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Chemins d’Etoiles

novembre 1998

La Danse du Printemps

Point de vue

Qu’est-ce qu’être mort, une fois franchi le passage ? Pour dire la traversée vers l’autre vie, depuis toujours, des images sont notre seul bien, et depuis toujours, les poètes ont puisé dans leur environnement le plus immédiat pour inventer, réinventer les métaphores fondamentales qui disent l’extinction, l’ensevelissement, et la possible renaissance. Ainsi, à la fin des Elégies de Rilke, passe-t-on presque sans transition du vacarme d’une fête foraine à l’errance du Mort à travers le pays des Plaintes, double nocturne de l’Egypte antique.

Poème cinématographique avec musique et danse, car on ne saurait le définir autrement à mes yeux, poème ou l’image n’oublie jamais qu’elle n’est qu’une image et qui ne ressemble à rien que l’on puisse voir aujourd’hui sur un écran, le film de Laury Granier met en scène, dans des lieux familiers (pour l’essentiel, ce même jardin du Luxembourg où Rilke vit évoluer les acrobates de la Cinquième élégie), l’aventure de la perte sans appel et de la résurrection espérée. Il prend celle-ci au pied de la lettre et rend son sens à l’antique croyance : pas de résurrection sans renaissance de la chair, pas d’après sans un ici-bas transfiguré, régénéré, réinvesti par la puissance singulière du désir.

Peut-on, aujourd’hui, accepter qu’un cinéaste tente de rendre crédible (donc visible et sensible) cette proposition, scandaleuse pour notre temps si peu conscient de la soif d’incarnation qui est pourtant au cœur de toute œuvre d’art? Oui, me semble-t-il, quand, à cette présence continuelle du corps mortel, une interprète de la taille de Carolyn Carlson confère pareille force mythique sans cesser d’apparaître proche et familière. Et quand, à l’aventure de la traversée, un cinéma qui retrouve ses origines de lanterne magique depuis longtemps perdues vient prêter ses prestiges et ses envoûtements, sans esthétisme ni facilité. Ainsi donc, peut-être, dans l’autre monde - de quelque façon qu’on le nomme, et le film est aussi construit sur l’impossibilité de lui assigner un nom -, les morts ressemblent-ils à ces corps de fumée qui errent dans l’élément diaphane à la recherche de leur vie perdue, à ces danseurs aux mouvements brûlants d’étincelles qui peuplent l’écran quelques instants. À la fin, vous aurez sans doute comme moi le sentiment d’avoir parcouru trop vite un chemin initiatique qui mène à un réveil de l’âme, et, de même qu’une lecture n’épuise pas un poème, vous saurez que les images que vous découvrirez gravées dans votre souvenir demandent à être revues, longtemps reprises et méditées.

Jean-Yves Masson

Jean-Yves Masson est écrivain, traducteur et éditeur. Il vient de publier un roman aux éditions Verdier, L’isolement.

 

 

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Révision : 12 avril 2003