Sommaire séquence par séquence du scénario de FARNESE CINEMA
FARNESE CINEMA
le scénario en un seul fichier pour impression
I - INT. - GRAND COULOIR (PALAIS FARNESE) - APRES-MIDI
Sous la voûte aux fresques peintes, dans un des larges couloirs du premier étage du PALAIS FARNESE de ROME, une centaine d'enfants costumés pour le Mardi Gras assistent à une séance de prestidigitation.
Ils sont assis sur dix rangées de chaises dont les dossiers sont en bois doré.
Face aux fenêtres, appuyées le long du mur, quelques femmes habillées avec goût regardent avec intérêt la fin de la représentation.
Une estrade en bois clair sur laquelle un HOMME habillé d'une veste rouge termine un numéro : deux colombes blanches s'échappent d'un mouchoir noir.
En VOIR OFF: applaudissements de l'assistance.
Une femme, habillée d'une longue robe moulante, prend le mouchoir que lui tend le prestidigitateur.
Les deux colombes en vol disparaissent au détour du couloir.
Toute l'assemblée a suivi du regard les oiseaux. Elle se retourne vers le prestidigitateur et son acolyte.
LE PRESTIDIGITATEUR (dans un français teinté d'italien):
Nous remercions de votre attention, le spectacle est fini.
Applaudissements de tous les enfants qui se lèvent de leur siège.
(Une variété de déguisements: pierrot, babar, fée en rose près d'une fée en bleu, arlequin, pulcinella, cowboy et indien, David Crokett...)
Une femme d'une cinquantaine d'années, bien coiffée, habillée d'une robe bleue-soie à fleurs blanches, tient un micro devant l'estrade.
L'AMBASSADRICE
Ne vous bousculez pas! Mes enfants, suivez DAVID; vous allez d'abord aller goûter, ensuite, nous irons voir un film. Après le film, vos parents vous attendront dans la cour.
Un enfant de huit ans, assez gros, vêtu en empereur NAPOLEON s'approche de l'AMBASSADRICE.
Celle-ci se penche vers lui.
LE NAPOLEON
Maman, PAUL veut savoir quel est le film que l'on verra.
L'AMBASSADRICE
Je t'ai déjà dit que c'est une surprise. Non, dis-lui d'attendre, il verra bien.
Attends ! DAVID, conduis tes amis au salon d'Hercule, veille bien sur eux. (l'embrassant) qu'ils s'amusent bie tous.
DAVID rejoint les masques qui se sont approchés de l'estrade; certains regardent le PRESTIDIGITATEUR qui remballe
ses accessoires dans de vastes malles colorées et brillantes.
Des domestiques habillés de vestes blanches galonnées de fils d'or entassent les chaises le long du couloir.
DAVID s'avance souverainement et marche vers le bout du couloir, derrière lui, les enfants costumés, le suivent.
Le PRESTIDIGITATEUR les regarde se jeter des confettis.
Ils disparaissent peu à peu au détour du couloir.
2 - INT. - SALON D'HERCULE - APRES-MIDI
La haute porte en bois massif s'ouvre.
DAVID apparaît, les enfants se précipitent dans la vaste salle et se dirigent vers les tables dressées sur lesquelles toutes sortes de pâtisseries et de boissons les attendent.
Les domestiques en livrée commencent à servir les boissons.
(Les tables ont été dressées devant les hautes fenêtres du salon.)
Plusieurs groupes d'enfants se poursuivent; certains se lancent des serpentins, d'autres soufflent avec vigueur dans des langues de belle-mère, d'autres encore agitent leur crécelle.
Certains enfants mangent calmement des tartelettes.
DAVID regarde autour de lui, il semble attentif à tout et cherche quelqu'un parmi ses invités. Son regard se pose
sur l'Hercule Farnèse, majestueux dans son drap de marbre sur le haut socle.
Le petit Napoléon (DAVID) le regarde à nouveau.
La, petite fée en rose, tenant son chapeau d'une main, est poursuivie par un cracovien; tous deux passent devant le socle de la statue.
La petite fille pousse des cris stridents lorsque le polonais lui jette, poignée par poignée, son sac entier de confettis sur le visage(il a réussi à la coincer dans l'angle de la salle).
En VOIX OFF : DAVID rit de bon cœur.
Son sac est enfin vidé.
Le petit polonais aux plumes de paon sur le chapeau se retourne vers DAVID qui le regarde toujours en riant
et vient vers lui, le sourire aux lèvres.
Dans un coin, derrière lui, la petite fée, demeure.
Elle enlève les confettis de son déguisement et remet son chapeau pointu sur la tête.
Le petit cracovien rejoint DAVID.
LE PETIT CRACOVIEN
Alors, elle t'a dit ?
DAVID
Elle a dit que c'était une surprise... Ne fais pas cette téte-là PAUL! On verra bien.
PAUL
Je suis sûr que tu sais, qu'elle t'a dit.
DAVID (fâché )
Je te jure que non!... Tu as vu, HENRI est en mousquetaire, comme l'année dernière.
Un petit mousquetaire, large plume grise au chapeau, est en train de se battre en duel avec un petit Zorro.
PAUL
Et moi, depuis trois ans, en polonais! Hal Ha!
DAVID
Viens! On va boire un Coca.
Les deux enfants se dirigent vers le buffet.
Angelo !
ANGELO (un serviteur, il parle italien)
Commandi!
"(A vos ordres.)
ANGELO s'approche de DAVID et de PAUL.
DAVID OFF: "Due coca cole"(accent très français)
*(Deux coca cola)
Un domestique est à la tête d'une farandole qui évolue sur les carreaux de marbre bordeaux.
Les enfants, attirés, se joignent à la suite du serpent qui ondule de couleurs.
VOIX OFF de PAUL : Grazie(en parfait italien)
ANGELO (à DAVID)
C’é vostra madre che la chiama.
*(Votre mère vous demande.)
PAUL s'est aussitôt retourné.
A la porte du salon, l'AMBASSADRICE fait un signe dans leur direction.
PAUL
Ta mère t'appelle.
DAVID part en direction de sa mère. Le petit Zorro s'approche de PAUL.
LE PETIT ZORRO
Trésorier !
PAUL(se tournant vers lui)
Capitaine !
LE PETIT ZORRO
Pour la "partita", la semaine prochaine, t'as "compré" les bouteilles ?
PAUL
Oui, il y en a douze, six de FANTA et six de Coke. I1 faudra "m'auité" à les porter à CHATEAU. x(Faudra m'aider à les transporter à CHATEAU.)
LE PETIT ZORRO
"Chied" à ton père. :(Demande à ton père.)
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A ROME, LES ENFANTS DU LYCEE CHATEAUBRIAND PARLENT ENTRE EUX
UNE LANGUE A CHEVAL ENTRE L'ITALIEN, LE ROMANESQUE (patois de
ROME) ET LE FRANCAIS. IL M'A PARU BON DE RESTITUER ICI LEUR
LANGUE.
Traduction: Pour le match, la semaine prochaine, t'as acheté les bouteilles ?
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PAUL(en italien)
Ma lui s'alza alle nove.(après réflexion) Devi venire a casa mia celle sette e poi prendiamo "le bus". *(Mais il se lève à neuf heures ...Tu dois venir à la maison à sept heures et on prendra le bus.
LE PETIT ZORRO
OKEY ! Facciamo cosi' *(D'accord, on fait comme cela.)
LE PETIT ZORRO lance une poignée de confettis à la figure de PAUL qui en reçoit dans la bouche.
LE PETIT ZORRO OFF : Ciao! Ha! Ha! Ha! Ha!
DAVID est de retour.
DAVID
Maman m'a dit qu'elle doit se retirer, il faudra lui dire au revoir avant d'aller au cinéma.
PAUL
"Andiam"! *(On y va.)
La tête de la farandole passe alors à proximité des deux enfants. DAVID, suivi de PAUL, prennent la tête.Le domestique laisse alors le petit Napoléon guider la farandole.
Celle-ci passe derrière l'Hercule Farnèse, puis s'arrête à proximité de la porte, c'est un véritable embouteillage.
L'AMBASSADRICE, flanquée de quelques dames de compagnie, parle à un monsieur sobrement vêtu
LE MONSIEUR
E' pronto. *(C'est prêt.)
L'AMBASSADRICE (accent déplorablement français)
I ragazzi arrivano. Grazie. *(Les enfants arrivent, merci.)
DAVID
Merci Maman pour cette belle fête
L'AMBASSADRICE embrasse son fils sur le front.
L'AMBASSADRICE
Ce n'est rien . Conduis tes amis au cinéma.(plus bas) Ton père et moi rentrons tard. Ne nous attend pas.
PAUL devant l'AMBASSADRICE claque des bottes et lui fait
un baisemain à la polonaise.
PAUL
Au revoir, Mons..(gêné)Madame, merci pour tout.
L'AMBASSADRICE est restée sévère, et le lapsus de PAUL ne l'a pas déridée.
L'AMBASSADRICE
Au revoir, PAUL(se tournant vers les autres enfants). Au revoir les enfants, bon film.
Entraînés par le petit Napoléon et PAUL, les enfants dévalent le large escalier placé devant l'entrée du Salon d'Hercule.
3 - INT. - ESCALIER DU PALAIS FARNESE - APRES-MIDI
Derrière la porte d'accès à carreaux de vitre s'élève la première moitié du magistral escalier du Palais Farnèse. Tout le groupe des enfants apparaît. Ils dévalent les marches luisantes de marbre.
4 - INT. - CINEMA - APRES-MIDI
La projection commence; tout est dans le noir.
PAUL a la tête tournée vers la salle de projection quand le rayon de lumière blanche s'allume.
Dans la salle de cinéma, les chapeaux de déguisement de tous les enfants se détachent en silhouette.
PAUL se retourne vers l'écran.
DAVID (bas à PAUL)
Merde, Peau d'âne!
PAUL
On l'a déjà vu ...C'est pour cela que ta mère nous avait interdit le cinéma Mercredi dernier.
DAVID
Viens on s'en va(bas)sans se faire remarquer.
Tout doucement, PAUL et DAVID quittent la salle de cinéma.
5 - EXT. - JARDIN DU PALAIS FARNESE - APRES-MIDI
DAVID ferme la porte blanche.
PAUL est dans le jardin(un jardin d'orangers).
PAUL
Horace! Horace! viens ici!
DAVID
Tais-toi on va nous entendre.
PAUL
Mais j'appelle ton chien.
DAVID
Le voilà.
Un cocker anglais arrive en traînant ses longues oreilles. I1 fait des fêtes à PAUL.
DAVID
Et maintenant, qu'est-ce` qu'on fait ?
PAUL
T'as des sous ?
DAVID
Environ 1000 Lires.
PAUL
On va prendre un chocolat aux "Tre Scalini" et on revient pour la fin du film.
PAUL traverse le jardin et s'approche de la statue sous la grande arcade qui sépare la cour carrée intérieure du palais dû jardin.
PAUL
Alors, tu viens?
DAVID le rejoint et semble préoccupé.
DAVID
Tu sais bien qu'on n'a pas le droit de sortir sans être accompagné.
PAUL
Au lycée, il y en a plein qui viennent tout seuls ...Tiens, Eduardo, et il a huit ans, comme nous. Les parents m'ont promis qu'à partir de la semaine prochaine j'irai moi aussi en bus à l'école.
DAVID
Les parents m'ont dit qu'avec tous les rapts d'enfants "il leur était impossible de me laisser y aller à pied."
PAUL
Et qui veux-tu qui te reconnaisse en Napoléon! Allez, viens!
Pour éviter de passer à découvert au milieu de la cour, les enfants courent sous les arcades sous lesquelles son garées plusieurs voitures de représentation.
PAUL, sans se faire voir, risque sa tête devant une porte ouverte. C'est la loge du Concierge-Réceptioniste-Téléphoniste de l'ambassade. Un homme chauve vêtu d'une veste bleu marine est assis derrière un comptoir en bois.
Le téléphone sonne. Il se retourne pour prendre la communication.
PAUL fait signe de la main à l'ombre de Napoléon de passer la porte. Et à son tour, il passe le cerbère.
Sans faire de bruit, il ouvre la porte et les deux enfants sont libres.
6 - EXT. - PIAZZA(place) FARNESE - APRES-MIDI
( C'EST ROME EN I 9 7 4 )
Une FIAT 600 grise passe devant les enfants. A la droite du conducteur, une petite fille déguisée (couleur rose) se retourne pour regarder les deux enfants
(DAVID et PAUL).
A mesure que la voiture s'éloigne en empruntant la rue face à l'entrée du Palais, on découvre le palais dans son ensemble. Les deux enfants deviennent minuscules, ils semblent écrasée par le poids de l'édifice.
