Autour du vidéopoème: "La porte"
Midrash de la mer.
Troisième porte: vierge à l'enfant.
Je n'ai jamais filmé autant.
Sous la troisième porte de la ville une chapelle, celle de la Vierge à l'enfant, simple et sereine. Une mère passe au même moment dans la rue, le ventre gonflé, attendant d'être lune pleine au neuvième mois.
Sur un fil, pinces à linge de couleurs, fleurs et becs d'oiseaux. Je filme un jardin et un lion en pierre près de la statue du roi Joao Premier qui ressemble à un druide.
Les portes sont toutes grandes ouvertes aujourd'hui et je les passe comme un vent chaud.
Je demande à la propriétaire de la pensao une chambre plus grande et plus confortable. L'hôtesse est un vieux grippe-sou: elle s'est empressée de prendre à son neveu l'argent des pourboires que je lui avais donné et l'a caché dans son soutien-gorge. Elle est laide.
Depuis trois jours, j'ai arrêté de fumer. Cela est dur car il y a trop longtemps que je fume. Des espèces de bouffées de chaleur proviennent de mes poumons jusqu'à mon haleine.
Elle va venir. Elle vient me rejoindre! La chambre est belle. Il y a des meubles en bois clair qui dessinent des spirales, des volutes et des visages avec des yeux qui sont les noeuds du bois.
Elle arrive sans bagages car sa valise a été égarée par la compagnie d'aviation à Lisbonne.
Elle arrive à la nuit tombée, et je l'initie à la ville en lui faisant faire le tour des trois portes de Faro.
Elle me dit que la plus belle des constellations est Andromède, le Losange. Elle me dit aussi, à mon grand étonnement, qu'elle ne vient pas en rivale mais en amie.
Un feu l'attire au loin, près de la troisième porte. On nous offre des sardines grillées. Ce sont des femmes romanichelles: une grand-mère, une mère et une petite fille. Deux reines et une petite princesse qui se tient droite sur sa chaise. Ces trois femmes, emboîtées comme des poupées russes, nous regardent sauter le feu de la Saint-Pierre, car c'est cette nuit qu'on le fête à Faro.
Je lui montre ensuite les deux portes du ponton sur la mer, là où le bateau semblait m'attendre pour partir, près du chemin de fer. Elle me dit que ce sont des portes pour des pendus.
Alors je pense à tous les pendus de la terre qui ont renoncé à regarder Andromède.