Autour du vidéopoème: "La porte"
Midrash de la mer.
Huitième porte: le rire. Labyrinthe.
Dans la petite cour, devant la fenêtre de la chambre, j'écris. Sur les murs, la peinture craquelée dessine des anges, des dragons, des chevaux marins.
Elle est partie avec son type, en moto, à Valle do Lobo (La vallée du Loup). Elle m'a dit, avant de partir, pour la troisième fois au cours de son séjour: "quand une femme se donne, elle ouvre toutes les portes, toutes!". Je l'ai perçu comme un défi, comme si cela venait d'une ennemie et non d'une femme aimante. D'ailleurs, pour moi, elle est devenue une sorte d'araignée et je me perds dans les dédales de sa toile.
Après m’être mis en colère par écrit sur douze pages consécutives, je retrouve le visage qui était le mien avant mon arrivée à Faro. J'avais souhaité que cette ville puisse être celle de l'amour enfin trouvé. Je m'étais préparé à cette idée. C'est pourquoi j'avais tenté de sublimer chacune des secondes de mon existence, croyant pouvoir renaître et aimer à nouveau pour la première fois. Nous sommes au huitième jour de mon voyage et je suis déçu. La tristesse qui découle de la réalité retrouvée s'accompagne d'une immense fatigue. Faro est un puits, le puits d'Alice, un phare où la lumière est prisonnière, tournant sur elle-même. Les gens se sont transformés à mes yeux en rats. Elle m'a dit, croyant m'apaiser, que ce sont des rats blancs. Mon lapin blanc aussi, dame de coeur, est devenue dame de pique et je me sens enfermé, dans cette ville sans issue, ayant joué avec application et zèle, en huit jours, pendant de brefs instants, toutes sortes de personnages différents. Et ici, sur le lit, je me les remémore comme des êtres disparus et, pour les plus intéressants d'entre eux, comme des possibles.
Ils sont de retour. Lui est amoureux d'elle: bouquet de roses, etc… Je ne le supporte pas.
Nous recommençons à tourner. Je filme froidement les rituels d'une reine qui restent très extérieurs à moi. Et je m'aperçois vite qu'elle m'est devenue tout à fait étrangère car je me suis refermé: son sourire ou sa beauté ne m'atteignent plus. Je me crois maintenant, dans ma fermeture outrée, tout aussi sacré qu'elle qui semble si ouverte.
Pendant toute la longue nuit qui va suivre, jusqu'à son départ le matin pour Lisbonne, nous finissons heureusement par rire de tout et des imprévus de l'amour. C'est un rire très sain.
Et après tant de rires lancés à l'Inconnu, elle part au petit matin en disant: "Une porte doit rester ouverte ou fermée!: Alfred de Musset". Elle et son sourire disparaissent de la chambre, où je m'endors en riant.