Le long de celui-ci, des jeunes sont assis, fument et boivent.
7 - EXT. - PIAZZA NAVONA - APRES-MIDI
Assis à la terrasse du café "Tre Scalini". PAUL et DAVID ont une tasse de chocolat posée devant eux sur la table.
Derrière, l'entrée du Bar; ils sont donc face à la Place Navone.
Sans mot dire, ils observent le mouvement de la place.
De grosses femmes se promènent tenant fièrement par la main leur(s) enfant(s) déguisé(s). En passant devant le bar, ces femmes ne manquent pas de jeter un coup d'œil sur le petit Napoléon et le petit polonais.
Un troupeau de touristes guidés traverse la place et se dirige vers l'église qui se trouve face à la fontaine centrale.
Un jeune homme portant un chapeau est assis sur le trottoir,
il joue un air sur une guitare. I1 chante
"A Piazza Navona un cantante folle della chiesa che ha messo delle sbarre per paura di essere violentata. A piazza Navona..."
* ("Sur Place Navone Un chanteur fou fou de l'église qui a mis des grilles parce qu'elle avait peur d'être violée. A Place Navone..."
Tout autour de la place, des baraquements ont été placés: ce sont des vendeurs de masques en plastique, de confettis et de serpentins.
Des enfants se pressent tout autour et achètent des paquets de pétards.
Les bruits de cascade d'eau se mêlent aux cris des enfants, aux coups répétés des pétards mitraillette("micette"), au chant du guitariste et à l'animation à l'intérieur du bar des "trois marches".
Lorsque des enfants se croisent sur la place, ils s'envoient à la figure une poignée de confettis.
Autour de la fontaine du centre des jeunes gens déguisés en pierrot, en femmes de mauvaise vie, en morts ou squelettes fument assis en cercle.
Là-bas, à gauche, tout autour de la deuxième fontaine les "artistes" de la place font des portraits, des caricatures ou attendent simplement un éventuel acheteur.
DAVID
Payons, il faut rentrer ...Tu ne finis pas ta "panna"(crème fouettée), tu me la passes ?
PAUL lui tend sa tasse.
Merci. Appelle le garçon.
PAUL
Signore!.. Quant’è ? *(Monsieur! ..C'est combien?)
LE GARCON
Ottocento...Scusami in che sei travestito ? *(Huit cents (lires )...excuse-moi, en quel personnage es-tu déguisé ?)
PAUL
In un cracoviano...è un polacco. *(en cracovien...c'est un polonais.)
DAVID donne son billet de mille Lires.
LE GARC0N
Grazie, ecco il resto. Cento e duecento. *(Merci, voilà la monnaie: cent et deux cents).
Les deux enfants quittent la terrasse du café. Ils se dirigent vers un des baraquements et y achètent deux sacs de confettis.
Tout en se poursuivant sur la place, ils s'en lancent l'un l'autre de pleines poignées. Ensuite, ils choisissent une proie(une petite fille tenant la main de sa maman), s'élancent sur elle, la couvrent de confettis et s'éloignent en courant.
FONDU ENCHAÎNÉ
8 - EXT. - PIAZZA FARNÈSE - SOIR
Les deux enfants traversent la place. La porte du Palais Farnèse est grande ouverte.
DAVID
Ils ont dû laisser ouvert pour les parents qui viennent chercher les enfants.
PAUL
Attention! les phares d'une voiture.
Les deux enfants se mettent à courir et se cachent à gauche de la porte d'entrée.
Sous le porche, deux phares d'une voiture en marche éclairent la sortie du Palais.
La voiture sort: c'est un vieux modèle de DS peinte en noir sur laquelle un fanion aux couleurs de la FRANCE flotte à l'avant droit.
VOIX OFF de DAVID
Merde, les parents
La voiture traverse la place à vive allure.
VOIX OFF de PAUL
On a eu chaud
9 - INT. - PALAIS FARNÈSE - SOIR
Les deux enfants s'élancent à l'intérieur de l'ambassade, traversent la cour où quelques silhouettes de grandes personnes attendent déjà le retour des enfants.
Au moment où il atteignent le jardin, les enfants sortent du cinéma .
Ce sont des ombres masquées qui évoluent dans l'obscurité, au milieu de la découpe des orangers.
VOIX OFF d'enfants : "Merci DAVID", "Au revoir, DAVID",
"Merci".
Les enfants, peu à peu, quittent le jardin.
UNE JEUNE FILLE AU PAIR (accent anglais)
Bonsoir PAUL, (a deux) vous êtes-vous amusés ?
PAUL ET DAVID
Oui.
LA JEUNE FILLE AU PAIR
DAVID, dis au revoir à ton ami, il faut aller prendre ton bain.
DAVID
Encore un moment, MENA... J'accompagne PAUL au bureau de son père et j'arrive.
NENA
D'accord, ne sois pas long, je fais couler l'eau.
PAUL
A Mercredi, NENA.
NENA
Bye !
Les deux enfants entrent dans un couloir étroit. Ils passent devant la porte fermée d'un bureau sur laquelle est inscrit en lettres d'or:
A T T A C H E N A V A L
PAUL
I1 s'appelle Monsieur Crétin, il faut le faire !
Les deux enfants rient
Et il est sourd comme un pot.
DAVID
Mon père m'a dit qu'il était artilleur pendant la guerre; il a envoyé trop de bombes... alors il est devenu sourd. Mais alors, Général Crétin! ... Ha Ha !
Les deux enfants sont devant une porte sur laquelle est inscrit :
L E C 0 N S E I L L E R C U L T U R E L
Ils se séparent et PAUL entre dans le bureau de son père*
10 - INT. - BUREAU DU CONSEILLER CULTUREL - SOIR
Un homme est assis derrière un bureau et baragouine en mauvais italien au téléphone. I1 lève les yeux sur le visiteur et sans changer d'expression, se concentre sur son interlocuteur.
Le petit polonais s'approche du large bureau où sont entassé, de nombreux dossiers.
Le père de PAUL raccroche et embrasse son fils.
LE PERE
C'était bien ?
Qu'est-ce que vous avez fait ?
PAUL
On a "vu un film : Peau d'âne, et il y a eu des tours de prestidigitation.
LE PERE
L'Ambassadeur était là ?
PAUL
Non, pourquoi ?
LE PERE
C'est moi qui pose les questions... Bon, va t'asseoir, je termine et on rentre.
PAUL va s'asseoir sur un canapé en cuir et regarde son père.
FONDU AU NOIR
II - EXT. - LYCEE CHATEAUBRIAND (Villa Strolfern) - MATIN
Plusieurs colonnes d'enfants en rang le long d'un mur ocre.
Une des colonnes s'ébranle derrière une grosse femme (matrone-institutrice). Elle longe le mur, tourne à sa droite; on découvre une large avenue mal goudronnée, en pente raide. Elle est bordée d'une forêt de Bambous.
Une voiture monte la côte à petite allure. C'est une DS noire, avec un petit fanion tricolore qui flotte.
La vieille DS s'arrête devant les enfants encore en rang.
Sur la banquette arrière, DAVID embrasse une silhouette et sort de l'automobile.
I1 porte un cartable sur le dos et l'expression de son visage dénote une légère honte.
Derrière lui, le chauffeur démarre et la voiture disparait.
DAVID rejoint son rang, pendant que le deuxième rang disparaît à son tour derrière le coin ocre du bâtiment.
I1 donne la main à PAUL qui a un sac en toile vert-
militaire en bandoulière.
PAUL
On a cours de quoi ?
DAVID
D'italien...Voilà la prof.
Une jeune femme très belle et élégamment vêtue fait un signe de la main aux enfants comme pour dire bonjour.
Le rang s'ébranle..
PAUL
Encore aujourd'hui le temps est beau, mais c'est pas juste...
DAVID
Quoi ?
PAUL
On pourrait nous faire mettre en rang devant notre classe, au lieu de nous faire traverser le parc tous les matins.
UN ELEVE (devant, se retourne, accent italien)
Mais qu'est-ce que tu te "lagnes" (plains) on perd cinq minutes de cours tous les jours. Non ?
Après avoir emprunté un chemin qui traverse la petite forêt de bambous, la colonne d'enfants tourne à gauche dans un chemin étroit et fangeux.
Un élève se tourne vers DAVID
L'ÉLÈVE
T'as apporté ton "Calot" japonais ?
DAVID
Oui, je le joue contre ta grosse anglaise à trois contre un
PAUL (à DAVID)
Joues pas avec lui, il va te l'avoir. Si tu veux, c'est moi qui jouerai pour toi. Ou bien, sinon, fais-toi toucher cinq fois.
DAVID (à L'ÉLÈVE)
Ca te va, cinq contre un ?
L'ELEVE
...D'accord.
DAVID
Mais à la deuxième récré.
L'ÉLÈVE
Okay.
12 - INT. - SALLE DE CLASSE - MATIN
Les enfants entrent dans une petite maison basse en plein milieu du parc. C'est leur classe. Ils s'installent. Au fond de la classe, une large verrière. Sur le tableau noir, la MAITRESSE écrit s
C 0 M P I T 0 S C R I T T 0( devoir sur table)
Aussitôt, c'est un brouhaha de protestations.
FONDU AU NOIR SUR LE TABLEAU
Tous les enfants de la classe travaillent.
La maîtresse lit, elle lance de temps en temps un coup d'œil pour surveiller.
PAUL et DAVID sont voisins. DAVID s'adresse à PAUL
DAVID(bas)
Comment c'est le verbe "tenere"(tenir) au présent du subjonctif ?
PAUL(bas)
"Che io tenga".
PAUL peu après se baisse pour ramasser un crayon qui est tombé et, en se relevant, il regarde par hasard l'entre jambes de la MAÎTRESSE qui est visible sous sa jupe.
PAUL fait un signe à DAVID que celui-ci ne comprend pas. Alors déchirant un morceau de papier, il inscrit
REGARDE SOUS SON BUREAU
LA MAÎTRESSE
PAUL; apporte-moi ce papier tout de suite.
PAUL ne lève avec le papier, traverse la classe et tend le papier à la MAÎTRESSE.
LA MAITRESSE (après lecture)
Qu'est-ce que cela veut dire ?
PAUL
Je ne peux pas vous le dire ici.
La MAÎTRESSE se lève et fait signe à PAUL de la suivre.
13 - EXT - PARC DU LYCÉE - MATIN
LA MAÎTRESSE
Alors ?
PAUL
...C'est au sujet d'une bille qu'on m'a volé l'autre jour ...Je demandais à DAVID de regarder sous le casier de Giovanni ...C'est peut-être lui, mais c'est peut-être pas lui...alors, vous comprenez...
LA MAÎTRESSE
Bon, rentrons !
I4 - INT. - SALLE DE CLASSE - MATIN
PAUL et la MAÎTRESSE entrent dans la classe silencieuse.
LA MAÎTRESSE
Va à ta place, PAUL. Tu me conjugueras pour après-demain a tous les temps de l'indicatif et du subjonctif: "mi astengo di dare al mio vicino messaggi incoerenti". *(je m'abstiens de passer à mon voisin des messages incohérents.)
Changez de place avec Sylvia. Je vous ai déjà dit de ne pas vous mettre ensemble.
PAUL se lève et se dirige vers la table d'une petite fille
qui plie bagage.
FONDU ENCHAÎNÉ
15 - EXT. - PARC - MATIN
Une sonnerie électrique retentit(agressive).
Un flot d'enfants sort de la classe.
PAUL (à DAVID)
Viens, dépêche-toi, on a rendez-vous chez Madame Siletti.
Les deux enfants prennent une direction différente des autres élèves et courent sur le chemin de gravier.
16 - EXT. - CHEMIN DANS LA FORET - MATIN
Les deux enfants courent sur un sentier traversant une forêt de chênes et de bambous.
Une petite villa apparaît sous le feuillage.
Ils atteignent l'escalier blanc coloré par des pots de géraniums en fleurs.
Ils frappent à la porte vitrée.
Une VOIX OFF âgée: "Ecco, Ecco...arrivo."
La porte s'ouvre. Une vieille dame très âgée, marchant avec une canne, arrive. Son visage est ridé et une épaisse couche de poudre l'enfarine.
LA VIEILLE DAME (MADAME SILLETTI)
Come sono contenta che mi veniate a trovare...Sedetevi...Accomodatevi. *(Comme je suis contente que vous veniez me rendre visite ...Asseyez-vous, entrez...)
C'est un énorme atelier de sculpteur, tout entouré de verrières mettant la salle de plein pied au milieu des chênes.
Sedetevi vicino alla stufa. Sapete, fa ancora freddo in questo periodo dell'anno. La prendete, un po' di FANTA ? ...Certo che si ...Cosa avete fatto per le vacanze di Pasqua ?
