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à

Monsieur le Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies à New York

Son Excellence Monsieur Kofi Anam

Paris ce 8 mai 1998 ,

Monsieur le Secrétaire Général,

Permettez-moi de vous faire part, en toute modestie, d'un projet qui me tient à coeur et qui peut sembler un peu démesuré. J'ose cependant ici vous l'exposer, en partie encouragé par une conversation avec l’amiral Turquat avec qui je me suis entretenu récemment du projet. Il m’a conseillé de vous écrire directement sinon je n'aurais pas osé vous déranger car il est nécessaire que j’obtienne de vous une adhésion, ainsi que votre soutien pour la réalisation concrète de ce projet.

Permettez-moi tout d'abord de me présenter: je suis peintre, cinéaste et docteur en Art et Sciences de l'Art (cinéma-télévision-audiovisuel) de l'Université de la Sorbonne où j'enseigne actuellement. J'ai été invité récemment à l'ONU pour présenter mon film La momie à mi-mots par l'association Culturelle Francophone de l'ONU et par sa présidente Françoise Cestac. Mon film a été présenté à cette occasion dans l'auditorium Dag Hammarksjöld de l'ONU, (lundi 18 juin 2001) par le conseiller culturel de l'Ambassade de France aux Etats-Unis, Laurent Burin des  Roziers.

Naissance du projet :

J'ai peint pour le film La momie à mi-mots  une dizaine de miniatures (6 mois de travail pour chacune des miniatures) à la façon des moines enlumineurs de bibles d’autrefois. A la suite de ces peintures, j'ai décidé d'enluminer un piano droit pendant deux ans. Une fois terminé, pendant 3 ans, j'ai peint la musique pour ce piano sous la forme d'une quarantaine de tableaux-partitions qui vont être mis en musique par des compositeurs d'aujourd'hui dans le cadre d'une émission de France Musique. Ce piano peint a fait l'objet de photographies publiées dans un livre de poèmes traduits dans plusieurs langues, qui sera présenté à l'ONU par l'association culturelle francophone de l'ONU et par sa présidente Françoise Cestac dès que possible. Lors de mon séjour à New York j'ai eu l'occasion de montrer ce livre à son excellence Monsieur l'ambassadeur de France auprès de l'Organisation des Nations Unies, Jean-David Levitte et à Monsieur l'Observateur Permanent de la Francophonie auprès de l'Organisation des Nations Unies, Monsieur Ridha Bouabid.

Le projet :

Voici mon rêve: je souhaiterai que l'on mette à ma disposition  un véhicule de l’armée de terre (un tank par exemple), un véhicule de l’armée de l’air (un avion par exemple) un véhicule de la marine (une embarcation ou un bateau militaire par exemple) et la voiture de fonction du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, les quatre véhicules appartenant à l’O. N. U. .

Je voudrais consacrer ainsi (au sens propre de ce terme qui désigne l’objet devenu sacré) ces armes de l’O. N. U. destinées à faire " la guerre à la guerre " et je souhaite les transformer en œuvres picturales, en symboles de paix.

Ces véhicules sont en général peints en blanc pour les besoins de la cause. Le blanc est jusqu’à présent la couleur qui désigne les armées de l’O. N. U. . C’est cette couleur blanche qui m'a donné l'idée de peindre ces véhicules de l’armée de l’O. N. U. , comme une des toiles vierges de mon chevalet qui sont enduites de blanc avant d’être peintes.

Depuis que j'ai associé le blanc de mes toiles vierges au blanc des véhicules de l’O. N. U. , l’acte de peindre sur une toile enduite de blanc a pris en plus du sens magique, mystique, éthique et spirituel, que constitue d’habitude pour moi  la possibilité de peindre, une signification politique.

Même si le tableau n’est pas encore un tank, un bateau, un avion, etc. de l’O. N. U. , l’acte de peindre, de tracer et de charger de mes traits en consacrant le miroir de la toile est déjà pour moi un acte de " guerre à la guerre ", un acte d’amour contre la guerre et pour la paix universelle

J'ai donc pensé qu’il serait bon, aux yeux de ceux qui n’ont pas encore compris que l’art est au service de l’amour et de la paix universelle, de "consacrer" par ma peinture plusieurs véhicules militaires et civiles de l’O. N. U. .

Je pense qu’ainsi l’image de l’O. N. U. bénéficierait peut-être du soutien inconditionnel des artistes du monde entier qui pourraient à leur tour peindre, dans l’avenir d’autres armes " blanches " !

Grâce à ces transformations l’O. N. U. serait peut-être encore davantage perçue et acceptée par les citoyens de la planète. Un jour ceux-ci reconnaîtront " l’armée des nations unies " comme seule police de ce monde-village, finalement " UN ", uni, au service d’une plus grande Justice, de la Vérité et de l’Art (qui ne font déjà qu’un) .

