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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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II. 3. La nécessité d’une maîtrise de l’autogénération du film: l’élaboration du découpage technique, le repérage vidéo et la création story board

II. 3. a. Le découpage technique

Comme nous l’avons vu, mon scénario, toujours en métamorphose, n’a cessé de se modifier, au fur et à mesure de mes rencontres avec les acteurs et de mon travail avec eux. J’ai senti la nécessité croissante d’une rigueur, d’une maîtrise de l’autogénération du film, qui pouvait se révéler dangereuse.

Conformément aux règles acquises par le passé, grâce au cours de Jean-Paul Torök, j’ai fait apparaître dans mon scénario le découpage technique: c’est-à-dire une présentation claire, rendant perceptible, plan par plan, le déroulement des séquences du film. Je prévoyais chaque action des nouveaux venus et je la découpais, par écrit, en fonction des prises de vues à venir. Chaque plan nouveau donnerait lieu à un arrêt de la caméra, voire à un déplacement de celle-ci, et se traduisait, sur le papier, par une nouvelle phrase intégrée dans un paragraphe. Chaque paragraphe représentait un groupe de phrases, donc de plans et de déplacements de caméra et correspondait à une petite séquence. L’ensemble des paragraphes (donc des petites séquences) illustrait l’action de mes personnages dans une même unité de temps et de lieu 112. Celle-ci était précisée par un titre en gros caractère faisant apparaître le lieu de tournage, indiquant s’il était en intérieur ou en extérieur (par des abréviations), et précédé d’un chiffre numérotant la grande séquence.

Ce qui était important pour moi, c’était d’avoir par écrit une vision, à la fois synthétique et analytique, du travail de tournage à venir. Je bénéficiais de mes expériences de scénarii de maîtrise (long-métrages), où je m’étais déjà efforcé de faire apparaître directement le découpage technique, orienté vers une réalisation potentielle.

Il va de soi que ce découpage était lui-même soumis aux métamorphoses issues des circonstances, et des rencontres nouvelles, qui me surprenaient moi-même. Mon travail de scénariste était un vaste chantier toujours en devenir, toujours inachevé. J’étais moi-même à la fois excité par ces nouvelles découvertes modificatrices et inquiet de la place toujours plus importante qu’elles prenaient. Serais-je capable de gérer, avec si peu de moyens, ces imprévus qui se révélaient constitutifs de ma façon de faire du cinéma? Ne faisais-je pas fausse route en cassant sans cesse mon propre découpage technique, en le recommençant continuellement? Le scénario me faisait l’effet d’un phénix qui renaissait sans cesse de ces cendres, mais pourrait-il indéfiniment renaître?

Il faut que je dise à quel point j’étais toujours écartelé entre de forts enthousiasmes (la sensation que se constituait sur le papier un film miraculeux, derrière lequel je courais moi-même) et des moments d’angoisse et de doute. Mon angoisse était d’autant plus grande que je m’étais engagé vis-à-vis du G. R. E. C. pour un film très court et qu’à la neuvième version du découpage technique, je m’apercevais bien que j’allais tout droit vers un film beaucoup plus long. Je savais que je travaillais sans filet!

Si j’avais su que mon tournage, devant à l’origine durer deux semaines, s’étalerait en réalité sur un an et demi, avec d’autres découpages techniques à venir, d’autres préparations de tournages et des problèmes financiers constants, je crois que je n’aurais jamais eu le courage de commencer ce travail. Ce même courage, la santé physique et psychique, me sont apparus bientôt comme des conditions sine qua non pour faire l’apprentissage de ce métier.

Ce film est vite devenu un film fleuve, qui m’a entraîné et parfois englouti moi-même. Il était alimenté par les nombreux ruisseaux qui avaient pour sources mes prises de risques, issus de coups de foudre ou de cœur, pour des éléments que j’avais tout d’un coup l’illusion de croire indispensables. Mais étaient-ce des illusions, ou des injonctions venues d’ailleurs ou engendrées par l’autogénération du film lui-même? Convergences naturelles d’éléments devant servir absolument le film?

J’avais parfois peur de n’être qu’un apprenti sorcier. La merveilleuse scène des balais et de Mickey submergé par les eaux, dans l’une des séquences du Fantasia de Walt Disney, sur la musique de Paul Dukas, me hantait: je ne voulais pas ressembler à ce Mickey! et pourtant cela a bien failli être le cas!

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112 Se reporter à l’une des versions du scénario faisant apparaître le découpage technique en annexes.

 



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Révision : 11 avril 2003