(Asseyez-vous près du poêle. I1 fait encore froid à cette époque de l'année. Prenez-vous un peu de FANTA ? Certainement ...Qu'avez-vous fait pendant les vacances de Pâques ?)
DAVID(mauvais italien)
Non si disturbi...Grazie.
PAUL
Io sono stato in FRANCIA dai nonni e DAVID è andato in SICILIA. *(Moi, j'ai été en FRANCE chez mes grands-parents et DAVID est allé en SICILE.)
MADAME SILETTI
In FRANCIA ! Fortunato...Mio marito era francese, l'avevo incontrato al Casino' di SAN REMO. Sapete che tutte queste statue le ha fatte lui. Quella che guardi, DAVID(en français) c'est moi, une étude de nue, il l'a faite dans les années vingt ...On était même pas mariés et à ROME, c'était un scandale de ne pas être mariés et de vivre ensemble. Maintenant, tout est normal, on peut plus choquer. *(En FRANCE, quelle chance I...Mon mari était français, je l'avais rencontré au Casino de SAN REMO. Vous savez que toutes ces statues c'est lui qui les a faites. Celle que tu regardes, DAVID...)
MADAME SILETTI est assise sur une chaise à bascule, PAUL et DAVID sont sur des chaises en face d'elle. Sur les murs, des portraits peints, des tissus orientaux, et tout autour, dans l'atelier, des statues, des plâtres, des socles entassés et une large bibliothèque en bois, bourrée de livres. Des vases pleins de fleurs séchées...
Et puis, on a rencontré Monsieur Strolfern, et il s'est lié d'amitié pour mon mari, c'était un des derniers mécènes... un alsacien...- mon mari était Corse : Siletti - et il nous a offert de venir vivre dans sa Villa. A l'époque, ce n'était pas une école, il y avait des artistes dans toutes les petites maisons. On se réunissait le Dimanche autour du tennis ...Une sorte de Villa Mécidis...Mais sans institution...
DAVID (regardant sa montre)
Madame, nous devons partir, la récré est terminée. Merci beaucoup.
PAUL et DAVID se lèvent.
MADAME SILETTI
Merci à vous, mes enfants. Venez me voir quand vous voudrez, c'est gentil de venir voir une vieille dame qui vit seule ...Tenez.
Elle ouvre un tiroir et en sort un paquet de bonbons entourés de papier de couleur transparent..
Prenez, mais si, mais si, vous verrez .., et en plus, ils sont français.
Les deux enfants remercient, se dirigent vers la porte et sortent.
La vieille dame marche jusqu'à la porte vitrée, les regarde s'éloigner en courant, disparaître; elle se retourne pour regagner sa place, une larme dans les yeux.
FONDU ENCHAINE
17 - EXT. - GRAVATS - MATIN
Un tas de gravats - plâtres et briques, tessons de tuiles sur lesquels PAUL et DAVID marchent. Une maison où des ouvriers travaillent jouxte le tas de gravats.
Les enfants regardent le sol.
PAUL
Regarde ...Aide-moi.
DAVID s'approche et aide PAUL à dégager un plâtre enfoui dans le monticule. .
C'est le buste d'un vieillard... Très ridé, un peu terrifiant.
DAVID VOIX OFF : "laisses ça"
PAUL en VOIX OFF :"Non, ça va pas, je l'emporte, il me plaît, c'est peut-étre l'artiste lui-méme. Viens, on va le cacher et puis après je l'emmènerai à la maison."
DAVID
Mais aujourd'hui tu viens à l'ambassade. C'est ton jour 1
PAUL
Bien, mon roi, votre chauffeur Joseph nous aidera à transporter le buste.
PAUL et DAVID transportent le buste et le mettent dans un fourré.
FONDU AU NOIR
18 - INT. - COUR DU PALAIS FARNÈSE - JOUR
La DS de l'ambassadeur pénètre dans la cour(bruit de pneus sur le gravier) et se range sous une des arcades.
Les deux enfants descendent de la voiture, PAUL ouvre le coffre et sort péniblement le buste de plâtre du vieil homme.
Aussitôt, JOSEPH (le chauffeur) prend le buste à pleines mains et le place près du pilier.
PAUL
Je reviens tout de suite, DAVID, monte si tu veux, je te rejoins dans un moment. Merci, JOSEPH.
La cour reste vide un instant, les façades intérieures du palais inertes, sans bruit.
PAUL revient et ouvre le coffre d'une voiture garée sous une autre arcade.
I1 transporte la tête et la place dans le coffre.
Il referme le coffre.
FONDU AU NOIR
19 - INT. - GRANDE SALLE A MANGER - JOUR
Une trentaine de personnes entrent par une porte marquetée dans une pièce au centre de laquelle se trouve une longue table ovale où le couvert a été dressé.
Six majordomes en livrée se trouvent debout autour de la table.
Ils déplacent les chaises pour aider les femmes les plus âgées à s'asseoir.
L'AMBASSADRICE entre, à ses côtés, DAVID et PAUL.
L'AMBASSADRICE
PAUL, vous m'excuserez, d'ordinaire nous mangeons en famille, lorsque vous venez, mais aujourd'hui, nous n'avions pas prévu ce déjeuner ...DAVID, sois sage. Vous présiderez en bout de table tous les deux, j'ai demandé à Franco d'ajouter deux couverts.
PAUL et DAVID s'assoient devant la pointe de l'ovale.
Un serviteur en livrée blanche place devant eux assiettes en porcelaine, etc.
A mesure que l'on découvre les personnages attablés en un long TRAVELLING CIRCULAIRE; le repas s'achève en silence perlé pour revenir à DAVID et PAUL qui terminent le gâteau. Devant eux, deux fois quatre verres en cristal pleins : d'eau, de vin blanc, de vin rouge, et enfin de Champagne pétillant.
A la droite de PAUL, un abbé, à la gauche de DAVID, une jeune femme parlant de sa foi.
LA JEUNE FEMME (accent légèrement teinté d'italien)
...J'avais quinze ans, a RENNES, c'était bien avant le Concile du Latran, je faisais partie d'un groupe de jeunesse catholique--j'y étais entrée grâce à une amie --nous lisions St Augustin en groupe et alors les Confessions ont été pour moi une sorte de révélation ...La lumière.. .et c'est en partie par Augustin que j'ai acquis la foi .... Tenez, quand j'ai rencontré mon futur mari ...Celui qui est a la droite de l'AMBASSADRICE... Et bien, j'ai prié toute une nuit la Madone : je lui ai demandé de lui donner la foi car seulement et seulement alors, je l'aurais épousé. J'ai dû attendre six mois avant qu'il la trouve et finalement, il l'a trouvée...
Pendant les confessions de la JEUNE FEMME, l'abbé (fort gras, une caricature) mange presque impoliment ses profiteroles.
Au centre de la table, l'AMBASSADRICE se lève.
Elle est aussitôt suivie dans son mouvement.
L'AMBASSADRICE
Et maintenant, si vous voulez bien, nous irons prendre le café dans le petit salon rouge, Mesdames, pen dent que les Messieurs et Ecclésiastiques se réuniront dans le blanc. Quant à vous, mes enfants, vous avez quartier libre avant d'aller faire vos devoirs en compagnie de NENA. Si vous voulez bien me suivre...
Un double mouvement s'opère : les femmes suivent l'AMBASSADRICE pendant que les hommes, cardinaux, évêques et prélats suivent 11AMBASSADEUR (homme au profil d'aigle).
PAUL et DAVID sont encore assis en bout de table lorsque tous les convives ont disparu. PAUL se retourne comme pour s'assurer qu'il n'y a plus personne.
PAUL
Alors, on y va ?
Ensemble, commençant par le verre d'eau, PAUL et DAVID vident coup sur coup tous les verres dont, sagement, ils n'avaient pas touché le contenu pendant le repas.
DAVID
Et alors, on n'est même pas ivres.
PAUL
I1 faut attendre ...Viens, allons voir ce qui se passe dans le Salon Rouge.
20 - INT. - SALON ROUGE - JOUR
Femmes et jeunes femmes sont assises par petits groupes dans de petits fauteuils recouverts de damas rose sombre, les murs du Salon Rouge, sur lesquels de vieilles gravures encadrées ont été accrochées, sont recouverts de tissu à raies rouges et blanches avec des impressions de nœuds en forme de boucles dorées.
DAVID et PAUL pénètrent dans le petit salon, leurs yeux brillent déjà un peu...
Ils se dirigent vers la fenêtre située à l'autre extrémité de la pièce, en passant, PAUL remarque une caméra de petite dimension posée sur une table au milieu de porte-cigarettes en argent, vase de Murano serti de fleurs, et autres objets...
I1 s'empare de la caméra et la tend à DAVID.
PAUL
C'est quoi ?
DAVID
C'est une caméra huit millimètres pour filmer. C'est Granney qui me l'a offerte.
PAUL
On peut filmer ?
DAVID regarde le bottier de la caméra.
DAVID
Oui, il y a une pellicule... (levant la tête) Regarde cette femme.
Une petite femme s'est levée d'un fauteuil et s'approche.
DAVID commence à filmer.
Elle porte une perruque noire à larges boucles, un petit turban de soie qui tient des plumes, son visage est poudré, ses larges yeux très maquillés; elle doit avoir une soixantaine d'années. Elle est couverte de gros bijoux, porte une sorte de veste boléro en soie noire et des pantalons rose pourpre, à ses pieds, des chaussures turques.
Ayant remarqué que DAVID la filme, elle se met doucement à tourner sur elle-même avec une grâce de jeune fille.
PAUL semble médusé par cette femme, ses yeux sont extrêmement brillants.
DAVID termine sa séquence sur un gros plan des yeux bleus vifs de cette femme.
LA JEUNE-VIEILLE DAME
(avec un accent italien)
Comme vous êtes charmants ...filmer
une vieille dame comme moi, si j'avais su qu'en venant ici...
DAVID
Vous êtes la plus belle des femmes qui sont là.
LA JEUNE-VIEILLE DAME
Comme vous êtes mignon ! Comment vous appelez-vous ? (s'adressant à PAUL) et vous ?
DAVID et PAUL
DAVID. PAUL.
LA JEUNE-VIEILLE DAME
Quel âge avez-vous ?
DAVID et PAUL
Huit ans et demi. Neuf ans.
LA JEUNE-VIEILLE DAME
Moi, je m'appelle la Comtesse GANZI, je suis une des dernières descendantes des MÉDICIS. J'ai quatre-vingts ans.
PAUL
Je ne vous crois pas, ce n'est pas possible...
LA COMTESSE GANZI
Et oui ! Personne veut me croire mais c'est pourtant vrai ...Je possède le secret de l'éternelle jeunesse.
DAVID
Et quel est-il ?
LA COMTESSE GANZI
Un secret, ça ne se dit pas ...Si vous me promettez de le garder pour vous pour toujours, alors ... peut-être...
PAUL ET DAVID (en chœur)
On vous le promet.
LA COMTESSE GANZI
J'ai vécu un peu partout dans le monde, en Amérique du Sud, en Chine, à Constantinople...
Un serviteur lui tend, sur un plateau, une tasse de café.
La COMTESSE retire un sucre du sucrier en argent...
Grazie(Merci)...Mon mari y était en poste. J'ai commencé à voyager en 1913 ... Partout où nous allions, nous y étions aimés, regrettés, lorsque nous quittions ...J'étais une des premières à conduire une automobile, une moto, à m'habiller comme les autochtones ...Mon mari adore que je revête des vêtements orientaux, que je sois différente des autres femmes par mon apparence ...Regardez, elles sont toutes habillées de la même manière. C'est triste ...la mode ...dans toutes les soirées, tous les dîners... toujours pareil ...De beaux tissus, des robes chères, aucune fantaisie ...Et il a raison, alors de puis des années, J'innove ... Les gens me croient folle, je sais bien ce qu'ils pensent, ils m'invitent à cause de mon nom. Lorsque je dis mon âge, ils croient que je mens ...Comme je serais heureuse d'avoir l'âge que je paras . ...Mon secret, notre secret à mon mari et a moi...- vous les enfants, vous le savez - c'est l'Amour. J'ai toujours, toute ma vie. aimé à la folie. Tout aimer : c'est çà le secret de l'éternelle jeunesse.
PAUL
Vous pouvez nous montrer votre mari... On pourrait vous filmer ensemble.
LA COMTESSE GANZI
Je suis venue sans lui, aujourd'hui. Merci ...J'ai une photo de lui dans mon sac...
Elle ouvre son sac.
...c'est une photo ancienne... Nous sommes tous les deux dessus.
Elle tend la photo. Les deux enfanta regardent.
