Accueil de "Diverses lettres envoyées"
Vous êtes ici sur la page consacrée à la copie d'un courrierIn à Christo et à Jeanne-Claude envoyé le lun. 14/02/2005 15:55 à l'occasion de leur instalation Newyorkaise dans Central Park:The Gates
Permettez-moi de vous écrire en français car j’espère qu’avec le prénom de
Jeanne-Claude au moins l’un de vous deux pourra lire ce petit message que je
vous adresse pour vous remercier infiniment du travail accompli et surtout
du dernier chef-d’œuvre infiniment riche en sens possible métaphysique et
plus que ça !
Merci de tout cœur.
La porte est un travail auquel j’ai moi-même réfléchi en allant tourner un
film au Portugal
(port-u-gal)
pays de la « porte du coq »
(gal : de
gallus-i en latin qui signifie le « coq »).
J’ai tourné un film là-bas car je pensais important de réfléchir sur ce
concept de « porte », de seuil, de passage.
Car chaque porte est un peu un encadrement de théâtre et il existe en
permanence des portes, des seuils à franchir. Comment réussir à les franchir
tous de façon bouddhique ou safran, là est la question ? Votre travail est
merveilleux, car ce chemin dans Central Park est un peu, en raccourci, le
chemin de nos vies respectives avec toutes ces initiations que nous devons
franchir, dans un monde ou les frontières disparaissent heureusement mais
dans un monde où paradoxalement il y a souvent de nombreuses « gates »
frontières à cause du besoin de sécurité, à cause de la peur, à cause de la
méfiance Or votre projet est aussi tibétain dans l’esprit, à cause de cette
liberté du tissu, ces seuils où il n’y a pas de portes, transparentes, et
cette couleur de bannière safran aussi que vous avez choisie, la couleur des
moines, des little bouddhas,
comme ce film merveilleux de Bertolucci, chacun d’eux étant un possible
passage vers un ailleurs toujours plus éveillé : le corps lui-même
s’affranchissant de la mort, du samsara, contenant pourrait-on aller jusqu’à
dire cette absence même du corps, l’âme, cette sorte de porte tenant à
l’encadrement du squelette libérée, désincarnée.
Et puis c’est aussi ce désir d’encadrement, encadrement du tableau, encadrement de la photo, le cadre, la porte, oui, certains d’entre nous sommes des œuvres d’art qui avons besoin de nous sentir cadrées en suivant un chemin tout tracé. Sans le cadre, sans l’architecture, l’homme ne croit plus être grand-chose. Il craint d’être cet écureuil qui grimpe libre ou ce rossignol qui se pose sur l’encadrement sans y voir un élément de prison. Hélas ou heureusement certains hommes deviennent même des « cadres » professionnellement pour encadrer, c'est-à-dire diriger ! L’artiste, lui, est aussi une sorte de cadre mais hors du cadre, sachant cadrer c'est-à-dire le pourquoi de la nécessité du cadre : le tableau : la porte : ce cadre. Or nous franchissons les cadres constamment ne serait-ce qu’en regardant la télévision, ou l’ordinateur lui-même : un cadre, une porte, un tableau et le film et/ou la vidéo eux-mêmes ce sont 24 et/ou 25 images par secondes, 24 ou 25 portes non de vide mais de sens que notre esprit doit comprendre et franchir. Réfléchir ce qui est cadré autour du contenu exprimé par ce cadre, cette porte, cette feuille-porte. Les mots comblant le vide consubstantiel de l’existence. C’est pourquoi vous avez réalisé une mise en scène pour une séquence de cinéma tridimensionnel extraordinaire, une fois de plus en posant vos nombreux chevalets cadres-portes qui vont plaire certainement aussi à notre ami Peter Greenaway, réalisateur de Meurtre dans un jardin anglais. Et si elles sont 7500, il y a donc matière à faire un film de 7500 divisé par 25 images secondes, une animation, un dessin animé de 300 secondes. (Ce que j’aurais certainement cherché à faire aussitôt, si j’avais eu la chance d’être à New York avec ma caméra - comme il y a quelques années quand je suis allé présenter La momie à mi-mots, (vous pouvez en voir des extraits gratuitement à l’adresse de mon site Internet) un film avec Carolyn Carlson, Philippe Léotard et Jean Rouch à l’Anthologie film archives et invité par l’ONU ce qui m’a offert la possibilité de regarder New York et d’enregistrer quelques images de Central Park).
Merci
encore.
Mais permettez-moi malgré tout le bonheur que je vous dois à l'un comme à
l’autre depuis si longtemps en découvrant vos formidables projets une petite
suggestion pour votre prochain travail : n’employez plus de bois mais une
alternative comme l’aluminium ou du plastique par exemple pour faire vos
portes ou vos performances.
