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La Lozère Nouvelle 

vendredi 30 août 1996

Culturelle-Loisirs

Laury Granier à Vébron : " Je sais ce que je veux "

 

"La Momie à mi-mots", un film de Laury Granier avec Ph. Léotard, C. Carlson, J. Rouch

Savante et obsédante construction, tempérée par des respirations avec de belles images des Jardins de Paris où les cerfs-volants et les ballons multicolores des enfants partent au gré des vents dans le ciel ensoleillé du matin. Les enfants préfèrent avec un vieux sage (Jean Rouch) ce soleil plutôt que les manèges tournant dans la nuit à la lumière électrique. Le mouvement de la très grande chorégraphe Carolyn Carlson, ici simple danseuse, pour 1'image, se souvient à mi-mots dans notre monde, mots calligraphiés en intertitres et mots dansés, des accents d'une divinité des premiers langages.

PourLaury Granier, il y a deux principes: la ligne et le point. Mais ce brillant cinéaste qui ne tournera pas une nouvelle version dePulp Fiction, n'est pas un simple mathématicien. Il est un artiste ; au sens de Léonard de Vinci. (L'artisan est ingénieux, l'artiste est ingénieur. Mais ce n'est pas une condition suffisante pour être artiste. Le poète, artisan ou artiste, n'a pas besoin d'être un troubadour érudit, mais ses mots enchanteurs sont bénis. On ne sait pas trop pourquoi car on ne peut pas bien expliquer d'où vient sa connaissance.

La ligne et le point laissent une trace, une image, le chemin de l'espoir. Corolyn Carlson évolue dans le Paris des jardins et des souvenirs (essentiellement ceux du Luxembourg cher à l'auteur). Après avoir côtoyé le fleuve des morts et le désert de la vie dans ces jardins, où elle a aperçu la tour Eiffel se mirant la tête en bas dans des eaux stagnantes, Carolyn Carlson jette son masque, celui de la statue de la Liberté éclairant le monde

Carlson, la Momie à mi mots, sort de sa chrysalide, le papier tapé à la machine quand les fontaines rejaillissent après la froidure pour s'épanouir dans sa robe blanche.

L'artiste anticipe le mouvement de la même manière que s'opère la compression d'image en télénumérique

où l'image est codée en se référant à une image encore virtuelle (future). Dans la musique, dans le ciel bleu il y a une destinée: le point et la ligne. Le titre annonce le visible de l'oeuvre et annonce aussi l'invisible, s'ouvre sur l'invisible. Dans la montage de Laury Granier chaque image, chaque point contient comme la graine du fruit porte l'arbre futur, comme une miniature qui peut s'agrandir sur l'écran, la part de mouvement qui reste éclipsée.

Les images invisibles élidées au montage prennent le rythme de la danse de Carolyn Carlson, Laury Granier a inventé son langage. I1 a inventé comme le René Clair des années vingt la manière d'ordonner, de rythmer les images.

Il a usé de la bande son, de la bande image et de la mise en scène comme un compositeur de musique attribue une expression à chacun des instruments.

Laury Granier, sait tout faire sur un film; il a pratiqué plus de trente-cinq corps de métiers répertoriés: un artiste est un homme orchestre qui pratique ce qu'on ne peut trop expliquer: une bonne chanson, un je ne sais trop quoi.

Son oeuvre est une harmonie presque aussi parfaite que les feuilles de châtaignier disposées sur une bronche, presque aussi parfaite que la progression des feuilles d'osier sur une tige sous le soleill des rives du Tarnon. L'oeuvre de cet artiste encore jeune risque de le dévorer quotidiennement comme un unique recueil de poèmes. Mais le parisien a quitté en ce moment son jardin du Luxembourg (dont il a fait reconstruire les statues multipliées pour le film de cette résurrection pour tourner un outre film dans notre région.

Le point et la ligne, la ligne et le point c’est à dire la Destinée.

Mais où sont les mots chuchotés de la momie? Il y a des intertitres tout petits mais on n'y cause pas comme à la télé où des hommes et des femmes troncs statiques jettent des mots à tort et à travers: apprenez à jouer du yoyo comme Carolyn Carlson et les autres interprètes! Vous verrez que le yoyo n'a rien de monotone comme on peut le croire. Le yoyo: la ligne et le point. Mais pas n'importe quelle ligne et pas n'importe quel point car chaque point porte la ligne vers l'infini.

Avant que les vébronnais ne prennent congé de Laury Granier dans la salle des association de la Mairie de Vébron éclairée tard dans la nuit cévenole, alors que nous évoquions tout ce qui risque d'échapper à un auteur dans sa création à parfaire même si elle est accomplie, le regard très bleu de Laury Gravier a étincelé vers un point apparemment imaginaire et, avant de tires une bouffée de sa très fine cigarette, le cinéaste a conclu : "je sais ce que je veux ".

Henry Roussel

 

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Révision : 12 avril 2003