J'avais déjà des plumes sur la tête...
MENA apparaît à la porte du Salon Rouge. Elle fait des signes.
Je crois qu'on vous appelle.
DAVID et PAUL
Oui, on doit aller faire nos devoirs. Merci beaucoup, Madame, au revoir.
LA COMTESSE GANZI
Merci à vous les enfants. revoir
Chacun à leur tour, les enfants font un baisemain à la COMTESSE GANZI et rejoignent NENA.
La COMTESSE va reprendre placé au milieu des dames assises en train de terminer leur café.
21 - INT. - ASCENSEUR - JOUR
NENA, DAVID et PAUL marchent dans le long couloir du premier étage de l'ambassade.
Ils tournent à droite dans une petite alcôve dans laquelle de chaque côté de l'ascenseur, une coquille St Jacques contient une plante verte.
NENA appuie sur le bouton de l'ascenseur.
DAVID
Tu connais la COMTESSE GANZI ?
NENA
...Ta mère m'en a parlé ce matin, c'est une originale. Son mari est mort depuis vingt-cinq ans et elle fait comme si il vivait encore ....
Elle l'aimait tellement qu'elle s'habille encore aujourd'hui comme il y a trente ans pour lui plaire.
L'ascenseur ouvre ses portes. Ils entrent, ferment la grille qui a la forme d'un massif de roses en fer noir.
L'ascenseur monte.
FONDU AU NOIR
22 - INT. - CHAMBRE DE DAVID - JOUR
C'est une grande et haute chambre dans laquelle une haute porte-fenêtre donne sur une terrasse dont on devine les piliers en forme d'arcs derrière les rideaux.
A droite, le long du mur, un flipper électrique de petite taille, un Baby-foot et un punching-ball.
Beaucoup de désordre, des livres, des bandes dessinées, le long de l'autre mur, une armoire ancienne, un lit à baldaquin et un bureau devant lequel travaillent DAVID et NENA.
PAUL s'amuse avec un chat siamois. I1 glisse sa main sous un tapis, racle ses ongles et le chat bondit.
NENA se lève.
NENA
Je vais téléphoner.
Elle sort de la chambre.
DAVID se lève dès qu'elle est sortie de la chambre et rejoint PAUL sur le tapis.
DAVID
Elle téléphone sûrement à son petit ami.
PAUL
Elle a un fiancé ?
DAVID
Je te parie qu'elle va revenir et nous proposer d'aller au cinéma pour avoir deux heures devant elle.
PAUL
Tant mieux pour nous aïe (le chat griffe PAUL) attrape-le !
Le chat parvient à s'échapper.
Les deux enfants le poursuivent dans la chambre.
VOIX OFF de DAVID :"Achille, viens ici ! Ah ! tu vas voir!"
Le chat est monté sur le haut d'un meuble.
PAUL revient avec une chaise.
VOIX OFF de DAVID :"Attrape-le, je lui fait couler un bain."
PAUL réussit a attraper le chat. I1 le tient par la peau du cou, descend, va vers une porte ouverte à droite près de la porte-fenêtre et entre dans la salle de bain.
23 - INT. - SALLE DE BAIN - JOUR
PAUL entre dans la salle de bain.
L'eau coule à flots dans une énorme baignoire en marbre à pieds de griffon.
PAUL plonge le chat dans la baignoire.
DAVID branche la douche et couvre du jet d'eau le corps de l'animal.
PAUL
Pas dans les yeux ...Voilà, comme ça, sur le corps, ça t'apprendra à me griffer.
NENA apparaît au seuil de la salle de bain.
NENA
Arrêtez ! Arrêtez !
NENA pousse violemment PAUL et DAVID, tourne les robinets pour fermer l'eau.
DAVID
Achille a griffé PAUL, alors...
NENA
Mais un chat déteste l'eau. C'est très méchant ce que vous avez fait.
L'eau s'écoule dans la baignoire. Le chat essaie désespérément d'en sortir, mais il glisse sur les paroies blanches, tant il est mouillé. Piteux museau!
Et moi qui allais vous proposer d'aller au cinéma. Après ce que vous avez fait ! No ! You're too naughty! *(Vous êtes trop mauvais !)
PAUL et DAVID
On le fera plus. C'est promis.
NENA
O.K., on passe "le Mystère Picasso" au cinéma de l'ambassade pour les invités de ce midi. Glissez-vous sans vous faire remarquer, comme d'habitude.
DAVID
Merci, NENA.
Mais après, on termine les devoirs. C'est promis.
NENA a enroulé ACHILLE dans une serviette et le frotte énergiquement.
FONDU AU NOIR
24 - INT. - SALLE DE CINEMA - APRES-MIDI
Sur l'écran, une séquence du "Mystère Picasso" de CLOUZOT:
le pinceau s'agite derrière la vitre. PICASSO peint en transparence sur une plaque de verre, peint la plaque de verre,
une silhouette dans les premiers rangs de la salle se lève et rejoint l'allée latérale. Elle se dirige vers la sortie, située à la gauche de la salle de projection. Sur la tête, on remarque des plumes : c'est la COMTESSE GANZI.
Devant la sortie protégée par une grosse couverture insonorisante, se tiennent debout PAUL et DAVID qui regardent avec fascination l'écran. DAVID reconnaît la COMTESSE et lui fait signe de se taire. Ils passent tour à tour l'épais rideau de sortie.
25 - INT. - ENTRÉE DU CINÉMA - APRÈS-MIDI
LA COMTESSE GANZI
Quelle joie de vous retrouver. Je dois me sauver avant la fin de ce merveilleux film. Vous aimez ?
DAVID
I1 est vraiment extraordinaire. Vous savez, on vous a fait "chut" parce qu'on est censé faire nos devoirs.
LA COMTESSE GANZI
Ha! Ha! Alors, bonne c ce...
Je dois partir sinon je vais être en retard pour le thé que je donne chez moi. Au revoir, DAVID, demandez à votre mère mon adresse et venez avec PAUL me trouver.
DAVID et PAUL
Merci, Madame. Au revoir.
La COMTESSE se dirige vers le vestibule.
PAUL et DAVID entrent à nouveau dans la salle.
FONDU AU NOIR
26 - INT. - CHAMBRE DE DAVID - SOIR
Au centre de la chambre, DAVID est en train de peindre sur une grande feuille.
Son dessin est fortement influencé par les images qu'il vient de voir.
De l'autre côté, PAUL dessine lui aussi avec beaucoup de force.
On entend des rires en VOIX OFF, accompagnés d'une phrase chantée: "Plus jamais de devoirs, plus que de la peinture..."
PAUL arrête un moment de peindre, il s'approche du bureau et s'empare de la caméra.
En un long TRAVELLING, PAUL se met à filmer sa peinture, puis DAVID devant sa toile, enfin il essaie de suivre le mouvement du pinceau sur la toile.
NENA entre danse la chambre.
NENA
Qu'est-ce que vous faites, vous m'aviez promis de vous mettre aux devoirs après le film.
DAVID
C'est fini, les devoirs, à jamais, nous sommes des artistes...
NENA
Vous allez voir ça si c'est fini. Toi, donne-moi cette caméra.
NEMA essaie de prendre la caméra des mains de PAUL; celui-ci se dégage, recule tout en filmant NENA qui alors s'empare de la feuille peinte de DAVID et la déchire.
PAUL filme encore, pour avoir une meilleure profondeur de champ, il recule toujours, trébuche et tombe en arrière, sa tête frappe fortement l'arête du radiateur.
PAUL gît sans connaissance, par terre. MENA est affollée. Elle reste debout, frappée de stupeur par le sang qui coule de la téta de PAUL et qui souille la moquette blanche.
NENA
My God! My God.. My God...My God...
Elle répète les même deux mots sans agir le moins du monde.
DAVID sort de la chambre.
Après un moment, il entre à nouveau, se dirige vers la salle de bain et en revient avec une serviette mouillée.
VOIX OFF de NENA : "My God...My God..."
DAVID
J'ai fait appeler par le standard une ambulance. Le père de PAUL arrive.
DAVID place la serviette sur la tête de PAUL.
FONDU AU NOIR
27 - INT. - CHAMBRE D'HÔPITAL - APRÈS-MIDI
PAUL est étendu dans un lit d'hôpital, il tient sur ses genoux un bloc de feuilles de dessin, dans sa main, un pastel qu'il agite fiévreusement.
DAVID entre dans la chambre, PAUL s'arrSte de dessiner; un large sourire illumine le visage du malade.
DAVID s'approche du lit de PAUL et regarde le dessin.
DAVID
Il est beau, ton dessin ...C'est quoi ?
PAUL
C'est la télé ...Tu vois, elle s'est cassée la figure.
PAUL se retourne vers DAVID
DAVID
Tu sais que tu sors aujourd'hui.
JOSEPH va venir nous prendre.
PAUL
Je t'ai attendu tous les jours...
DAVID
Je voulais, mais mes parents m'ont interdit. On me disait que tu allais très mal; que tu délirais, qu'il ne fallait pas.
PAUL
I1 fallait, au contraire... Tu vois, (PAUL montre son dessin) Tout est beaucoup plus simple, je comprends PICASSO ...son mystère , celui du film.
DAVID
Alors, c'est quoi son mystère ?
PAUL
Tu te souviens du plan où on voit PICASSO, derrière la vitre, qui peint ?
DAVID
Oui.
PAUL
Et bien, il peint en transparence.
DAVID
Et alors ?
PAUL
LA TRANSPARENCE, c'est ça le mystère PICASSO !
DAVID
N'importe quoi...
PAUL
Il faut me croire.
DAVID
Ta mère m'a dit que tu t'es fatigué pendant ton séjour ici. Tu risques de perdre une année d'école pour te remettre.
PAUL
Je ne vais rien perdre du tout ! J'ai gagné ...dix ans avec cette chute ...J'ai voyagé.
DAVID
..Il faut que tu me racontes ! Je suis ton ami. Tu dois me dire.
PAUL
...Quinze jours où j'ai été seul; sans pouvoir parler à personne... Garder tout pour moi...Savoir qu'ils voulaient que je le leur raconte... Tu as raison, j'attendais mon frère, mon frère aîné...Lui, il sait, il connaît, il a modelé ma tête en argile, qu'il chargeait par caisses entières; un énorme buste de moi... et ils ne l'ont pas laissé venir; interdit, mais je le sentais proche, lui, il a chuté de cheval. Je me souviens de ma mère qui priait, là, au pied de son lit, et moi qui me disais: "Ca ne va pas recommencer comme pour lui", ma mère qui priait au pied de son lit pour le salut de son âme. Ma mère pleurait de joie quand je repris connaissance. Mais ils ne savaient pas que mon délire continuait. Mon père, un jour, m'apporta sa boite de pastels... et j'ai étoilé ses feuilles blanches de couleurs, de violet, de bleu. Et il y avait comme des vibrations quand je touchais les objets ...les couleurs me semblaient plus fortes que d'habitude, regarde comme elles vibrent ...Et puis, il y a eu la découverte du rouge, et je renaissais, renaissais.
DAVID regarde les dessins.
DAVID
J'aime tes dessins...
PAUL
Prends-les, je te les donne.
DAVID
Tous ?
PAUL
Oui, j'en ferai d'autres !
DAVID
Merci ...Tiens, je t'avais écrit une lettre.
DAVID sort la lettre de sa poche et la tend à PAUL.
PAUL prend la lettre, ouvre l'enveloppe et déplie la feuille de papier.
L E T T R E D E D A V I D:
VOIX OFF de PAUL lisant
CHER PAUL ,
JE T'ÉCRIS CETTE LETTRE PARCE QUE JE TIENS A TE DIRE QUE TU ES MON MEILLEUR AMI. UN AMI POUR TOUJOURS QUOIQU'IL ARRIVE : NOUS SERONS TOUJOURS LIES, SOUDES L'UN A L'AUTRE MOI POUR TOI.
QUAND J'AURAIS UN ENFANT JE VEUX QUE TU SOIS SON PARRAIN. J' J'ESPÈRE MOURIR APRÈS TOI POUR QUE TU NE SOUFFRE PAS DE ME PERDRE : TELLE EST MON AMITIÉ, JE VEUX TE DIRE CELA POUR QUE TU GUÉRISSES VITE, PARCEQUE S'IL T'ARRIVE UN MALHEUR ALORS JE SERAIS TRÈS SEUL ET JE VEUX ÊTRE AVEC TOI.
JE VIENDRAIS TE CHERCHER AVEC JOSEPH, J'AI EU L'AUTORISATION DE TES PARENTS.
