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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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IV. 1. e. La rencontre avec les sonneurs de trompes sous le pont d’Iéna, la décision d’effectuer un tournage de nuit, un nouveau tournage sur le manège, un tournage sur la Seine, et la recherche d’une péniche

C’est en installant ma caméra, une fin d’après-midi d’octobre 91, pour tourner le plan d’insert du châle de Manille, accroché au piédestal de la grande statue de l’homme et du cheval qui est placée sur le pont d’Iéna du côté gauche (quand on regarde le Trocadéro), que j’ai entendu des sons puissants: j’eus l’impression qu’il s’agissait, en plein Paris, de cors de chasse!

Ces sons provenaient de la partie inférieure du pont, au niveau de la Seine et étaient largement amplifiés par ses voûtes de pierre. J’empruntai l’escalier qui descend près du manège du Carrousel de la Tour Eiffel et qui conduit au quai. J’étais curieux de voir, de plus près, qui sonnait de la sorte.

Lorsque j’arrivai, je vis toute une bande de personnes rassemblées, sous la grande voûte du pont, qui couvre le quai. Ils jouaient de leurs instruments de cuivre dorés, face à la Seine, et se répondaient tour à tour avec des airs différents. Les sons se propageaient le long des voûtes.

Aussitôt, je compris que le hasard de cette nouvelle découverte me donnait encore une fois matière à m’émerveiller, et peut-être encore un fois matière à tournage. Je fus surpris par cette coïncidence: trouver ces musiciens, sous le lieu-même de mon tournage! Et je me mis, inspiré, à repenser à ma séquence, dans laquelle Carolyn était poursuivie par l’homme masqué sur le manège.

Je compris que je devais, si possible, tourner avec ces sonneurs de trompe un complément à cette séquence, pour en accroître le sens. Dès que la musique cessa, je m’adressais à celui qui me semblait être le professeur des cinq autres jeunes gens, pour lui parler du film et de l’idée fulgurante que j’avais eue de les inclure dans La momie à mi-mots.

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Pour convaincre ce sonneur de trompe d’accepter ma proposition, je mis l’accent sur la partie équestre de mon film, en mentionnant, bien sûr, Pégase, la Renommée, le trot royal, que j’avais choisi pour cette séquence et Héra qui partait finalement avec Carolyn. Enfin je lui parlais de la statue du cheval de pierre (dont je venais de tourner le plan, avec le magnifique châle de Manille), qui devenait un véritable cheval. Je lui demandais ensuite si ses élèves et lui-même possédaient des vêtements de chasse à cour. Il me répondit intrigué par ma proposition, que lui et ses amis étaient tous chasseurs et qu’ils avaient tous un uniforme de chasse à cour. Mon bonheur était à son comble; je les décidais à me donner une soirée pour tourner quelques plans: je souhaitais qu’une chasse à cour ait lieu sur le manège du Carrousel, situé juste au-dessus de nous: au lieu d’être sur des vrais chevaux, les sonneurs de trompe s’installeraient sur les chevaux de bois et sembleraient, de la sorte, poursuivre Carolyn. De cette façon, Carolyn apparaîtrait, dans la séquence déjà tournée, comme une sorte de biche traquée et poursuivie par l’homme masqué. L’idée plût à l’ensemble des sonneurs de trompe qui acceptèrent ma proposition.

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Je demandais par ailleurs à l’employée du manège si elle voulait bien m’autoriser à tourner une nouvelle séquence sur place. Elle accepta, elle aussi.

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Nous n’avions plus qu’à fixer un soir qui conviendrait aux sonneurs de trompes et à l’employée du manège. Ce ne pouvait pas être dans l’immédiat et je devais patienter trois semaines, au moins, pour que les sonneurs soient aussi nombreux que possible. C’était aussi le temps nécessaire à la préparation de ce tournage nocturne.

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Au cours des semaines suivantes, je revins les écouter, car ils m’avaient dit qu’ils se réunissaient chaque semaine sous ce pont pour s’exercer, avec leur trompe de chasse.

C’est au cours de l’une de ces visites, que l’idée me vînt de donner un rôle plus important à ces sonneurs de trompe. Je compris que, s’ils devaient intervenir au moment de la poursuite sur le manège, comme des fantômes traquant Carolyn hallucinée, il ne fallait pas laisser tomber ces personnages, et qu’ils devaient réapparaître à un autre moment dans le film.

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 Après réflexion, je découvris que ce seraient eux qui devraient accompagner Carolyn, une fois momifiée et couronnée du grand masque de "Diablada", vers le sanctuaire de la fontaine Carpeaux, où avait lieu le rituel nocturne. Je me suis dit qu’il fallait que je profite du tournage de nuit, que j’étais en train d’organiser, pour tourner cette autre séquence.

