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Autour du vidéopoème: "La porte"

Midrash de la mer.

 

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PREFACE DE CLAUDE VIGEE:

 LA PORTE DE JADE 

 

Texte écrit à l'occasion de la performance de Laury Granier au Théâtre de l'Ombre qui Roule, à Paris, mai 1987: Autour du Vidéopoème - “La porte” (création du “vidéopoème”). 

Au rythme des voix alternantes, comme sur une double nacelle, commence le voyage vers un Portugal de rêve, bien réel pourtant que caresse l'oeil de la caméra : vibration des images, circulation des lieux et des êtres soumis à l'unique métamorphose, initiation à la vie secrète de la femme. Le nautonier passe à travers les quinze portes, comme Henri le Navigateur lancé à la conquête des continents inconnus. 

La mort joue avec la naissance, les squelettes 1 dansent au milieu du ressac que peuple d'un seul signe le fret innombrable des origines. Est-ce le lent reflux des eaux-mères du Gange, ou l'étalement fluvial de la mer au large du port de Faro? Les nuages tissés d'oiseaux passent au-dessus de nos épaules, emprisonnés dans les serres lumineuses du plafond céleste 2

La porte de jade s'entrouvre sur le silence musicien des amants : Il a posé sa tête sur son sexe, sur sa porte de jade, et elle lui a dit de se reposer ainsi, pour reprendre des forces 3. La prêtresse hindoue 4, fleur de chair à l'écoute d'elle-même, dort les seins nus, les genoux écartés, dans la lumière initiatrice. Mais le chant de l'aimée s'élève dans l'absence pudique du regard, hors du lit de pierre où mûrit la manne de la parole, où s'éveilleront à la connaissance les jeunes corps abandonnés: Oreille, ô mère d'autrefois, écoute la langue / Qui entre en toi et en moi comme le pain de mémoire. Romps/ Ce pain en signe de la musique qui a failli 5

Le flot des sons s'échange avec celui des images, ainsi se fait l'engendrement patient des figures du monde visible : l'espace des images que féconda la mélodie se mue en un "vidéopoème" infini. Oscillant comme la mouette l'enfant monte dans la nuée, il replonge vers la terre debout sur sa balançoire découpée dans le pneu d'un camion. Son ombre se rabat soudain sur la matière opaque du sol. 

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Mais les petits poissons frétillent encore de bonheur, pris dans la grande coulée océanique. Ils portent gravée sur leurs écailles la lettre Noun, le signe de la fécondité intarissable du vivant, garante du renouvellement aveugle des générations. Le prophète Jonas aussi s'était senti heureux au commencement dans le ventre de sa première baleine, nous raconte le midrash. Il ne voulait plus en sortir, et se promenait extasié dans les bas-fonds éblouissants de la mer, dont il explorait les merveilles avec l'oeil mobile de la baleine qu'il manipulait comme un phare géant. Aussi l'éternel dut-il tuer le grand poisson pour amener Jonas sur la voie de la contrition et de l'obéissance, au plus profond de l'abîme. 

Qu'est-ce donc que le Portugal? Une porte ouverte sur la béance sans limite de l'océan primordial, un port (mifratz) taillé par effraction (pritzah) dans la roche maternelle du monde, une matrice ouverte sur le déferlement incessant de la vague (gal)? 

Les deux danseurs 6 se provoquent à la lutte, ils s'entrelacent, ils s'arrachent l'un à l'autre, marionnettes du désir. L'homme solitaire se tord en agonie à la surface aride du sol. La femme, jaillie comme une statue, le tente avec ses bras, ses seins, ses hanches de sirène insaisissable, elle tourbillonne, elle échappe seule aux griffes du destin, elle s'élance vers le ciel et, légère comme l'écume, elle ressuscite, le temps d'un éclair sans fin, hors de l'agonie vaincue 7.

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1 Benoît Brasilier: toiles radiographiques

2 Luc-François Granier: toiles de serre

3 Laury Granier: “La porte de Jade”, in Quinze Portes, lues par Michael Lonsdale

4 Anne-Laure Meury, actrice 

5 Michèle Finck: “En signe”, in Neuf Poèmes lus par Anne-Laure Meury

6 Christian Halimi et Anne Mousselet: chorégraphie Warning pour un être neuf

7 La préface de Claude Vigée a été publiée d’abord à l’occasion du Marché de la Poésie par la revue Circé n°37 du 24 juin 1987 et dans la Revue alsacienne de littérature n°18, 1987.

 



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Révision : 02 août 2004