NOUS IRONS A VILLA MÉDICIS OU LA FEMME DE BALTHUS FAIT MON PORTRAIT…
JE T'AIME DAVID
FONDU AU NOIR
28 - EXT. - PARC DE LA VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
PAUL se promène seul sur une allée dans un grand parc.
Face à lui, au bout de l'allée, un grand escalier.
PAUL tient la lettre de DAVID dans la main.
PAUL emprunte l'escalier qui a cinq "paragraphes" de marches (autant que le dessin que les lettres forment sur le papier de la lettre de DAVID).
29 - INT. - VILLA MÉDICIS - JOUR
Une toile. Le peintre est une femme japonaise vêtue d'un kimono.
Elle retouche à l'aide de son pinceau un nez déjà tracé sur la toile.
30 - EXT. - ESCALIER DU PARC DE LA VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
PAUL entame le troisième "paragraphe" de marches tout en relisant la lettre.
31 - INT. - VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
Le peintre ombre l'intérieur des yeux de DAVID; une touche de blanc...
32 - EXT. - ESCALIER DU PARC DE LA VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
PAUL gravit les dernières marches de l'escalier. I1 regarde devant lui: tout ROME.
PAUL entre dans l'alcôve ouverte à tous les vents et se met à marcher légèrement en tournant en spirale tout en regardant intensément autour de lui. Enfin, il s'arrête au centre.
33 - INT. - VILLA MÉDICIS - APRES-MIDI
Une fenêtre près de laquelle se trouve assis DAVID.
Derrière lui, ROME.
LE PEINTRE
C'est terminé, le tableau. Maintenant laisser sécher.
DAVID s'approche et regarde le tableau.
Le PEINTRE regarde DAVID qui observe le tableau.
34 - EXT. - TERRASSE DU PARC DE LA VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
PAUL dépose la lettre de DAVID sur le toit de l'alcôve.
Il la recouvre d'une tuile et saute sur la terrasse.
35 - EXT. - JARDIN A LA FRANÇAISE DE LA VILLA MÉDICIS - APRÈS-MIDI
Le petit Apollon de bronze semble suivre DAVID qui descend les marches de l'escalier devant la façade arrière de la Villa qui donne sur les jardins à la française.
PAUL est dans le jardin. Près du petit obélisque. I1 regarde les nuages qui passent dans le ciel.
DAVID s'approche de lui.
PAUL
Comment est-il ?
DAVID
Beau... tu le verras à la maison.
PAUL
Viens...
PAUL et DAVID marchent en direction du parc.
FONDU AU NOIR
36 - EXT. - RUE (descente sur PIAZZA DEL POPOLO - Place du Peuple) APRES-MIDI
La DS noire de l'ambassade roule. On aperçoit à travers les feuilles l'obélisque de Piazza del Popolo.
FONDU ENCHAÎNE
37 - INT. - EXT. - DS - APRÈS-MIDI
Devant le volant, JOSEPH en casquette bleu marine. Il est de dos.
Il regarde dans le rétroviseur.
PAUL regarde DAVID qui observe la rue par la fenêtre.
Des tissus sèchent au soleil accrochés devant les parois ocres des façades romaines.
Les passants se retournent au passage de la voiture.
DAVID
Ils se retournent car ils ne savent pas ce que veut dire "CD".
JOSEPH
Lorsqu'on s'arrête n'importe où en ITALIE, il y en a toujours qui viennent et qui demandent ce que cela veut dire.
FONDU ENCHAÎNÉ
38 - INT. - EXT. - RUE DEVANT LE COMME - APRÈS-MIDI
La voiture passe maintenant devant le Colisée.
JOSEPH
...On ne va plus pouvoir circuler les jours de fête et les dimanches en ITALIE à cause de la pénurie d'essence.
DAVID
Ca va être beau ROME sans voiture...
PAUL
On va pouvoir être libres comme des oiseaux.
39 - EXT. - VIA MECENATE (Rue de Mécène) - APRÈS-MIDI
Un serveur habillé de blanc marche dans la rue avec un plateau sur lequel sont posées quelques boissons.
La DS arrive par la droite et entre dans la rue.
Elle s'arrête peu après, juste après le glycine en fleurs.
Les enfants descendent.
PAUL appuie sur le bouton de l'interphone.
VOIX de l'interphone
Qui est-ce ?
PAUL
C'est nous.
La petite porte dans le portail s'ouvre et se referme derrière les enfants.
40 - INT. - MAISON DE PAUL - APRÈS-MIDI
Dans une large entrée, la mère de PAUL ouvre la porte.
(Une femme d'environ quarante ans, assez grande, un chignon de cheveux noirs sur la tête, maquillée légèrement.)
LA MERE
Bonjour, DAVID... (s'adressant à PAUL) Alors; tu n'es pas trop fatigué, PAUL ?
PAUL
Non, Maman, je suis en pleine forme. On monte sur la terrasse. Comment va YELONA ?
LA MERE
Bien, mais ne faites pas les fous; tu dois songer à te reposer, maintenant. Tu ne m'as même pas embrassée.
PAUL
Voilà.
PAUL embrasse sa mère.
LA MERE
Je sors, je rejoins PAPA à un coktail et ensuite, nous avons un dîner. LOLITA vous mènera au jardin.
FONDU AU NOIR
41 - EXT. - TERRASSE DE LA MAISON DE PAUL - APRÈS-MIDI
Sur la terrasse, qui donne sur le Colisée, une tortue poursuit les sandales de DAVID; il recule à très petits pas sur le marbre blanc.
PAUL
Ah ! Ah ! elle n'a pas perdu l'habitude . `
Un jeune homme d'environ dix-huit ans, légèrement roux, entre sur la terrasse par la porte-fenêtre.
JEROME
Bonjour !
VOIX OFF de PAUL et de DAVID : "Salut !"
JEROME (voix complice)
Alors, tu ne regrette pas trop l'hôpital ?
PAUL (il le regarde en riant)
Délirant !
PAUL est assis près d'un massif de géraniums rouges.
JEROME
Ne bouge pas, je te dessine.
PAUL
Oui, mais fais vite, on va au "colle".
JEROME revient avec un carton a dessin, un pinceau, une botte d'aquarelle et un verre d'eau qu'il pose autour d'une petite chaise basse.
DAVID regarde derrière les palmiers du jardin le Colisée. Un avion passe dans le-ciel.
En quelques traits, JEROME dessine son frère.
FONDU AU NOIR
42 - EXT. - JARDIN PUBLIC DU COLLE OPPIO - APRÈS-MIDI
Une petite femme d'âge mûr, au profil aquilin, habillée de vêtements à couleurs fortes mais détonnantes, est assise sur un banc de bois peint en vert. Elle est en train de tricoter une écharpe en laine bordeaux.
PAUL (s'approchant d'elle)
LOLITA, on va près de la fontaine.
LOLITA (accent espagnol)
D'accuerdo. *(D'accord)
PAUL rejoint DAVID et tous les deux gambadent et disparaissent derrière un promontoire en pelouse fanée par le soleil.
43 - EXT. - FONTAINE DU COLLE OPPIO - APRÈS-MIDI
C'est une large fontaine avec une enfilade de bacs remplis d'eau plus ou moins stagnante.
Un large orifice laisse couler l'eau.
De chaque côté, des rochers bruts.
PAUL et DAVID les gravissent. Leur jeu consiste à passer devant le jet d'eau et à ne pas se faire mouiller.
PAUL escalade à nouveau et tente de passer par dessus. Il pose la main dans un interstice, se hisse et découvre dans le trou un magazine dont il s'empare.
PAUL
Viens voir !
DAVID
Qu'est-ce que c'est ?
PAUL redescend vers DAVID.
PAUL
C'est un journal porno.
DAVID
Fais voir !
PAUL
Attend ! I1 y a personne ?
DAVID se retourne pour voir.
DAVID
Non.
PAUL ouvre le magazine.
Il tourne les pages; des photos pornos s'enchaînent les unes après les autres, comme dans un roman photo.
Les enfants regardent avec intérêt.
DAVID
Pourquoi ont-ils des poils ?
PAUL
Je ne sais pas.
DAVID
Et les femmes aussi.
PAUL
Ca doit être pour les photos, pour cacher.
DAVID
Je ne crois pas, tu crois que nos parents en ont aussi ?
PAUL
Si c'est pas pour cacher, c'est que nos parents aussi. Bon, on le recache là.
DAVID
On pourra venir le revoir.
PAUL referme le magazine et le dépose derrière un rocher.
PAUL
Maintenant il faut savoir si les parents en ont.
DAVID
Je regarderai par le trou de la serrure.
PAUL
Viens, on s'en va.
Les deux enfants montent la colline derrière la fontaine. Les pins parassol sont éclairés par une lumière rasante de fin de journée.
Un peu à droite, sous un arbre, un petit feu est allumé.
PAUL et DAVID se dirigent vers les enfants accroupis autour des flammes.
Sur le feu de bois, une espèce de broche a été installée.
L'un des quatre enfants la tourne attentivement.
Sur la broche, un oiseau empalé.
PAUL donne immédiatement un coup de pied dedans.
PAUL (criant)
Cosa avete fatto ?!
Chi lo ha ammazzato ?
*(Qu'avez-vous fait! Qui l'a tué ?)
Un des garçons (environ huit ans) avance fièrement en arborant triomphalement son lance-pierres.
LE GAMIN
Io, con questa !
PAUL
Stronzo !(étron!)
PAUL lui rentre dedans et les deux enfants roulent sur le gazon en se frappant.
DAVID marche sur le feu pour l'éteindre.
Les trois autres enfants se jettent sur lui.
DAVID réussit à les tenir tous en respect. Sa carrure en impose.
Enfin, PAUL et DAVID regardent fuir leurs ennemis et s'en reviennent vers LOLITA.
DAVID
Ca ne servait à rien, l'oiseau était mort.
PAUL
Comme cela au moins, ils ne recommenceront plus.
DAVID
Tu crois ? (ton légèrement sceptique)
LOLITA, assise sur son banc, aperçoit PAUL tout couvert de boue, elle se lève, plie son ouvrage et vient au devant d'eux.
LOLITA
"In"(en)quel état tu has puesto ! *(Dans quel état tu t'es mis !)
Tu n'as pas le "derecho"(droit) de te battre. Fais voir ta "cabezza"(tête)!
LOLITA prend la tête de PAUL dans ses mains et regarde. Le pansement tient bon au niveau du cervelet.
LO LI TA
Vamos !
*(On rentre)
LOLITA prend la main de PAUL dans la sienne, DAVID suit un peu en arrière.
PAUL se retourne et regarde DAVID.
FONDU AU NOIR
44 - EXT. - ALLÉE CENTRALE DU COLLE OPPIO - MATIN
Il fait beau, pourtant un arbre est couché en travers de l'allée.
Deux enfants roulent à bicyclette et contournent l'arbre --un parasol -- déraciné.
Ce sont DAVID et PAUL.
Ils roulent à grande vitesse sur l'allée centrale goudronnée du jardin.
De nombreux chats jouent sur une plate-bande autour d'un plat
de spaghettis.
Les deux enfants se laissent glisser sur la grande pente qui mène au Colisée.
Il n'y a pas une voiture qui roule sur la route.
ROME est déserte; Rue des Fori Imperiali(des Forums Impériaux), il n'y a que quelques piétons qui marchent au milieu de la rue, des voitures à cheval ainsi que des taxis jaunes qui roulent sur la voie qui leur est réservée.
FONDU ENCHAÎNÉ
45 - EXT. - VIA DEL CORSO - APRES-MIDI(rue du Cours)
PAUL et DAVID attachent leurs vélos à un poteau de sens interdit a l'aide d'un cadenas.
Ils s'engouffrent dans la "Via della Croce"(rue de la Croix).
Leurs ombres déambulent.
PAUL
Pour moi, ce qu'il y a de plus érotique c'est le derrière.
DAVID
Moi, je ne crois pas. Regarde au Lycée, si j'avais envie de faire pipi, j'ouvre ma braguette: c'est là que je suis érotique.
PAUL
Peut-être, mais il n'en demeure pas moins que regarder le derrière d'une fille c'est mieux que tout.
DAVID
T'es amoureux ?
Les deux enfants marchent dans la rue très dignement, sans complexe, une rue sans bruit où les passants se croisent en ombres allongées sur le sol; une voiture attelée passe et les ombres des piétons se retournent.
PAUL
C'est un secret. Tu vois, j'aime DOMIZIA...
DAVID
Pas possible, moi aussi.
PAUL
Tu l'aimes plus que moi-même ?
DAVID
Je ne sais pas comment tu l'aimes !
PAUL
Ce n'est pas ce que je veux dire. Est-ce que tu l'aimes plus que tu m'aimes ?
DAVID
Je ne crois pas.
