" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique.
Genèse d’un film.
V. 5. Le mixage
Il faut encore évoquer l’opération indispensable du mixage. Après le montage son, j’ai obtenu l’autorisation d’utiliser la salle de mixage, située dans le Musée de l’Homme, au Comité du Film Ethnographique.
On accède derrière l’écran de projection à cette petite salle qui m’a-t-on dit, servait à la résistance sous l’occupation, avant d’être transformée en salle de mixage.
Le mixage d’un film est une opération délicate: il est indispensable de s’entendre avec le mixeur. J’ai eu la chance, grâce à Jean Rouch, de pouvoir être mis en contact avec François Didio, qui travaille au C. N. R. S. . Celui-ci m’a fait découvrir la salle et m’a expliqué comment on procède techniquement à l’opération du mixage. J’avais apporté mon film, et les trois bandes sons, s’y rattachant.
Cette opération m’inquiétait beaucoup. En fait, c’est plus simple qu’il n’y parait. François a su calmer mes appréhensions.
Je vais décrire ici comment nous avons procédé:
L’objectif est d’arriver à faire se chevaucher les bandes sons, et à créer des transitions, si possible sans à-coup en fondu sonore, entre les divers bandes son, synchronisées avec les images du film.
Pour cela, une série de machines-son synchronisées, tournent à la même vitesse, comme sur une table de montage classique. Il y en a simplement beaucoup plus (il me semble que l’on dispose, dans cette salle, de six à huit machines), et chacune est affectée à un son. Elles sont synchronisées, à l’aide d’un arbre à cannes, à une machine qui projette l’image du film sur un écran, comme s’il s’agissait de la partie visionneuse d’une table de montage. En fait, c’est là une sorte de grande armoire, destinée à passer en même temps l’image et un grand nombre de bandes sons du film.
Grâce aux six à huit pistes, les possibilités offertes sont bien supérieures aux trois pistes-son d’une table de montage.
Un autre bloc-armoire, où l’on a placé une bande-son vierge, est destiné à enregistrer le mixage, qui se fait par l’intermédiaire d’une table de mixage, reliée à chacune des pistes-son.
Le mixeur et moi-même nous nous sommes placés devant cette table, grâce à laquelle, pour chaque bande-son, on a pu régler le volume souhaité pour le résultat final.
Cette table a permis d’assurer le moment exact de passage d’une voix à une autre voix, d’une piste son à une autre piste, ou encore a permis de faire des fondus sonores, en faisant se chevaucher plusieurs sons que je souhaitais avoir en même temps à des intensités différentes.
Ce qu’il y a de plus merveilleux, c’est que les appareils de cette salle de mixage permettent également d’interrompre à tout moment le mixage, lorsqu’il est imparfait et de le reprendre à un moment précédant, satisfaisant.
Dans l’ignorance de ce détail, c’est précisément sur ce point que j’étais sujet aux plus vives inquiétudes. Je m’étais imaginé que nous aurions, à chaque fois qu’une erreur surviendrait, à reprendre tout le mixage dès le début. Il n’en a rien été.
Grâce à l’arbre à cannes, qui synchronise les plateaux sons avec l’image, il est facile de revenir en arrière, de se caler sur une image, et de reprendre le mixage jusqu’à ce qu’il soit bien réalisé.
C’est en une après-midi que nous avons mixé La momie à mi-mots.
J’ai ensuite montré, sur une table de montage (puisque ma copie de travail, trop abîmée, par les années de montage, est devenue improjetable en double bande), le résultat à Jean Rouch: image et mixage.
Cette expérience a été très fructueuse pour moi. Jean Rouch a beaucoup aimé mon travail. J’étais heureux de l’avoir eu, lui, comme premier spectateur!