L’O. N. U. serait peut-être grâce à ce travail encore plus forte  grâce à ces quatre œuvres symboles dont j'espère que l’image, relayée par la puissance des médias, agira sur les consciences des téléspectateurs de façon à faire toujours mieux accepter les interventions militaires de cette police internationale destinée à garantir la paix universelle.

En étendant sur ces véhicules de l’armée et sur la voiture de fonction du Secrétaire Général de l’Organisation des Nations-Unies, l’aile bienveillante de l’Art, j'espère que cela contribuera aussi à faire accepter l’idée que certaines armes, dans de bonnes mains,  puissent être au service de la paix universelle.

Si ce projet est suffisamment médiatisé, le tank, le bateau, l’avion et la voiture que j'aurai décorés deviendront en quelque sorte le fer de lance de la paix et agiront sur les consciences de façon que j'espère très positive. J'ai été pour ma part très sensible en visitant récemment l'ONU à la sculpture du pistolet dont on a tordu le cou, sur l'esplanade côté entrée des visiteurs. 

Peut-être qu’ainsi le téléspectateur, ou l’homme de la rue, comprendra et acceptera plus facilement, à la vue de ces œuvres d’art insolites et originales, (à exposer seulement à certains moments particulièrement sensibles et déterminants politiquement), que ce qui anime les décisions de paix à l’O. N. U. c’est avant tout, le souci profondément noble de certains hommes d’éviter à d’autres hommes les horreurs, les souffrances et les humiliations de la violence des guerres.

Ainsi respecterait-on peut-être plus aussi ces hommes de l’O. N. U. dont la vocation et le désir sont de faire cesser toutes discordes entre les peuples momentanément antagonistes, (même si, pour arriver à la suppression d’un conflit, il faut malheureusement passer, dans certains cas, par la force).

Comment réaliser le projet ?  Il faudrait pour cela que ces véhicules soit mis à ma disposition par l’armée française ou par une armée d’un autre pays adhérent à l’O. N. U. , dont les responsables politiques et militaires accepteraient le principe du projet et souscriraient à cette métamorphose de ces engins en véritables œuvres d’art. Il faudrait aussi décider une grande marque de voitures de fonction à offrir un véhicule à cette fin.

Ayant en horreur toutes formes de souffrance humaine, ou animale (je suis également végétarien pour cela), j'espère que ma démarche artistique, éthique et politique rencontrera l’adhésion et le soutien de Monsieur le Secrétaire Général de l’O. N .U. .

En tant qu’universitaire et spécialiste de l’art, je peux, bien sûr souscrire avec bonheur au projet qui peut,  à première vue paraître "un peu fou" mais qui est en réalité très sensé. Ma démarche dans ce projet répond aussi à un souci profondément éthique. En tant que cinéaste, le projet m’intéresse beaucoup car je pense qu’il est un bon sujet de film. J’espère aussi montrer que mon engagement artistique fera coïncider la beauté, l’éthique et le politique avec l’Art dans un seul but pacifique.

Profondément hostile aux discordes entre les hommes, je ne peux qu’appuyer de toutes mes forces ce projet sincère. Je crois que ce projet sera, s’il voit le jour, une pierre de plus à la construction de l’édifice commun que vous contribuez à réaliser : il va dans le sens de l’espoir de voir se réaliser un jour le rêve commun d’Einstein et de bien d’autres hommes : voir le monde finalement UN (la devise de l’O. N. U.), sans frontière, et sans conflit entre les hommes ou les régions du globe, gouverné peut-être par un seul gouvernement, ensemble de citoyens éclairés au service de la fraternité.

Cet espoir d'un monde sans frontière et sans conflit est en partie aussi le message final de mon film La momie à mi-mots que Madame François Cestac et l'Association Culturelle Francophone de l'ONU et le Conseiller Culturel à l'ambassade de France aux Etats-Unis, Monsieur Laurent Burin des Roziers, ont présenté le 18 juin à l'ONU. 

Le dénouement de ce film, que j'ai produit et réalisé et qui est sorti en France cinq mois ainsi que dans d'autres pays, augure de ce monde à venir : les enfants des différentes nationalités du monde jettent et voient couler les drapeaux de leurs pays dans le bassin de la fontaine Carpeaux où l'univers est soutenu par quatre danseuses. Après la résurrection de la momie (Carolyn Carlson)  le monde est enfin libre de la tyrannie, du mensonge et du danger que constituent les nationalités. On peut circuler et exister librement partout sur la planète sans le danger du racisme pour créer un monde métissé qui, nous l'espérons, sera  meilleur que celui dont nous avons hérité! C’est ce message d’espoir qui a motivé mon oeuvre et qui m'a déterminé à réaliser ce film pendant les 7 années de travail nécessaires

Historique de mes démarches :

J’ai parlé en premier lieu du projet de peindre les véhicules militaires de l'ONU au général de Saint-Julien, mon voisin (responsable de l’église du Val de Grâce de Paris), que j’ai invité à la projection du film La momie à mi-mots au cinéma Studio des Ursulines pour qu’il puisse prendre connaissance de mon travail de peintre et de cinéaste.