Les deux enfants arrivent à la Place d'Espagne. Ils vont boire à la fontaine qui a la forme d'un bateau.
Enfin, ils vont s'asseoir sur les marches de l'escalier de la Trinité des Monts.
PAUL
Ben, moi non plus.
DAVID
On arrête avec elle. D'accord ?
PAUL
O.K.
DAVID
Et pourtant, je voulais me marier avec elle.
PAUL
Moi aussi ...Comment tu vivras quand tu seras marié ?
DAVID
On vivra tout nu, toute la journée et puis la chambre ça sera un énorme lit ...A la place du carrelage.
PAUL
..Oui, tu as raison; ça sert à quoi les vêtements. C'est chiant à mettre.
Devant l'escalier, des voitures à cheval passent et repassent pendant cette discussion.
FONDU AU BLANC
46 - EXT. - ALLÉE DE GRAVIER - JOUR
Des enfants assis sur une carriole sicilienne tirée par de petits chevaux avancent à grand bruit sur la petite allée bordée de cyprès.
La charrette tourne au fond de l'allée et revient sur ses pas.
Un enfant tient les rênes, il est assis,un peu plus haut que les autres, sur un siège rouge. I1 fait marcher au pas les quatre petits chevaux.
La carriole se dirige vers l'entrée d'une grande maison, sorte de ferme, devant laquelle d'autres enfants attendent la charrette pour monter à leur tour.
Une DS noire arrive sur la gauche, avant que les petits chevaux n'aient atteint les enfants rassemblés.
Deux enfants descendent : DAVID et PAUL.
DAVID ouvre le coffre, tend à :PAUL un long paquet qu'il sort du coffre et retire à son tour un énorme paquet.
PAUL ferme violemment le coffre.
Tous les enfants de la charrette sicilienne sont descendus, d'autres sont montés.
Une petite fille brune, habillée en robe de velours rouge, collerette de dentelle sort de la maison.
EN VOIX OFF, la DS repart.
PAUL et DAVID se dirigent vers elle.
PAUL et DAVID
Ciao DOMIZIA *(Salut DOMIZIA ! )
DOMIZIA
Come sono contenta. Avete trovato senza difficolta' ? *(Comme je suis contente. Vous avez trouve sans trop de difficulté ?)
DAVID et PAUL lui tendent le présent.
0 Grazie ! Cos'è ? *(Oh, Merci ! Qu'est-cé?)
PAUL
Apri e guarda. *(Ouvre et regarde)
DOMIZIA ouvre le gros paquet : c'est une énorme boule en plastique vert, surmontée d'un manche noir auquel il faut se tenir pour sauter dans les airs.
Elle embrasse DAVID.
Elle ouvre le très long paquet : c'est une tige métallique affublée d'un ressort pour sauter comme un kangourou.
DOMIZIA
Mamma, Mamma, guarda cosa mi hanno portato PAOLO e DAVIDE ! *(Maman, maman, regarde ce que m'ont offert PAUL et DAVID !)
La petite fille entre dans la maison avec ses cadeaux. Elle se retourne.
Venite, stiamo preparando i giochi. "(Venez, on prépare les jeux.)
PAUL et DAVID entrent dans la maison.
FONDU AU NOIR PUIS FONDU ENCHAÎNÉ
47 - EXT. - AUTOUR DE LA PISCINE - APRÈS-MIDI
Sous l'eau de la longue piscine, des mosaïques dessinent une gorgone.
Autour de la piscine, des cris d'enfants; on entend des "dai", des "coraggio"; des "devi"(vas-y, courage, tu dois).
On découvre trois rangs d'enfants gesticulant.
Devant eux, à une moyenne distance, trois énormes bassines de couleurs différentes.
Chacun à leur tour, les enfants partent en direction d'une des bassines en transportant de l'eau dans une assiette plate. Evidemment, il faut éviter d'en perdre en route.
Le jeu se termine. Une grande et belle dame, bien habillée, s'approche des récipients.
LA DAME
Hanno vinto i rossi ! "(Les rouges ont gagné !)
Sauts de joie des enfants qui ont gagné.
LA DAME
Adesso, i ragazzi che hanno vinto devono gareggiare in piscina. Un'andata ed un ritorno.
*(Maintenant, les enfants qui ont gagné doivent concourir à la piscine. Une allée et un retour.)
Très vite, les enfants qui ont gagné se déshabillent. PAUL, qui est pourtant parmi les vainqueurs, reste habillé. I1 s'approche de la DAME.
PAUL
Signora, la mamma mi ha proibito di andare in acqua. Ci andra' DAVIDE a posto mio. *(Madame, maman m'a interdit d'aller dans l'eau. DAVID ira à ma place.)
LA DAME
Intesi. -x(Entendu.)
PAUL rejoint DAVID qui s'est placé, comme les autres enfants, autour de la piscine.
PAUL
Vas-y a ma place. Je n'ai pas le droit de nager.
DAVID
Quelle chance pour moi !
Les enfants se sont mis en position de plonger, il ne manque que DAVID qui arrive en maillot de bain et prend place. Parmi les concurrents, on reconnaît DOMIZIA.
La mère de DOMIZIA se place sur le côté de la piscine, elle tient un revolver à la main.
Le coup de revolver part. Les enfants plongent.
Les enfants au bord de la piscine regardent dans le ciel une boule rouge qui explose en feu d'artifice.
Dans l'eau, une dizaine d'enfants nagent rapidement.
Un petit garçon d'environ huit ans s'approche de PAUL.
LE GARCON
Pourquoi tu n'es pas allé nager ?
PAUL
Je ne peux pas, j'ai eu un accident à la tête.
LE GARCON
Et alors, vas-y. C'est rien.
L'enfant fait mine de pousser PAUL à l'eau.
PAUL
Laisse moi
Le GARCON continue de provoquer PAUL.
LE GARÇON
Je suis sûr que c'est parce que tu ne sais pas nager
PAUL se retourne et envoie une forte gifle dans le nez du garçon.
Celui-ci, tout surpris par le coup, s'en va en courant.
les enfants ont terminé leur parcours dans l'eau.
Une petite fille blonde sort de la piscine : c'est la victorieuse.
La mère de DOMIZIA lui tend une serviette et les enfants spectateurs se dirigent vers elle. Petit à petit, tous les enfants sortent de la piscine. La mère de DOMIZIA tend un petit paquet à la petite fille.
La petite fille ouvre le paquet : c'est un miroir entouré de verre de MURANO. Elle remercie et se dirige vers ses vêtements.
PAUL s'est approché de DAVID.
PAUL
C'est PASCALE qui a gagné.
DAVID
Et qu'a t'elle gagné ?
PAUL
Une glace entourée de papillons et de fleurs de couleur.
DAVID
Alors, on n'a rien perdu . ...et DOMI ZIA, elle est arrivée combientième ?
PAUL
Je croyais qu'on ne devait plus parler d'elle.
DAVID
Mais, PAUL, c'est seulement comme ça.
La mère de DOMIZIA est en train de parler au petit garçon que PAUL a frappé.
Elle s'en va à l'intérieur de la maison avec lui.
PAUL
Merde, il est allé cafter. Je lui ai mis un coup dans la figure.
Les enfants qui étaient dans l'eau sont tous rhabillés. On entend de la musique.
Certains enfants se mettent à danser.
PAUL et DAVID invitent des petites filles.
DAVID a choisi PASCALE.
PAUL danse avec une petite fille blonde lui aussi.
PAUL
Comment t'appelles-tu ?
LA PETITE FILLE
Nathalie ...et toi ?
PAUL
PAUL ...Tu es une amie de DOMIZIA ?
NATHALIE
Oui, tu sais ce que ses parents ont découvert au fond du parc ?
PAUL
Non.
NATHALIE
Un tombeau étrusque.
PAUL
Qui te l'a dit ?
Les enfants enlacés passent près de DAVID et PASCALE.
PAUL s'adresse à DAVID.
PAUL
I1 parait qu'il y a un tombeau étrusque. Ca vous va d'y aller ? (se retournant vers NATHALIE) Tu sais où il est ?
NATHALIE
Oui.
DAVID (à PAUL)
On attend la fin de la danse et on y va.
DAVID et PASCALE dansent.
VOIX OFF de PAUL : "D'accord."
PASCALE
Et que va-t'on y faire ?
DAVID
On va visiter ...On devrait y jouer au jeu de la vérité.
Le morceau de musique touche à sa fin.
La mère de DOMIZIA revient dans le jardin et s'approche de PAUL.
LA MERE
PROLO, devi andare a scusarti. Quello che hai fatto è molto male. Perche lo hai picchiato ? *(PAUL, tu dois aller t'excuser. Ce que tu as fait, c'est très mal. Pourquoi l'as-tu frappé ?)
PAUL
Gli ho dato un semplice schiaffo perchè mi voleva buttare in acqua e non andro' a scusarmi per niente. *(Je lui ai donné une simple baffe parce qu'il voulait me jeter dans l'eau, et Je n'irai pas m'excuser, pour rien.)
LA MERE
Ma sanguina dal naso. *(Mais il saigne du nez.)
PAUL
Cosi' s'impara. Noi andiamo a fare un giretto...Se mai dopo... *(Comme ça il apprendra. Nous, on va faire un tour...Si jamais – il saigne toujours - après...)
Les quatre enfants s'en vont en longeant la piscine.
DAVID s'empare d'une bouteille vide de COKE sur le rebord.
Ils rejoignent le bois d'oliviers tordus au son de "Porque te vas ?"
FONDU ENCHAÎNÉ
48 - EXT - TOMBEAU ÉTRUSQUE - APRÈS-MIDI
Le petit groupe d'enfants, guidé par NATHALIE, arrive devant une petite colline.
Au sommet de la colline, sur la petite pointe, un olivier a poussé.
NATHALIE
Il faut chercher l'entrée.
Le petit groupe se sépare
PAUL se dirige vers la gauche,
DAVID gravit la colline,
NATHALIE va vers la droite,
et PASCALE regarde DAVID monter sur le "gros talus".
DAVID
...J'ai trouvé !
Peu après, les trois autres enfants le rejoignent.
C'est une sorte d'ouverture de laquelle descend toute une série de marches au fond, une sorte de porte.
L'un après l'autre, les enfants descendent.
49 - INT. - TOMBE ÉTRUSQUE - APRÈS-MIDI
Dans le noir, on entend
NATHALIE
I1 y a une lampe de poche à droite. Cherchons-la.
Quelques menus bruits...
Une lumière s'allume, c'est DAVID qui l'a trouvée, il la braque sur son visage qui s'éclaire.
PAUL
Eclaire voir autour de nous !
Le faisceau de la lampe est projeté tout autour dans la tombe.
Au mur, des boucliers, des lances, des sandales, ont été sculptés.
Une sorte de banquette entoure la salle obscure.
DAVID
Quand on a été à CERVETERI, le guide nous a dit que c'était sur ces banquettes que l'on enterrait les esclaves ...Ces deux-là,(un peu plus haut, au centre) ce sont celles du mort et de sa femme.
PAUL
C'est beau, hein ?
PASCALE et NATHALIE
Oui.
DAVID
Alors, ça vous va de jouer au jeu de la vérité ?
LES AUTRES
Oui, c'est d'accord.
Les enfants s'installent en cercle au milieu de la tombe. DAVID tend la bouteille. PAUL la fait tourner .
...Un temps ...et le goulot de la bouteille indique NATHALIE.
PAUL
As-tu un secret ?
NATHALIE (après avoir réfléchi)
Oui.
PASCALE
C'est quoi ?
NATHALIE
C'est pas juste de commencer par moi...
DAVID
De toute manière, on y passera tous...Alors...T'as pas le droit de mentir car ici c'est sacré.
NATHALIE
On est quatre enfants à la maison... Moi, je suis l'aînée...Quand on est arrivé à ROME, pour la première fois, on était dans le train...les parents, ils voyageaient avec les poissons, dans un compartiment. Mon père a eu mal à la tête, alors il a pris une aspirine ...et il l'a mise dans le bocal à poisson ...Ils ont réussi à sauver trois des quatre poissons, sauf celui que je préférais ...Alors, depuis, j'ai toujours cru que je devais mourir à ROME ...Voilà.
DAVID
A toi, PAUL.
PAUL
Un secret..et bien sûr que tu ne connais pas ...Ah oui ! C'est un truc ...J'ai honte. Il y a un an, au Colle Oppio -c'est le jardin où je vais - je suis tombé de vélo. J'étais allé avec ANDREA, mon voisin, et sa mère qui nous gardait. Je m'étais ouvert le genou et ça saignait, ça saignait ...La mère arrive en courant, elle me dit de venir vite à la maison pour désinfecter et vous savez ce que je lui ai répondu ? "moi, je suis pas comme vous autres, italiens, qui sortez vos enfants en chaussettes blanches, un peu d'eau de la fontaine et il n'y aura plus rien." Elle m'accompagne à la fontaine et là, pendant que je mettais de l'eau sur la blessure, je vois la dame en larmes. Voilà...
