Accueil

 

" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

Sommaire

Page précédente

Page suivante

 

III. 2. e. La séquence dite "des cartes" (petit manège du Champ de Mars)

Cette séquence était la dernière du tournage. Une très belle journée ensoleillée éclaira ces ultimes scènes, que nous devions tourner dans le petit square du vieux manège du Champ de Mars.

Cette séquence était particulièrement difficile à réaliser sur un plan technique: je voulais installer une caméra au sommet de la structure métallique du manège, pour réaliser un travelling circulaire, en plongée, sur les deux petites filles (Aurélia et Eléonore Michelin) qui faisaient tourner le manège, en le tirant de l’intérieur à l’aide de cordes. De cette façon, elles entraîneraient également mon caméraman, perché sur la structure du manège, et lui permettraient d’effectuer son travelling circulaire. Ainsi, des êtres vivants remplaceraient les chevaux de bois qui d’habitude sont accrochés au manège. C’est à dessein que j’avais choisi, pour le tournage, un jour de relâche du manège. Mon idée était aussi que l’on comprenne que ce sont les enfants qui font tourner la roue du monde et que c’est, pour une part importante, grâce à leur intervention que la momie trouverait le chemin hors des bandelettes. C’est cette idée que je voulais développer sur l’ensemble de la séquence. J’ai dit plus haut que le motif du triangle était l’un des motifs dominants du film. Le second motif principal est celui du cercle, auquel se rattachent les différentes variations sur les manèges, mais aussi la forme des yo-yos, les cercles qu’ils décrivent et la forme de la coupole de l’observatoire.

La séquence avait été bien découpée: dans un premier mouvement, les enfants devaient donner l’impression qu’à chaque tour du manège, un temps important venait de s’écouler. Dans un deuxième temps, les enfants devaient rejoindre leur mère (Anne-Laure Meury) et leur petite soeur (Oriane Michelin) pour jouer à la marelle sur les pans des cartes du monde, que Jean Rouch avait disposés sur le sol. C’est alors que surgissaient, venus des buissons longeant le manège, les anges qui, à leur tour, tiraient ce manège en prenant la place des enfants.

00688.jpg (142169 octets)

Pour la séquence de la marelle, j’ai placé la caméra au niveau du sol. Je tenais beaucoup à ce plan: j’avais remarqué que la tour Eiffel était située juste derrière le manège. La pointe de la tour Eiffel, vue d’un certain endroit, semblait être la pointe du manège. Je tenais absolument à réaliser cette image, tant j’avais eu l’impression que la structure métallique en forme de toupie du manège, placée ainsi dans l’axe de la tour Eiffel, pouvait donner l’illusion d’être, pour la tour, une sorte de grande robe, dans laquelle circuleraient les anges. C’était aussi la fusion des deux motifs: cercle et triangle.

Comme dans un plan Lumière, en légère contre-plongée, et en utilisant un grand angle, je pouvais avoir, sur cet arrière-fond où couraient les anges, le déroulement de la marelle des petites filles. Je tenais à ce que cette marelle soit entièrement improvisée, pour que se dégage du jeu le maximum de spontanéité. Avec un gros caillou que j’avais peint en or, les petites filles inventèrent d’instinct un jeu et occupèrent l’espace pour le mieux. Il s’agissait en fait moins d’une marelle que d’une scène de jeu prise sur le vif.

00653.jpg (188464 octets)  00687.jpg (182646 octets)

J’ai placé ensuite Pablo dans un arbre avec la caméra, pour tourner en plongée la scène où, aidées par le peintre que j’incarnais, les petites filles recomposent la très grande carte du monde en s’aidant d’un modèle de carte de plus petite dimension, que nous avions fixé sur un tronc d’arbre. Le hasard a voulu que ce tronc d’arbre ait été peint et que deux yeux, un nez et une bouche blanche faisant de ce tronc d’arbre comme un totem à visage humain. La petite carte devenait ainsi une sorte de vêtement pour ce personnage-tronc d’arbre.

00691.jpg (201266 octets)

Petit à petit, la carte était reconstituée grâce aux douze pans de cartes, à l’aide du peintre et du mage, joué par Jean Rouch. 

00744.jpg (91466 octets)  00745.jpg (130858 octets)

Filmée en plongée, la carte prenait peu à peu la dimension de l’un des cerfs-volants-carte du monde (c’est ainsi que j’avais conçu le raccord avec la séquence suivante de l’envol des cerfs-volants, tournée la veille).

00684.jpg (218137 octets)

La gaîté des petites filles actrices fut communicative et toute l’équipe était heureuse. Peut-être aussi nous sentions nous soulagés d’avoir terminé le tournage. Un grand pique-nique avec du bon vin et des boissons chaudes avait été offert par le restaurant le Loft, et nous avait rendu agréable cette journée très froide mais très ensoleillée.

Au milieu de l’euphorie des enfants, j’aurais presque pu croire que le cinéma était l’enfance de l’art. Mais ces quinze jours de tournage m’avaient appris que, pour qu’une étincelle d’enfance soit captée au cinéma, il fallait souvent un difficile et patient travail. Je savais d’ailleurs que j’aurai d’autres séquences à tourner pour La momie à mi-mots, qui seraient un nouveau jeu d’équilibre entre enfance et labeur.

Mais je ne pensais pas, à l’époque, que les scènes qui restaient à tourner seraient si nombreuses, et qu’elles seraient suscitées par mon instinct d’improvisateur.

Sommaire

Page précédente

Page suivante

 



Copyright © 2000 Lorimage. Tous droits réservés.
Révision : 11 avril 2003