Revue Udnie n°0
LUC-FRANCOIS GRANIER:
TIR COUCHE
L.F.G.1: Alors t'es peintre! Comment peut-on être peintre?
L.F.G.2: L'intrinsèque nécessité de l'être.
L.F.G.1: Dans le contexte international je suppose que tu dois avoir du mal à trouver ta place.
L.F.G.2: Je voyage. Je suis donc international.
L.F.G.1: Mais comment fais-tu avec les contraintes, le poids du peintre, sa nécessité de l'atelier?
L.F.G.2: L'atelier c'est dans ma tête: 'un carré blanc, un mouchoir qui par moments correspondent aux lieux que j'habite. Par moments pas du tout. Alors je ne peins pas.
L.F.G.1: Alors tu sèmes à tout vent...
L.F.G.2: Comme disait la rousse.
Apollinaire transportait sa poésie sur les zincs des cafés.
L.F.G.1: Mais un peintre a besoin d'outils!
L.F.G.2: Oui, je sais, un artiste peintre, un artisan peintre. Notion dépassée.
Peinture prolonge les doigts, les doigts prolongent les yeux et le reste. Alors pourquoi ces distinctions, ce label?
L.F.G.1: Mais ...ta place dans la société marchande de ce siècle!
L.F.G.2: Ma place, ma place... relatif disait ma grand-mère. Quand on m'achète, ça m'arrange...
L.F.G.1: Vendu?
L.F.G.2: Oui, aux pompes et aux œuvres de ce siècle. Impie n'est-ce pas ? Il faut bien remplacer !e matériel.'
L:F.G.1: A quoi tu aspires?
L.F.G.2: Dans quels domaines?
L.F.G.1: Pictural, artistique, pardi!
L.F.G.2: Sen, euh ...(hésitation). A pouvoir voyager... dans tous les sens.
L.F.G.1: Tu tournes en rond?
L.F.G.2: Je suis les courbures de la terre, les longitudes, les latitudes, je m'éclate aux fuseaux. TU sais la peinture ce n'est jamais que des taches vues de loin ou de près.
L.F.G.1: Tu fais dans l'abstrait?
L.F.G.2: Non, ça ressemble.
L.F.G.I: Dans la ressemblance alors?
L.F.G.2: ... des radiographies...
L.F.G.1: ?
L.F.G.2: Oui, ressemblantes.
L.F.G.I: Mais qui les reconnaît ?
L.F.G.2: Moi, mes amis.
L. F. G.1: C'est une nouvelle notion?
L.F.G.2: Oui, les moments où les longitudes et les latitudes s'embrouillent, il y a toujours une île.
Une île c'est un il; une elle c'est une aile...
L.F.G.I: Jeux de mots!
L..F.G.2: Jeux de vilains et d'aristos: jeux de maux.
L.F.G.1: En fait tu t'amuses ?
L.F.G.2: Doucement, c'est pas toujours drôle. Faut ruser. La peinture ouvre la porte, ou plutôt le lapin ouvre la "Tür", la porte en allemand... pas en plein nez. Et au fond... (silence).
Et puis au-dessus plane l'ombre du rapace. Pauvre lapin sous la serre. Mais tant que la serre garde son ozone...
(L.F.G.8 ramasse une épluchure de pomme de terre)
L.F.G.1: Tu votes écolo?
L.F.G.2: C'est l'ozone ou la serre qui te fait dire ça?
L. F.G.1: Je constate.
L.F.G.2: (cantilène) Radiographies ...transparence...
L.F.G.1: Mais tu écris aussi?
L.F.G.2: Et alors?
L.F.G.1: En français ça fait pas sérieux.
L.F.G.2: Pour qui?
L.F.G.1: Ben....
L.F.G.1: ben ou Ben ?
L.F.G.1: (sourire dissimulé)
(L.F.G.8 nettoie la salle de bain)
L.F.G.1 et L.F.G.2 (en choeur) : vivent les provinces!
(L.F.G.8 glisse sur le savon).