...Finalement, le soir, on a dû m'amener "al pronto soccorso"(service des urgences)pour me mettre trois points ...à vif.
DAVID
Maintenant, c'est à PASCALE...
PASCALE
...Moi, j'étais malade...au cours de la nuit, je me suis réveillée, j'avais une très forte fièvre, mon chien dormait sur mon lit et... J'avais une envie ...il y avait sa longue oreille - comme ça : la tête ici, l'oreille sur le côté - je voulais écarter la peau qui entoure l'oreille et entrer à l'intérieur. Je voulais manger de l'intérieur la chair. Il a grogné, alors je suis allée dans la salle à manger - il y avait un gros bouquet de fleurs sur la table, alors j'ai essayé, avec le pétale d'une des fleurs, sans le détacher, j'ai essayé de rentrer dedans... Voilà...
PAUL
Et alors ?
PASCALE
...Je raconterai la suite au prochain tour ...c'est à toi.
DAVID réfléchit un instant, regarde PAUL, comme s'il allait lui livrer quelque chose d'important, puis
DAVID
Mon secret à moi, c'est que je veux devenir président de la république ...en fait, je préfèrerais Otre roi ou empereur, mais...
PAUL (coupant la parole)
Ca. tu me l'as déjà dit. Trouve un autre secret I
DAVID
Sais-tu où je pense à ça, où je rêve à ce projet ?
PAUL
Non. Où ?
DAVID
C'est ça; mon secret ...Et bien, c'est aux toilettes.
Les quatre enfants rient.
VOIX OFF de PASCALE : "PAUL, tourne la bouteille."
FONDU AU NOIR
50 - EXT. - PISCINE - APRÈS-MIDI
Quelques enfants jouent dans l'eau avec un ballon en plastique.
D'autres dansent maladroitement au son d'une musique Rock, autour de la piscine.
La mère de DOMIZIA sort de chez elle.
LA MERE
DOMIZIA ! DOMI !
La fillette arrive en courant vers sa mère.
DOMI ZIA
Che c'è ? *(Qu'est-ce qu'il y a ?)
LA MERE
Devi cercare DAVIDE. Devono tornare col tassi'...Ha telefonato la mamma sua ...l'autista non puo' venirli a prendere.
*(Tu dois aller chercher DAVID. Ils doivent rentrer en taxi ...Sa mère a téléphoné. Le chauffeur ne peut pas venir les chercher.)
DOMI ZIA
D'accordo...Come stà FILIPPO ? *(D'accord ...Comment va Philippe ?)
LA MERE
Meglio. Chiede scusa a PAOLO. *(Mieux, il s'excuse auprès de PAUL.)
DOMIZIA s'en va en courant dans la direction du champ d'oliviers.
FONDU AU NOIR
51 - EXT. - PISCINE - APRÈS-MIDI
La mère de DOMIZIA couvre une table d'un foulard de soie blanche.
Autour de la table, les enfants rassemblés.
LA MERE
Allora, cosa c'era sotto...Voyons, vous allez me dire les objets qui sont dessous. A te, EDUARDO. (A toi, EDOUARD.)
EDUARDO
Una mina-sveglia... un fazzoletto... una matita...una mela...una gomma.. .una forchetta...delle cartucce...
*(un mini-réveil...un mouchoir..... un crayon...une pomme ...une gomme.. .une fourchette ...des cartouches..)
UNE PETITE FILLE (l’interrompant)
Tre cartucce e una d'inchiostro rosso. *(trois cartouches et une d'encre rouge.)
EDUARDO
Si..e poi c'era...un libretto... una scatoletta di fiammiferi... *(Oui...et puis, il y avait ...un petit livre ...une boite d'allumettes.)
Au loin, derrière EDUARDO, sortant de la masse des oliviers toscans, quatre silhouettes, celles de NATHALIE, DAVID, PAUL et PASCALE, qui reviennent vers la piscine.
En VOIX OFF, on entend les enfants qui, chacun à leur tour, ou en même temps, rajoutent les éléments du puzzle d'objets à mémoriser qu'EDUARDO avait omis de dire.
La mère de DOMIZIA se retourne et regarde les enfants qui reviennent.
LA MERE
Finalmente.
Elle s'approche de PHILIPPE (le petit garçon qui a reçu le coup de poing.)
LA MÈRE
Vai !(Va !)
Le garçonnet marche en direction du groupe d'enfants.
La mère regarde avec joie ce qui va se produire(réconciliation entre PAUL et PHILIPPE.)
Devant elle, évoluent en avant-plan, des enfants qui rebondissent sur la grosse boule verte en plastique, le jeu consiste à se jeter dans la piscine après avoir pris son élan.
PHILIPPE et PAUL font la paix solennellement en se serrant la main.
La mère va au devant d'eux.
LA MERE (en français)
DOMIZIA n'est pas avec vous ?
DAVID
Non, pourquoi ?
LA MERE
Elle est allée vous chercher, votre mère a téléphoné ...Vous devez rentrer en taxi. Je vais en appeler un.
La mère se dirige vers l'entrée de la maison.
NATHALIE s'approche de la table recouverte du foulard.
NATHALIE
Ragazzi !...Un grande gioco ! Dobbiamo ritrovare DOMI ZIA ! *(Les enfants ! Un grand jeu! Nous devons retrouver DOMIZIA !)
En VOIX OFF : des "vers où est-elle allée ?" ..."pourquoi ?" ..."D'accord !"
Chiedetelo alla Mamma sua. *(Demandez-le à sa maman.)
Les enfants s'éparpillent.
Certains, parmi les autres, demeurent et jouent autour de la piscine.
D'un geste rapide, DAVID découvre la table : sous le foulard de soie, les divers objets précités.
La mère revient.
LA MERE (à PAUL)
Sta venendo. *(Il arrive.)
PAUL
Grazie di tutto, Signora. Arrivederla. *(Merci pour tout, Madame, au revoir.)
Les deux enfants quittent le lieu après avoir salué certains enfants demeurés près de la piscine.
En VOIX OFF : la sonnerie du téléphoné retentit.
Une domestique, en tablier blanc sur une robe noire, sort de la maison.
LA DOMESTIQUE
La vogliono al telefono. *(C'est pour vous.)
LA MERE
Arrivo.(à un des enfants) Si, è andata da quella parte. -x(J'arrive. Oui, elle est allée par là.)
La mère de DOMIZIA se dirige vers l'entrée de la maison.
52 - INT. - SALON - APRÈS-MIDI
C'est une haute pièce avec quelques meubles anciens, une tapisserie, qui représente l'Archange Saint Michel pourfendant le dragon de sa lance, est accrochée sur un des murs.
Sur les autres: un tableau de Picasso et un tableau de Marie Laurencin :"Guillaume Apollinaire et ses amis".
Au centre de la pièce, entourée de fauteuils Louis XV et de fauteuils Art Déco, une table de verre, ronde à pied d'oiseau, décorée avec des yeux de paon.
La mère de DOMIZIA traverse le salon et prend le combiné sur la table.
LA MERE
Pronto ? *(Allo.)
LA VOIX (une voix sourde)
Sua figlia è stata rapita... Aspetti nuove informazioni. Non une parole alla polizia. *(Votre fille a été enlevée... Attendez de nouvelles informations ...Pas un mot à la police.)
CLIC !
Un flot de larmes coulent fiévreusement des yeux de la mère de DOMIZIA. Elle prend sa tête à deux mains, se calme puis se lève et se dirige vers l'entrée et crie à un enfant qui joue à l'extérieur avec le kangourou en métal
LA MERE
DOMIZIA ha chiamato, sta da un vicino. Va a cercare gli altri. -x(DOMIZIA a appelé, elle est chez un voisin, va chercher leva autres.)
FONDU AU NOIR
53 - EXT. - INT.- TAXI SUR L'AUTOROUTE A1(vers ROME) - SOIR
A l'arrière du taxa., PAUL et DAVID.
DAVID
Regarde, on arrive à ROME.
PAUL
On va prendre l'Appia Antica... T'as pas l'impression que toutes les collines qu'on voit sont des tombeaux étrusques ?
DAVID
Peut-être; il faudrait creuser.
FONDU ENCHAINE
54 - INT. - EXT. - TAXI (VIA APPIA ANTICA) - SOIR
Des ampoules de lumières de différentes couleurs éclairent les dalles romaines de la voie. C'est un vendeur de "porchetta"(cochon rôti près duquel quelques voitures sont en stationnement.
DAVID
J'adore ça.
Le tombeau de Cecilia Metella se devine sur la droite, au milieu des hauts cyprès.
PAUL
...je crois que je vais faire un dessin à NATHALIE.
DAVID
Tu es amoureux ? Hein, que tu es amoureux !
PAUL
Un peu ...Elle est plus jolie que DOMIZIA.
DAVID
Oui. PASCALE aussi.
On a eu raison pour DOMIZIA . ...Tiens, regarde la Mercédès.
Devant eux, les feux de détresse d'une Mercédès. Un homme est en train de changer le pneu arrière de la voiture.
Le taxi s'arrête derrière car une voiture arrive en face et il n'est pas possible de passer à deux tant la voie est étroite.
DAVID
I1 y a deux types assis derrière . ...Ils pourraient aider le chauffeur.
PAUL
On dirait qu'il y a un enfant entre eux.
Le taxi redémarre et dépasse la voiture. PAUL et DAVID regardent devant eux alors que dans la voiture on reconnaît DOMI ZIA .
FONDU ENCHAINE
55 - EXT. - INT. - TAXI - SOIR
Le taxi jaune roule dans Via Giulia et tourne à gauche.
VOIX OFF de PAUL "Tu sais, tout à l'heure ?"
DAVID
Quoi ?
PAUL regarde DAVID.
PAUL
Tout à l'heure, à la piscine... Quand tu as pris ma place pour nager.
DAVID
Et bien ?
PAUL
C'est pas parce que maman m'a interdit de nager ...Tu comprends, même si on m'avait interdit, j'l'aurais fait quand même.
Le taxi a longé le Palais Farnèse et tourne maintenant sur sa droite .
...C'est parce que je ne sais pas nager.
DAVID
Voilà pourquoi tu refuses toujours de venir à la piscine avec moi...
Le chauffeur de taxi pile net son taxi.
Les deux enfants le regardent, étonnés.
Le chauffeur sort furieusement du taxi et se trouve dans le faisceau des feux de sa voiture, se penche, semble faire un effort surhumain et soulève une masse sombre: un jeune homme aux cheveux longs que le chauffeur projette avec violence sur l'espèce de banc en marbre blanc le long de la façadé du Palais Farnèse*
Le jeune homme se secoue légèrement sur le banc.
Le chauffeur lui lance un plaid en laine à croisillons rouges et noirs.
Le chauffeur du taxi remonte dans son véhicule, claque la porte.
LE CHAUFFEUR
Quello si faceva investire ! Non sopporto i drogati
DAVID
Qu'est-ce qu'il a dit ?
PAUL
...Que le type, il allait se faire écraser et qu'il ne supporte pas les drogués.
Le taxi s'arrête devant l'entrée du Palais Farnèse*
Un homme -JOSEPH- en sort et se montre à la vitre du taxi.
JOSEPH
Quant'è ?
LE CHAUFFEUR DU TAXI
Due mila e cinque...
*(Deux mille cinq cents.)
Les deux enfants descendent du taxi.
JOSEPH paye.
VOIX OFF du CHAUFFEUR DE TAXI : "Grazie."
FONDU AU NOIR
DANS LE NOIR, ON ENTEND EN VOIX OFF, UNE VOIX MASCULINE QUI SORT D'UNE RADIO
"Questa mattina, la polizia è etata avvertita dal servizio della nettezza urbana; il corpo della piccola DOMIZIA PATTI, rapita il 2 Giugno, è stato ritrovato in uns, pattumiera in Via del Babuino. Cosi' si conclude la doloratissima vicenda..."
*(Ce matin, la police a été avertie par le service de nettoyage de la ville; le corps de la petite DOMIZIA PATTI, enlevée le 2 Juin a été retrouvé dans une poubelle, Rue du Babouin. C'est ainsi que se termine cette triste affaire...)
FONDU SONORE
56 - INT. - ÉGLISE DE SAN LUIGI DEI FR.ANCESI (ST. LOUIS DES FRANÇAIS) - MATIN
Debout, devant le micro, un gros prêtre revêtu d'une soutane pour officier, parle.