Le général de Saint-Julien m’a dit que, pour un projet de la sorte, il lui semblait qu’il serait bon que les différents chefs d’états majors des armées françaises soient au courant et qu’ils me soutiennent en m’aidant à concrétiser le projet. C’est ainsi que j’ai fait part du projet, (seulement à demi-mots - car je n’ai pas eu la chance de m’entretenir directement avec eux - pour l’instant ce sont les chefs de cabinet qui sont au courant - ), au général Mercier, chef d’état major de l’armée de terre, et au général Rannou, chef d’état major de l’armée de l’air. Je compte leur envoyer la copie de cette lettre pour leur faire part du projet si vous l'approuvez.

Pour l’armée de mer, je me suis heureusement entretenu directement du projet avec l’amiral Turquat dont je vous ai déjà parlé au début de cette lettre (Il a lu cette lettre avant que je vous l'envoie et m'a encouragé à vous la faire parvenir). Celui-ci connaît mes œuvres, pour les avoir vues dans mon film, projeté en avant-première à la Cinémathèque française et présenté par Jean Rouch. Il fut enthousiaste et de bons conseils puisque c’est lui qui m’a dit de m’adresser directement à vous pour vous faire part du projet et obtenir votre soutien.

Il m’a même proposé une idée de projet complémentaire (cette idée a bien entendu rencontré tout de suite mon adhésion). Permettez-moi de vous en faire part. L’amiral Turquat pense que l’on pourrait aussi confier la décoration d’un navire de l’O. N. U. à autant de peintres qu’il y a de nationalités représentées au siège des Nations Unies. Ces peintres décoreraient ce bateau en entier sous ma direction. Je serai aussi heureux de contribuer à organiser la réalisation de ce projet complémentaire au mien qui a peu de chance d’aboutir sans votre aide directe.

L’amiral Turquat m’a dit qu’il serait souhaitable pour réaliser ce projet (ainsi que cette nouvelle idée), que vous interveniez personnellement auprès du gouvernement français et des chefs d’états majors de l’armée pour que je puisse disposer des trois engins militaires (un tank, un bateau, un avion) mis à la disposition de l’O. N. U. et que je puisse les peindre.

J'ai obtenu le patronage de Desanka Raspopovitch, Secrétaire Général des ligues internationales des droits de l’Homme et j'en ai parlé de façon très confidentielle à son excellence, l'Ambassadeur de France auprès de l'Organisation des Nations-Unies, Monsieur Jean-David Levitte, à qui je soumets cette lettre avant de vous l'envoyer.

Certes, j'ai bien conscience que ce projet peut paraître à première lecture démesuré et je pourrai comprendre aussi que vous ne le jugiez pas intéressant. Mais je sais aussi que l'utopie est soeur des projets ambitieux et c'est dans cet état d'esprit que j'ose vous soumettre mon projet, que vous jugerez comme vous le souhaiterez.

Je connais de renom votre discrétion et votre grande modestie: j'espère ne pas la heurter par ces projets.

En vous remerciant pour la patience que vous avez eu à me lire, veuillez agréer, monsieur le Secrétaire Général , l’expression de mes sentiments les plus respectueux . Veuillez également croire en mon admiration profonde et modeste pour l’œuvre de paix que vous réalisez.

Laury Granier

1: Ce film fait parti de la thèse de doctorat en art et sciences de l'art (cinéma-télévision-audiovisuel) de l'université de paris I-Sorbonne que j'ai soutenu avec Jean Rouch, président du Jury, et que j'ai obtenu avec mention très honorable. Le rôle principal dans ce film est Carolyn Carlson, la danseuse étoile et chorégraphe étoile de l'Opéra de Paris dont la renommée est mondiale. Jean Rouch et Philippe Léotard - entre autres – participent à ce film. Ce film vient d'obtenir le premier Prix Andreï Tarkovski pour la création artistique et le langage cinématographique, il a été sélectionné dans de nombreux festivals internationaux dans le monde entier.

2: J’envoie la copie de cette lettre au général de Saint-Julien

3: J’envoie une copie de cette lettre à monsieur l’amiral Turquat.

 


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Révision : 01 août 2003