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Quelques suggestions pour un enseignement du cinéma 1 .


Comment parler de mon enseignement du cinéma sans avoir une réelle expérience personnelle d'enseignement? 


Il est, à mon avis, possible d'écrire sur ce sujet en rêvant, avec mon lecteur, aux possibilités merveilleuses qu'offre l'enseignement et en proposant aux responsables des établissements concernés une sorte de déclaration d'intention pour un séduisant parcours initiatique original destiné à ouvrir les étudiants (ou élève), tout au long de leur année, aux fécondes possibilités qu'offre le média cinéma. 
Avoir plaisir à apprendre et à travailler est une notion primordiale: c'est sur elle que s'appuie l'idée que j'ai de l'enseignement. En effet, sans plaisir de comprendre, impossible d'obtenir "le gai savoir". 

Une série de cours-parcours, pour l'instant virtuels, et qui ne demandent qu'à se concrétiser, prendra racine dans mon expérience personnelle du cinéma, fondée sur mes diverses expériences de réalisations et en particulier sur celle de La momie à mi-mots développée dans ma thèse de doctorat à Paris I-Sorbonne en art et sciences de l'art (cinéma - télévison - audiovisuel) mention très honorable. Jury: Jean Rouch, Claude Beylie, Jean Gili, et Pierre Haffner.
Ma thèse est une sorte de manuel où sont exposées en détail, en suivant un ordre chronologique, les étapes à franchir pour réaliser un film. Il est nécessaire et utile de connaître et de bien mener chacune de ces différentes activités interdépendantes pour envisager réaliser un jour un film de fiction.

A partir de l'exemple de mon film (mais bien sûr aussi à partir d'autres exemples de films et des nombreux documents sur ces films), je proposerai aux étudiants un enseignement à la fois théorique mais aussi pratique. 

Comprendre comment un film peut naître, comment il se construit d'abord dans la tête et progressivement sur le papier autour d'une idée, comment les ébauches de scénarii mènent à l'écriture des différentes versions du scénario lui-même, quels parcours de combattant le futur réalisateur effectue dans ses recherches de financement, comment se prépare un tournage, quels sont les connaissances indispensables à avoir pendant le tournage, comment on met en scène, quels sont les rôles de chacun des membres d'une équipe, et enfin comment apprendre le difficile travail du montage, seront les grandes lignes développées en détail au cours des diverses introductions à la réalisation. 


La genèse du film-référence, racontée aux étudiants, a valeur d'exemple mais a aussi pour vocation d'inciter les étudiants, à leurs tours, à se lancer individuellement ou collectivement dans la réalisation d'une œuvre filmique, vidéo ou audiovisuelle. L'étudiant doit petit à petit comprendre qu'il peut, en se motivant et en persévérant, lui aussi, réaliser un film. A quoi sert l'enseignement s'il n'est pas aussi un apprentissage, s'il ne prépare pas aussi à la pratique?

De même qu'un écrivain ou un peintre se formeront par la pratique de la rédaction et de la composition picturale, un jeune étudiant en réalisation ne peut se découvrir éventuel futur cinéaste qu'en tentant de réaliser un film ou une vidéo. C'est pourquoi je ne conçois pas d'enseignement du cinéma sans une pratique collective avec les étudiants de cet art, pendant le travaux dirigés. Deux heures sur trois par semaines (par exemple) seront affectées aux travaux dirigés et seront entièrement consacrées à ce que j'appelle ici l'atelier d'apprentissage.

Il est pour moi impossible de comprendre en profondeur ce qu'est le cinéma, art du mouvement, sans expérimenter le dessin et la peinture. Aussi je proposerai, au cours de ces heures d'atelier, de comprendre ce qu'est le tracé, la ligne, le point ou la charge dans le cadre que constitue la feuille de papier.


Le cinéma peut aussi être une école de vie: si le cinéma est l'art du mouvement encore faut-il apprendre concrètement ce qu'est le mouvement. Comment bouger soi-même et se placer dans l'espace, comment respirer avec une caméra, comment dire un mot ou dire un texte, comment écrire un scénario, dessiner un story board, sont autant d'apprentissages importants et complémentaires. 

C'est enfin par le biais de la caméra-stylo vidéo que nous progresserons. Cet outil offre des possibilités nouvelles et souvent encore inexploitées dans l'enseignement du cinéma. Je proposerai régulièrement aux étudiants des recherches destinées à exercer leur œil. Ces recherches ponctuelles sur des sujets bien précis seront autant de croquis pris sur le vif dans les rues, les jardins, la ville et leur vie quotidienne. Utiliser régulièrement ce média extraordinaire pour communiquer ses impressions, comme dans un carnet de notes ou de croquis, me semble un exercice indispensable et bien contemporain. 

Nous allons maintenant concrètement développer un exemple programme d'enseignement. Soit et l'articulation pour par exemple 25 semaines de cours annuel à raison de trois heures par semaine:

- 6 semaines seront consacrées au scénario et aux règles scénaristiques à partir de l'analyse d'un scénario-référence. Pendant les heures d'atelier nous réaliserons un scénario de fiction (concrétisable - réalisable - avec les moyens du bord) et nous nous exercerons à la pratique du dessin et de la peinture.


- 6 semaines seront consacrées à la préparation du tournage à partir d'un exemple concret: le film référence. Pendant les heures d'atelier nous nous exercerons à bouger avec une caméra, à cadrer, à poser des éclairages et à préparer le plan de tournage du scénario élaboré ensemble pendant les premières semaines.


- 6 semaines seront consacrées au tournage à partir de l'exemple concret du film référence. Pendant les heures d'atelier nous visionnerons les bouts d'essais tournés en vidéos par les étudiants et nous réaliserons le tournage d'un certain nombre de séquences décrites dans le scénario. Chacun des étudiants occupera à tour de rôle l'un des postes de l'équipe technique et de l'équipe artistique. 


- 6 semaines seront consacrées aux techniques de montage à partir de l'analyse d'un film très élaboré au montage. Pendant les heures d'atelier nous travaillerons au montage des séquences tournées et des notes vidéos des étudiants pour les présenter comme des réalisations autonomes sur des sujets différents.


- 1 semaine sera consacrée à la projection, à ses techniques et pendant les heures d'atelier nous regarderons le film réalisé pour le comparer avec le projet initial. 

En donnant les connaissances techniques de base élémentaires, il est tout a fait possible d'inciter à réaliser. 


Le principe de cet enseignement est d'élever progressivement l'étudiant en le désinhibant, pour atteindre l'amour de l'art et du travail bien fait, c'est à dire en fin de compte l'amour de soi-même et des possibilités merveilleuses que notre corps pinceau (statue en mouvement d'intériorité) trace dans l'espace. 

Laury Granier

1: Il va de soi que je suis ouvert à toute autre proposition.