On reconnaît le prêtre qui mangeait à la droite de PAUL lors du déjeuner au Palais Farnèse.
Derrière lui, dans l'hémicycle entourant l'autel, une dizaine de prêtres en chasuble écoutent.
LE PRÊTRE
En ce triste jour, qui nous réunit autour de toi, Seigneur, donne courage et force à cette famille si cruellement touchée. Nous, qui de près, connaissions la victime, nous partageons leur peine. Oui, je connaissais la petite DOMIZIA personnellement. Je me souviens qu'elle écoutait très attentivement les cours d'instruction religieuse que je prodigue encore à ses petits camarades, que je remercie d'être venus aujourd'hui, un des premiers jours de vacances d'été, pour assister à la cérémonie funèbre de DOMIZIA.
Au premier rang, la famille de la victime : on reconnaît la MERE de DOMIZIA, vêtue en noir, un chapeau noir sur la tête, et une voilette devant le visage.
Derrière elle, des personnalités vêtues de couleurs sombres.
Assis, en train d'écouter, les enfants de la classe de DOMIZIA au complet.
On reconnaît PAUL et DAVID, assis côte à côte.
Derrière eux, les parents des enfants qui sont venus assister à l'office funèbre. On reconnaît la Mère et le Père de PAUL ainsi que les parents de DAVID.
LE PRÊTRE
Cette cérémonie qui nous rassemble est comme un signe, elle nous commande, comme notre. Seigneur, JésusChrist, de pardonner aux criminels. Je sais, cela est dur, mais notre Sauveur n'a-t'il point dit : "Seigneur, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font!" Ce que l'Evangile d'aujourd'hui nous enseigne c'est de croire à cette résurrection qui nous réunira tous au jour du Jugement dernier. Ainsi, vous, legs parents de cette chère enfant élevée dans la foi de notre Eglise, vous retrouverez votre petite fille morte dans l'innocence de son âge et qui siège avec Jésus à la droite du Père, veillant à votre salut...
Pendant le prêche du prêtre, PAUL fixe de son regard le cercueil d'ébène peint en blanc, posé sur deux tréteaux au centre de la travée, près des deux marches qui mènent au choeur.
De part et d'autre, tout est noir, sombre; le cercueil blanc détonne dans cet univers obscur.
Le regard de PAUL se brouille, et la voix du prêtre s'affaiblit.
Seule la couleur blanche du cercueil envahit tout l'ÉCRAN.
Les poignées argentées sur le bord du cercueil.
FLOU
57 - EXT - PENTE ENNEIGÉE - MATIN (BROUILLARD)
Un blanc violent.
Du brouillard tout autour.
Un bruit : une silhouette sombre semble tomber.
Elle tombe.
C'est PAUL qui tient de toutes ses forces un tire-fesses de ses deux mains.
Le fil en métal avance devant lui et tire.
PAUL ne le lâche pas.
On devine autour de lui les contours voilés des sapins qui bordent la piste de la remontée mécanique.
La peau du dos dénudé de PAUL : la neige pénétré à l'intérieur du pantalon.
PAUL perd un gant.
Ses mains s'agrippent à la rondelle de caoutchouc.
Le brouillard se dissipe légèrement : une masse sombre apparaît un peu au-dessus.
C'est un pilonne.
Bruit métallique du fil métallique du tire-fesses qui passe le pilonne. Le pilonne disparaît dans le brouillard.
Une masse noire apparaît, plus imposante, un peu plus haut, à PAUL.
C'est la fin du Skilift.
PAUL lâche le tire-fesses qui s'enroule dans un bruit de ressort.
PAUL est couché dans la neige, exténué, et
de la neige se met à tomber.
PAUL se retourne: la silhouette d'un homme derrière lui, attaché à la perche.
C'est JEROME qui lui tend son gant et ses bâtons de ski.
FLOU
58 - EXT. - INT. - ÉGLISE DE SAN LUIGI DEI FRANCESI - MATIN
Le regard de PAUL apparaît : il est toujours ailleurs.
Des gros flocons de neige tombent dans l'église. Seul PAUL semble s'en rendre compte.
Et l'orgue entonne une fugue de Bach.
DAVID se retourne vers le balcon d'où provient la musique.
PAUL regarde les dix prêtres en train d'officier autour de l'autel. Les bras tendus au-dessus d'une coupe en or.
Ils marmonnant des mots que l'on entend confusément.
La Mère de DOMIZIA pleure.
FONDU ENCHAÎNÉ
Les prêtres, toujours sous la neige, bénissent avec de l'eau le cercueil de DOMIZIA.
Puis, les uns après les autres, se dirigent vers la sortie.
Quatre hommes vêtus de noir s'emparent du cercueil et traversent l'église.
Les enfants s'engagent juste après.
Sur un des piliers de l'église, une plaque de marbre à la mémoire de Monsieur POUBELLE, ancien ambassadeur de FRANCE à ROME.
A l'extérieur do l'église, il fait beau.
Une Mercedes des pompes funèbres.
On a placé le cercueil à l'intérieur, dans le coffre.
Les enfants, les uns après les autres, lancent des fleurs à l'intérieur de la voiture.
PAUL lance un dessin : deux hirondelles.
Le convoi s'ébranle.
Un long et interminable convoi funèbre, tout noir.
PAUL
Tu as la caméra ?
DAVID
Oui. Tiens, la voilà.
PAUL retire le protège-objectif, sort du rang des enfants et commence à filmer. Dans le viseur, la rue apparaît recouverte de neige et le cortège avance au ralenti.
FONDU AU BLANC
59 - EXT. - JARDIN DU PALAIS FARNÈSE - NUIT
Il fait nuit de pleine lune.
Le jardin aux orangers est couvert de neige.
HORACE (le chien de DAVID) court dans la neige.
DAVID secoue un à un les arbres couverts de neige.
HORACE tourne autour de lui frénétiquement.
On entend en VOIX OFF DAVID :"il faut que je lui dise... il faut ...lui dire ...Lui dire, lui dire..."
EN SURIMPRESSION apparaît le visage de DAVID, il dort dans un lit et rêve en bougeant.
La neige tombe des arbres, laissant voir les oreanges mûres de l'hiver.
60 - INT. - CHAMBRE DE PAUL - NUIT
PAUL se lève brutalement de son lit.
Allume la lampe de chevet.
I1 tremble de tous ses membres, fait quelques pas et vomit sur les dessins(des étoiles) du pavement de marbre.
FONDU ENCHAÎNÉ
61 - EXT. - JARDIN DU PALAIS FARNÈSE - NUIT
DAVID secoue un autre oranger. La neige scintille autour de lui.
SURIMPRESSION
62 - INT. CHAMBRE DE DAVID - NUIT
DAVID se réveille en sueur.
Son cauchemar est terminé. I1 se lève, après avoir allumé la lumière, va à sa table, sort une feuille de papier et écri
M 0 N C H E R P A U L,
Après un instant de réflexion, il déchire la feuille
et prend sa tête à deux mains.
FONDU ENCHAI NE
63 - INT. - CHAMBRE DE PAUL - NUIT
PAUL s'est recouché, il tousse nerveusement.
Les yeux ouverts.
FONDU AU NOIR
64 - EXT. - PIAZZA DEI, CAMPO DE' PIORI (Place du champ des fleurs) - APRÈS-MIDI
Un flot d'hommes, de femmes et d'enfants sortent du CINÉMA PARMI.
DAVID et PAUL s'arrêtent devant la sortie.
A l'affiche, un film de TOTO.
PAUL et DAVID regardent les photos du film accrochées derrière des vitres.
DAVID
Viens, on va s'asseoir là-bas.
Les deux enfants traversent la place et vont s'asseoir au pied de la statue de GIORDANO BRUNO.
Derrière eux, des femmes et des hommes rangent.
C'est le marché aux fleurs qui plie bagage : des tas de fleurs entourées de cordes sont mises dans des camionnettes, les planches de bois qui servaient de tables, retirées des tréteaux,.que l'on plie et que l'on adosse aux parasols multicolores.
DAVID
Je dois te dire quelque chose.
PAUL
Moi aussi.
DAVID
Vas-y en premier.
PAUL
Non, toi avant.
DAVID (très sérieux)
Non, après toi.
PAUL
Voilà ...Hier, après l'enterrement, je me suis couché. Au milieu de la nuit, je me suis mis à tousser comme un malade. Après avoir dégobillé, je me suis recouché et j'ai vu DOMIZIA...C'est comme si je la voyais encore ..... J'avais l'impression qu'elle me disait: "Viens ! Viens!"...tu comprends, elle me parlait, elle m'attirait...Et j'avais si peur, en même temps, j'avais envie de la suivre ...C'était horrible et beau, un rive les yeux ouverts. Qu'est-ce que tu aurais fait ?
DAVID
Tu es star de l'avoir bien vue ?
PAUL
Puisque je te le dis !
DAVID
Et bien, je pense que tu as bien fait de ne pas la suivre.
PAUL
Pourquoi ?
DAVID
Parce que tu ne serais peut-être pas revenu.
PAUL
Tu crois ?
DAVID
Oui. Et aujourd'hui, pas de cinéma ...pas de film ! Au fait, à part les gags, j'ai rien compris. Dans ce pays, tout est toujours en italien !
PAUL
Ben, on est en ITALIE
I1 ne reste plus personne sur le marché aux fleurs. Les camionnettes partent les unes après les autres.
Un gros cercle orange : le soleil qui se couche, apparaît dans le coin de la place.
Des hommes. habillés en costumes d'été, sortent des maisons qui entourent la place.
Des femmes, habillées en robe du soir, arrivent de part et d'autre du cinéma "Farnèse".
Les enfanta sont assis au pied de la statue rouge de soleil. Ils ne s'en aperçoivent pas.
PAUL se lève et se met à marcher tout autour de la statue en regardant le visage de GIORDANO BRUNO.
PAUL
Et toi, qu'est-ce que tu voulais me dire ?
DAVID
PAUL ... PAUL !
PAUL (tout en tournant)
Oui !
DAVID
Arrête un peu ...Tu m'énerves à tourner comme ça.
PAUL (s'arrêtant devant DAVID)
Alors, qu'est-ce que tu voulais me dire ?
DAVID (très sérieusement)
Voilà ...Hier, j'ai fait un cauchemar: j'étais dans le jardin avec Horace... I1 y avait de la neige partout et je secouais les orangers couverts de neige...pour que les oranges ne gèlent pas.
Le disque du soleil couchant éclaire la place. Il est énorme.
PAUL écoute attentivement.
Je me suis réveillé et je répétais "il faut lui dire". Ca s'adressait à toi.
PAUL
A moi ?
DAVID
Oui, à toi ! Tu te souviens, il y a un mois, chez DOMIZIA, dans le tombeau étrusque, on a joué au jeu de la Vérité ?
PAUL
Oui. Et bien ?
DAVID
Quand ça a été mon tour, j'ai hésité, puis j'ai raconté à quoi je pensais aux toilettes. Et bien, ...je voulais te dire un secret (DAVID a les larmes aux yeux)...Mais j'ai pas pu, je n’ai pas osé ...parce que j'avais promis à mon Père...
Les personnes marchent au milieu de la place, de long en en large. Les deux enfants sont comme seuls au milieu de ces statuent vivantes.
PAUL ...mon père est nommé à BRASILIA...On quitte ROME.
PAUL regarde son ami intensément, les yeux rouges.
FLOU sur DAVID.
VOIX OFF de PAUL : "tu veux dire qu'on se verra plus"
Tous les adultes qui marchaient autour d'eux se masquent.
Dans le FLOU, la Mercedes des pompes funèbres traverse la place au pas d'homme. Derrière le chauffeur, un cercueil blanc.
Les masques se placent en file derrière la voiture.
DAVID se lève, s'approche de PAUL.
I1 sort un paquet de sa poche et le tend à PAUL.
DAVID
C'est mon cadeau d'adieu.
PAUL déchire le papier du paquet
PAUL regarde la caméra avec joie.
PAUL
On se reverra ?
DAVID rejoint le cortège funéraire.
PAUL le suit, la caméra au poing.
c'est la caméra de DAVID.
DAVID
Au BRÉSIL ou en EUROPE.
DAVID s'arrête et se retourne.
Le Palais Farnèse est devant lui, il s'y rend.
PAUL le suit du regard,
derrière le viseur.
La neige commence à tomber, PAUL se retourne alors vers l'arrière du cortège qui avance sous la neige.
Tous les adultes sont déguisés (les mêmes déguisements que les enfants au début du film).
PAUL marche derrière eux.
Les couleurs disparaissent peu à peu, faisant place au NOIR e t BLANC.
Le déroulant du générique de Fin s'inscrit sur l'écran.
L'IMAGE S'IMMOBILISE.
F I N