, permettez-moi de m'appuyer sur l'exemple de l'un des jardins de Paris où l'on peut penser que l'on a tenté de réfléchir au problème que pose l'été à Paris, de le résoudre un peu et de façon originale: je veux parler ici du Parc André Citroën qui par sa configuration actuelle tend à démontrer que j'ai raison de croire que l'ensemble des jardins de la ville devraient être aménagé et offrir aux citoyens la possibilité et aux visiteurs de passage la possibilité minimum de rafraîchir leurs corps, en été: les quelques jets d'eau qui surgissent à l'improviste rendent assez attractifs cette partie du Parc. Mais les concepteurs de ces espaces n'ont pas alors osé aller plus loin et inclure de véritables piscines (couvertes ou pas) dans leurs plans. C'est vraiment dommage! Il suffit de s'y promener l'été pour ressentir ce manque et comprendre qu'un certain nombre de visiteurs ou d'enfants envisageraient avec grand plaisir de continuer leurs débuts d'ébats aquatiques, commencés grâce aux surprenants jets d'eau, en disposant d'espaces aménagés pour la natation et les plaisirs estivaux.

Il me semble que, si nous envisagions la chose actuellement, les allées latérales autour des bassins devraient être, suivant les cas, réduites à une plus petite dimension pour permettre à la fois aux baigneurs de s'allonger autour des bassins des piscines sur des pelouses ou des espaces aménagés et à la circulation pédestre habituelle des visiteurs de se dérouler sans entrave.

Une grande partie de ces allées aujourd'hui est inutilisée (plus de chevaux- plus de carrosses) et pourrait, j'imagine, servir aussi de pelouses aménagées qui, amputées en leur centre par l'espace de la piscine ou des piscines, pourraient gagner ainsi latéralement (je pense ici au jardin du Luxembourg en particulier) et être utilisées par les baigneurs comme elles le sont à notre époque, certaines chaudes après-midi par les familles qui s'y installent ou pique-niquent au soleil. On pourrait s'y reposer ou s'y sécher à loisir après les efforts de la natation.

Ces bassins, une fois comblés durant l'hiver, pourraient accueillir des patinoires à glace ou servir aux enfants pour faire du skate board ou pour faire un terrain de vélo acrobatique ou autres activités auxquelles nous pourrions réfléchir collectivement.

Ces espaces pourraient même être utilisés, si on le souhaite, pour y faire des expositions ou des projections de films au grand air comme vous avez eu la bonne idée de le permettre à de nombreuses reprises ces derniers temps (notamment le concert d'Ozawa auquel je me suis rendu) dans certains espaces-verts comme c'est l'usage à Central Park, à New-York, ou pendant la manifestation de "l'estate romana" à Rome. S'ils sont enfouis profondément dans le sol, ces espaces peuvent devenir aussi polyvalents.

Il faudrait aussi, il me semble, offrir le projet à la réflexion d'architectes compétents et intelligents. Pour éviter de défigurer les jardins et les espaces où vous aurez l'initiative de faire construire ces bassins-piscines, il serait bon de lancer un concours d'idées et de projets, aux résultats desquels j'espère vous voudrez associer mon jugement, puisque je suis un peu à l'initiative de l'idée et que mes compétences peuvent peut-être vous être de quelque utilité.

Ces architectes ou ces urbanistes sollicités pourraient concevoir et proposer des espaces polyvalents dans ces trous centraux qui devraient offrir en tout cas, durant les mois d'été, la possibilité de se baigner aux champs de Mars, aux Invalides ou dans les autres jardins de la capitale (Parc Monceaux etc.., jardin des plantes...Tuileries .... jardin du Luxembourg) et de permettre de profiter ainsi pleinement de l'été - offrant aussi aux plus démunis et aux enfants - qui ne peuvent pas quitter la capitale ou aux adultes qui restent coincés pour travailler à Paris - un lieu de détente à ciel ouvert profitable où ils auraient, je l'espère, plaisir à se rendre en complément plus durable à votre heureuse initiative le long de la Seine (Paris-Plage) ou à la place de celle-ci s'il devait s'avérer que ces nouvelles plages estivales à ciel ouvert disséminée dans les espaces-verts de la capitale rencontraient le succès escompté.

(Ces trous pourraient être couverts l'hiver et serviraient de piscines couvertes ou de tennis couverts, si nous choisissions finalement la solution de piscines enfouies profondément, ce qu'il ne faut pas exclure d'emblée car cela permettrait à première vue de gagner du terrain).

Qu'en pensez-vous?

Les allées des champs de Mars et les autres jardins de la capitale (comme en particulier le jardin du Luxembourg) ne correspondent plus vraiment tout à fait à notre époque à nos besoins quotidiens estivaux - il faut donc redonner à ces espaces une attractivité méritée et proposer ces nouveaux centres de rencontre autour de l'eau. Ces jardins redeviendront ainsi ces fori qu'ils étaient, en offrant aux Parisiens de nouveaux centres qui, j'espère, rivaliseront d'originalité, ouverts aux baignades à ciel ouvert (ce qui n'existe pas encore dans la capitale) l'été.

