Revue Udnie n°0
MICHELE FINCK:
LE JOUEUR DE VIELE
Vienne le joueur de vièle
Et je pleure sous la lampe
D'enfance où neigent de douces bouches
Comme un peu de feu à contre-soir
Vienne le joueur de vièle
Et il souffle les bruits de la lampe
D'enfance et pardonne à qui meurt
Devant le feu entrevu d'une maison d'images
PIANO
Dans le piano en bois mat d'ébène massif les bouches
Des morts sur qui veillent-elles? Elles s'ouvrent en moi
Et je vois dans le soufflé clair sourdant des touches.
Ma main est leur bouche qui parle sous moi.
Je joue et lourd d'anciennes plaintes
Du vent se prend dans l'âme d'une morte.
On entend dans la main un langage fermenter
Où la bouche peut mordre et prendre terre.
Mais le couvercle noir se rompt sur les touches.
Le cri se tait taillé dans l'os d'une bouche éboulée.
COLISEE
Les gorges entrent dans le tournoiement somnambulique
Du Colisée où la nuit saigne les cris des corps.
La nuit a la douceur des excréments de l'enfance.
Les morts mangent des bouches dans nos mains.
Le ciel se couche contre nous et nous fait œil et langue.
Parole ce hurlement d'étoiles dans le trou noir
Des têtes? on plonge dans l'oreille des doigts
Sortis de terre. Ce que les gorges écoutent maintenant
Ouvre la fosse commune de la bouche.
La salure des corps soulève doucement le sol.
A L'INFINI
A perte de vue le temps et des mains pour l'étreindre
Qui font fuser le jus des gorges tordues jusques au ciel.
Le temps prend le large par lents bateaux vides
Et les gorges nagent derrière lui dans le spasme des vagues.
Le ciel et la mer. Et le gisement de neige du noir crânien.
Des corps encore des corps et leur cratère la nuit.
On entre dans la gorge. On nage. Les langues
Se lèvent. La neige d'août ouvre ses bouches
Au-dessus de l'os. La peau des mains implore vers
Quoi? Petite, dans l'écroulement 3u crâne oubliée, étoile.
LE VIOLON DANS LA PIERRE
Nous avions un violon tout petit dans le ventre et nous l'avons
Perdu. Le violon n'est plus en nous.Il est entré dans la pierre.
Sa bouche, où qu'on la touche, rend un bruit d'oreilles
Coupées. son œil bleu immense et nu durcit
Dans le trognon d'une langue trop lourde à porter.
Mais l'archet arraché à -la pierre. Volant. Langue
Et langue. Migratrice. Pour qui est-il
Audible? Plus pour nous qui avons vomi
Toutes nos oreilles. Peut-être pour toi à qui le
Fera signe dans l'écarquillement du cri de l'œil