Autour du vidéopoème: "La porte"
Midrash de la mer.
Douzième porte: la serrure.
Je filme les passages entre les plages et je reviens à la plage de la nuit dernière. Un amas de cendres et des papiers d'argent calcinés jonchent le sable fin: signes évidents que je n'ai pas rêvé la rencontre nocturne.
Devant cette plage, il y a une presqu'île reliée à la terre par un chemin - pont en forme d'arc qui passe très haut dans le ciel bleu. La découpe des rochers qui tombent dans la mer de chaque côté du pont dessine une gigantesque serrure dans laquelle il y a par moitié la mer et par moitié le ciel.
Je nage dans cette serrure surnaturelle qui aurait pu inspirer Magritte. J'entre à l’intérieur en passant sous l'arc du pont. La mer bat au rythme du coeur. Au loin il y a un pétrolier à trois-mâts de métal qui a jeté l'ancre. Je repasse la serrure dans l'autre sens. J'ai l'impression que, vue d’ici, la plage pourrait ressembler à celle que j'ai décrite dans un ancien scénario intitulé Anticythère: ce pourrait être, mais en moins sauvage, la plage de la cantatrice qui est le personnage principal de ce scénario.
Le soir, je repère dans la ville les décors qui pourraient servir pour un film à venir dont je forme peu à peu l’idée.
C'est à mon âme tout entière que s'adresse la cantatrice de fado et sa voix monte graduellement jusqu'à ma tête. Le garçon vient changer à trois reprises la bougie posée sur ma table. Toutes trois se consument presque aussitôt entièrement. Autour de moi, sur les tables de mes voisins, les bougies sont à peine entamées, alors que ma troisième bougie s'éteint déjà. Dois-je en déduire que je vis très intensément chaque instant et que, peut être, le temps passe dix fois plus vite pour moi que pour les autres?
Dans la salle de danse, où tout vibre grâce aux chansons du piano, l'Amour enfin m'envoie des flèches dans l'oeil gauche: coup de foudre et je suis invité à danser par une jeune et jolie américano-portugaise qui se prénomme Angela.