Tout en conservant notre héritage, nous avons le devoir de proposer dans ces espaces publics des lieux de véritable détente qui nous offriront pleinement satisfaction et qui correspondront à certaines des exigences de notre société contemporaines. Tels quels, ces jardins avec ces grandes allées (peu empruntées sauf par les riverains, les coureurs et les touristes de passagesont le vestige de l'époque des carrosses et des chevaux qui avaient besoin de beaucoup plus d'espace que les simples particuliers pour traverser rapidement ces espaces. Or il n'y a plus de chevaux dans ces parcs et jardins (sauf quelques ânes pour les enfants).

Une grande partie de ces allées sont maintenant peu fréquentées et la plupart du temps inutiles dans leurs dimensions actuelles. Elles pourraient être aussi réduites à des proportions plus convenables en laissant ainsi plus de place à la détente, et offrirait ainsi plus d'espace pour s'allonger autour de ces centres de baignades. 

Les fontaines autrefois permettaient au Princes (aux papes et aux cardinaux) - je pense ici tout spécialement aux nombreuses fontaines de très grande beauté que l'on peut découvrir dans de nombreux coins de Rome - d'offrir l'eau vitale aux habitants de cette cité mais aussi l'indispensable fraîcheur si nécessaire et si utile l'été dans cette ville chaude. Je crois qu'aujourd'hui que le désir et le concept de voir surgir des fontaines est encore actuel et qu'il doit persister malgré tout. Dès que possible des fontaines innovantes et originales sont les bienvenues. C'est toujours une bonne solution à envisager pour améliorer le sort de nos villes en périodes chaudes mais cela cette fraîcheur si nécessaire à notre vie quotidienne doit aussi tenir compte de l'évolution de nos moeurs et du désir naturel que nous avons tous de trouver des lieux où baigner nos corps l'été (je pense ici à la très belle scène qui augurait de cela dans le film La Dolce Vita où Marcello Mastroiani et Anita Ekberg se douchaient dans la fontaine de Trévi, à Rome, dans le film de Federico Fellini).

Permettez-moi de vous suggérer d'utiliser les allées existantes comme des chemins permettant aux visiteurs, comme aux nageurs, de se répartir harmonieusement dans l'espace autour des différents bassins construits souvent dans le prolongement de bassins centraux déjà occupés (notamment aux Tuileries et au jardin du Luxembourg comme dans d'autres jardins de Paris où il y a déjà des bassins ou des sortes de petits lacs (Vincennes, Monceaux, Butte-Chaumont etc..). Vous le savez ces bassins existants font plaisir aux yeux  et aux carpes et aux canards qui y nagent, peut-être aussi aux enfants qui y font parfois naviguer les petits bateaux à louer ou ceux de leurs grand-pères (prémices peut-être de cette idée de fraîcheur et de ce besoin d'eau dont j'ai ressenti le besoin et le cruel manque en mesurant la chance qu'avaient justement ces canards barbotant souvent avec leurs petits dans ces vieux bassins, alors que nous étions entrain de les observer du bord sous la très forte chaleur de l'été).

C'est en voyant tous ces oiseaux heureux de vivre que j'ai eu l'idée de vous proposer de lancer la construction de nouvelles piscines dans le prolongement des anciens bassins servant cette fois-ci aux humains et à leurs familles.

Autour de ces bassins les espaces seraient à aménager pour accueillir les nageurs pour se sécher ou se dorer au soleil après avoir nagé.

Vous savez comme moi que les piscines et la nage sont des inventions assez récentes car, autrefois, on ne se baignait pratiquement pas en plein air (c'était même très mal vu). Les bassins construits n'étaient destinés qu'à des usages très limités, notamment pour les poissons d'agréments ou pour le miroir qu'ils offrent dans les perspectives à l'ancienne lancées à la proue des châteaux et pour donner un peu l'illusion de rafraîchir l'air tout autour de soi durant l'été grâce à leur construction comme un parfum de campagne le long d'une idée de rivière ou de source

D'ailleurs dans les parcs et les jardins privés, dès qu'on en a les moyens, on fait construire une piscine pour un usage familiale et/ou privé.