Jusqu’à présent
(et j’ai suivi de
loin l’ensemble de vos travaux dont j’ai toujours été un fan
inconditionnel)
je ne m’étais pas permis d’intervenir vous laissant libre et surtout pensant
à cette liberté que vous avez en tant qu’artiste – infinie. Je vous faisais
confiance et de plus je n’ai pas souvenir que vous ayez employé des
matériaux cruels pour la faune, la flore, tout au contraire. Car il me
semble sur les photos que je découvre que vos portiques sont en bois
(ou
est-ce que je me trompe ? Ce que j’espère vivement).
S’il vous plaît, au nom de la Vie et au nom du Christ dont l’un de vous se
prévaut n’utilisez pas de matériau comme le bois, à moins qu’il ne soit issu
d’arbres morts d’eux-mêmes donc dont vous n’êtes pas responsables vous-même
de la mort, en ayant été les complices tacites des bûcherons qui, pour
satisfaire la demande ont cru pouvoir s’autoriser à la précéder en vous
procurant le matériel déjà précoupé, arbres, vies d’êtres vivants massacrées
à la tronçonneuse !
En
effet si je peux comprendre que vous avez été leur victime consentante en
achetant ce matériel
(comme je l’ai été
souvent moi-même autrefois en achetant de simple planches de bois pour le
rayonnage de mes bibliothèques)
notre civilisation doit se métamorphoser, à force d’avoir franchi ces portes
dont certaines ont été celles d’innombrables erreurs et peut enfin sortir à
jamais de la cruauté sous toutes ces formes, en tout cas au moins de celle
exercée par l’homme envers la nature, envers les animaux, envers les
plantes. C’est pourquoi nous ne devons pas encourager les métiers de
bouchers, les métiers de pêcheurs, les métiers de bûcheron et par conséquent
nous pouvons choisir en conscience toutes les alternatives qui existent.
Nous pouvons et avons le devoir de résister en tant qu’artistes.
Je
suis sûr qu’avec le nom de Christo que vous portez, en référence au Christ,
la partie de vous qui est proche de cet être remarquable, de ce résistant,
comprendra ce que je veux dire.
Je suis sûr aussi que dorénavant vous aurez à cœur d’utiliser des matériaux
qui n’engendrent pas de mal, d’aucune façon. Car si le Christ a accepté de
se faire crucifier et a souffert ce qu’il a souffert c’est pour conduire
l’humanité vers un monde où on cessera de faire souffrir les hommes, les
animaux, les plantes : au Paradis, à Eldorado, à Walhalla, en Atlantide.
C’est pourquoi moi qui suis peintre aussi et cinéaste-vidéaste je n’utilise
plus de pinceaux qui font du mal aux animaux, c’est pourquoi je suis
végétarien et c’est pourquoi je ne mange pas idéalement non plus de plantes
à bulbes
(carottes, pomme de terre, navet, bref
de toute les plantes qui peuvent souffrir de cela, bien qu’il m’arrive de le
faire quand je ne peux pas faire autrement).
Cela
ne retire pas le fantastique mérite de votre travail que je salue très fort
mais de grâce bien que l’artiste soit souvent contraint à être une sorte de
Christ il ne faut pas qu’il crucifie son entourage pour mettre au monde son
monde et encore moins les arbres, les animaux ou les plantes car il est
celui qui ouvre la voie, il est l’exemple qui montre le chemin
(quelque fois
même de croix)
à travers les nombreuses portes, étapes à
franchir, sorte d’échelons d’une échelle de Jacob à traverser ou à gravir
sans pour autant qu’elle ne monte, ne serait-ce que d’aller dans la pièce à
côté, Sous la forme de ces encadrements, sorte d’échelle dont les montant
verticaux et les barreaux horizontaux peuvent être ces étonnants
encadrements que vous avez réalisés et nous avez offerts. Nous avons le
pouvoir de faire cesser le crime au nom même de la conscience et des
impératifs du cœur qui soutendent toujours la véritable démarche de
l’artiste, ce Christ.
Jean
Rouch qui vous aime beaucoup m’a souvent parlé de vous avec beaucoup
d’admiration et si vous avez le temps vous pourrez lire un texte que j’ai
écrit sur mon site qui nous concerne tout deux
http://granier.laury.free.fr/la_momie_a_mi_mots/jean_rouch.htm
Si
j’utilise Internet c’est parce que je souhaite que l’on cesse un jour
d’utiliser le papier qui fait du mal aux arbres et c’est pourquoi
j’encourage tout le monde à se munir si possible d’ordinateur pour écrire
des courrierIns
(variante de 'courriels' : e.mails).
J’espère un jour que vous m’enverrez votre adresse de courrierIn
(ou
courriel)
car j’aimerai qu’on reste en contact si
vous voulez bien.
Évidemment il y a le papier en plastique qui est fabuleux
!
(je viens de recevoir une pub Sony pour des
écrans plats dans ce matériel et c’est évidemment la solution).
Salutations respectueuses et reconnaissantes à tous les deux : uns.
Laury Granier
J’étais personnellement indigné du texte vous concernant dans le quotidien Le monde d’hier, celui d’aujourd’hui est heureusement beaucoup mieux.
halte aux tests cosmétiques
et autres tests sur les animaux!