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Jean Rouch

Comité du film ethnographique

Musée de l’Homme

Paris

à

Madame Béatrice Picon-Vallin

Directrice de Recherche au CNRS

Paris le 5 mai 1998

Chère madame,

C’est de toutes mes forces que je soutiens la candidature de Laury Granier au CNRS.

Je connais depuis longtemps Laury. J’ai suivi dans les détails et sans cesse encouragé, durant près des sept années nécessaires, son expérience de réalisation de La momie à mi-mots, film dont Carolyn Carlson est la principale interprète et dans lequel j’ai joué aux côtés de Philippe Léotard le rôle d’un "mage ". Ce film a été le point de départ d’une réflexion profonde et originale sur le cinéma, à laquelle Laury Granier a donné la forme exigeante d’une thèse de doctorat en art et sciences de l’art (cinéma-télévison-audiovisuel) à Paris I : thèse remarquée par l’équilibre entre expérience pratique (réalisation du film qui a depuis obtenu le prix Andreï Tarkovski pour la création artistique et le langage cinématographique) et expérience théorique (rédaction de près de 700 pages particulièrement perspicaces sur la question du montage). C’est avec enthousiasme que j’ai présidé le jury de cette thèse très originale (voir le rapport de soutenance) qui a obtenu la mention très honorable.

J’ai depuis présenté La momie à mi-mots à plusieurs reprises à la Cinémathèque française, la première fois dans un programme composé en outre de plusieurs films de Méliès, du Jeune homme et la mort de Cocteau avec Jean Babilé, et d’un film d’ethnographie que j’ai moi-même réalisé. Je souhaitais ainsi montrer la triple filiation dans laquelle s’inscrit le travail de Laury : le merveilleux, le poétique, le rituel d’initiation.

Je tiens à souligner l’ampleur de la "palette " de Laury (qui maîtrise à la fois la mise en scène, la caméra et le montage).

J’ai pris connaissance, avec beaucoup d’intérêts, de son programme d’étude "filmer le théâtre ". Je crois que Laury saurait parfaitement approfondir toujours plus les liens entre cinéma (ou vidéo) et théâtre et apporter des réponses créatives à la fois dans le domaine de la théorie et de la pratique. Je n’ai d’ailleurs pas oublié mes échanges passionnés sur le théâtre avec Laury, à l’époque où, responsable du groupe audiovisuel du bicentenaire Goldoni, il m’avait demandé de présider ce groupe avec Claude Santelli : il me semble bien naturel, à cet égard que Laury oriente ses recherches dans le sens d’un échange entre cinéma et théâtre.

L’école du théâtre constituerait aussi pour lui la meilleure école à laquelle ce jeune réalisateur si prometteur pourrait parfaire son regard et son exigence cinématographique inspirée.

C’est donc avec ferveur que je recommande la candidature de Laury Granier et formule tous mes vœux pour sa réussite.

Jean Rouch