Aujourd'hui, l'idée de jardin est indissolublement liée à l'idée de confort (c'est d'ailleurs valable dans l'autre sens: confort = jardin). Le bien-être et le sport imposent la construction de piscines. Nous sommes donc à une époque très différente du temps des jardins de nos ancêtres qui sont encore, hélas, encore prisonniers d'une certaine conception un peu ancienne de la ville. Si les fresques d'Henri Martin, le pointilliste de très grand talent, dans l'escalier de la Mairie du 5e, nous renseignent sur les activités et la mode de la fin du XIXe siècle au jardin du Luxembourg, il est certain, quand on les découvre et quand on les admire qu'à cette époque personne n'avait l'idée d'aller au jardin pour y nager ou pour y prendre un bain de soleil. Aujourd'hui c'est très différent: si on se promène au jardin l'été, de très nombreuses personnes sont couchées sur les pelouses, souvent en maillots de bain (mais il n'y a pas d'endroit où nager) et essayent d'y bronzer (le succès de "Paris-Plage" vous le savez atteste de cela également). Les jardins de nos cités françaises sont très en retard sur les coutumes contemporaines.  Je pense ici aux jardins publics à Bern, capitale de la Suisse dans laquelle j'ai eu la chance de vivre il y à 20 ans, où, sous le parlement fédéral même, on trouvait déjà, à l'époque, le long du fleuve l'Aare - dans lequel on pouvait également se baigner - mais c'était plus froid, de nombreux bassins de piscines aménagées, dès la fin mai; on m'a dit d'autre part que c'est assez courant dans les pays germaniques de trouver dans les jardins publics des piscines. Il est fort probable qu'à la longue les Parisiens finiront par se lasser de ne pas trouver ce que l'on peut désormais à juste titre qualifier de "minimum vital" pour les chaleurs de l'été. Tels quels ces lieux demeurent des lieux certes très sympathiques mais souvent trop chauds l'été. Ils sont fréquentés surtout par les personnes âgées qui n'ont pas eu le temps d'envisager ces espaces publics autrement que comme un héritage de jardins à conserver dans l'état. Pourtant ils pouvaient être améliorés.  Il est certain que sans piscines, ils ne correspondront plus aux désirs des jeunes. Permettez-moi d'insister : il s'agit de vestiges d'une conception  post-romantique des jardins et d'une certaine vision surannée de la détente dans la ville à la française et nous avons, il me semble, le devoir de rendre plus actuels et plus européens l'ensemble de ces espaces si nécessaires à la respiration de nos cités. Il n'est pas rare d'ailleurs d'y découvrir souvent de très grandes pelouses à l'anglaise interdites qui ne servent strictement à rien. Ces espaces vides feraient à mon avis très bien l'affaire et seraient ainsi employés, il me semble, enfin à bon escient.

C'est ce manque de lieux conviviaux où nager qui vous a conduit, je crois, à proposer aux Parisiens, en attendant que cette alternative puisse se concrétiser, de faire plage le long de la Seine, où l'on ne peut hélas pas encore nager. Ce fleuve serait pourtant s'il était aménagé convenablement (peut-être seulement à certains endroits) un lieu formidable pour nager l'été. Si cela était possible cela pourrait presque faire de Paris une cité balnéaire!

Bien sûr ces nouvelles piscines que j'envisage, et que je vous prie une nouvelle fois d'accepter de me permettre de vous proposer de réaliser, viendraient s'ajouter à ces initiatives que vous avez prévues et aux piscines que vous souhaitez déjà faire construire le long de la Seine (je crois avoir entendu que vous en prévoyez une où se trouvait autrefois la piscine Deligny et une autre du côté de la Nouvelle Bibliothèque). J'en profite ici pour vous remercier de ces heureuses initiatives. 

En tout cas, permettez-moi de vous remercier de réfléchir à ces nouvelles idées et de me dire ce que vous en pensez.

Salutations respectueuses.

Laury Granier

P. S. : J'ai appris que vous avez envisagé récemment de faire construire un centre sous la Tour Eiffel. Je crois qu'il serait peut-être intéressant de proposer aux architectes de prévoir d'y adjoindre cette série de bassins de piscines à ciel ouvert (ou de piscines couvertes l'hiver) dont je parle ci-dessus dans les proches parages (ou le long des allées des champs de Mars). Cela donnerait certainement un attrait supplémentaire à la partie des Champs de Mars concernés, à la fois pour les riverains et pour les nombreux touristes. Une sorte de centre un peu comme la pyramide du Louvre qui a eu pour effet de rassembler une grande partie du tourisme parisien autour du Louvre autrefois déserté. Bien sûr, la tour Eiffel, sorte de pyramide à elle seule, offre déjà cet immense attrait. Mais offrir de nombreux lieux de baignades aux  touristes donnerait, il me semble, un bonheur supplémentaire non négligeable. (Il y a d'ailleurs déjà là-bas de belles arrivées d'eau, puisqu'il y a un petit lac-étang et une fontaine-cascade assez importante sous l'un des piliers de la Tour Eiffel. (J'y ai tourné une scène de mon film avec Carolyn Carlson qui, dansant, l'a traversé sur un bateau que j'avais fait venir pour cela).

 


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Révision : 01 août 2003