Ces sonneurs se rassemblaient pour jouer face à la Seine. Il fallait donc utiliser ce fleuve, en faisant intervenir une péniche qui viendrait chercher la momie entourée des sonneurs, et s’éloignerait avec eux, sous le pont, sur la Seine. De cette façon, il y aurait une sorte d’écho à la séquence de l’Achéron, et aussi à la séquence d’Universeine. Mon projet était que cette nouvelle séquence soit montée avec la séquence d’Universeine et que, de cette façon, on puisse croire que les embarcations filmées dans le hangar avaient été filmées sur la Seine. De plus, cette séquence s’enchaînerait très bien, avec celle tournée à Essen (Going Home), en particulier avec la scène des rameurs en retour vers l’origine.

Je me mis alors en quête d’une péniche dont le propriétaire accepterait de jouer le jeu gratuitement. Après de longues recherches et de multiples refus, je trouvais un nouveau collaborateur en la personne de Jacky Malle, de Fluvial Service, qui acceptait de mettre à ma disposition pour le tournage son vieux remorqueur, contre un remerciement au générique. De plus petite taille qu’une péniche, mais bien plus puissant, ce remorqueur faisait parfaitement l’affaire: la momie et les sonneurs de trompe pourraient s’installer à l’arrière, et voguer ainsi sur la Seine.

Restaient les autorisations de tournage que je devais obtenir auprès des responsables du Port Autonome de Paris: en effet le remorqueur devait traverser le fleuve à de nombreuses reprises et accoster le long du quai d’Iéna, pour prendre à son bord la momie et les sonneurs, avant de disparaître au loin sur la Seine.

J’eus également l’idée de demander à nouveau la permission, de filmer du premier étage de la tour Eiffel. Je voulais braquer une caméra en plongée lors de la séquence de la poursuite des sonneurs dans le manège.

Grâce à La 8, société de production en vidéo 8, je fus pourvu d’une série de "mandarines" pour éclairer mes scènes. Je louai aussi un groupe électrogène pour ce tournage de nuit.

C’est ainsi que, grâce à la complicité des sonneurs de trompe, je pus tourner deux importantes séquences surprises inattendues, et les ajouter à l’ensemble de mon film, en cours de montage. Pour cela, je dus également, plus de six mois après la fin de mon premier tournage, reconstituer une partie de l’équipe technique. J’avais besoin d’aide pour porter le matériel, installer les éclairages, mettre en scène, tourner ces plans et créer une atmosphère chaleureuse de travail.

Nous commençâmes par tourner la séquence du remorqueur.

Nous avions bien découpé la séquence avec Olivier Michelet avant le tournage. Grâce à l’aide de l’accessoiriste, Olivier Vit, la momie fut reconstituée, une nouvelle fois, sur la berge et tous les sonneurs de trompe furent pourvus de flambeaux. La momie attendait le long du quai, entourée par les sonneurs de trompe, le remorqueur qui traversait la Seine et venait la chercher. J’avais demandé aux sonneurs qu’ils gonflent un peu plus que d’habitude leurs joues, pour que l’on voit bien qu’ils jouaient tous, avec vigueur, de leur instrument. (Je rappelle ici que ce film a été tourné muet).

À la dernière minute, j’avais éclairé la cabine du pilote.

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 J’avais demandé à Jacky Malle, le pilote du remorqueur, de porter sur son visage le masque de "l’homme masqué", personnage énigmatique de mon film. Je comptais tourner un plan mystérieux, grâce à cette nouvelle intervention de l’homme masqué.

Une fois la momie et les sonneurs embarqués, nous tournâmes du quai le départ du remorqueur sur la Seine et sa disparition dans la nuit.

Une fois cette séquence terminée, nous nous consacrâmes à la séquence du manège. Nous éclairâmes celui-ci de tous les côtés, à l’aide des "mandarines" et je demandais, à la troupe des sonneurs de trompes de se mettre en selle sur les chevaux de bois. Alternant avec Olivier Michelet comme caméraman, je pus également tourner quelques prises, en selle sur un autre cheval, qui montait et descendait régulièrement sur son axe de métal, pour donner l’illusion du galop.

Comme nous avions pris un peu de retard, sur le programme, la tour Eiffel allait fermer. Le responsable de la tour Eiffel demanda à tout le personnel de rester, une demi-heure de plus, en cette nuit de novembre. Grâce à leur gentillesse, je montais au premier étage de la tour Eiffel pour filmer en plongée la même séquence, vue de haut. J’avais pour cela emprunté à nouveau les talkies walkies chez Elison, pour pouvoir donner à distance l’ordre de faire tourner le manège quand nous serions prêts.

Avant de redescendre, j’aperçus, près de l’ascenseur, dans une large vitrine, toute une série de tours Eiffel de petite dimension qui, disposées sur un plateau, tournaient et se réfléchissaient dans des miroirs. Je demandais encore la permission de filmer cette vitrine à Monsieur Habert, le responsable de la tour Eiffel, qui nous avait accompagné pour le tournage et qui nous attendait. Je pensais que je pourrais peut-être me servir de cet étrange et inattendu effet kaléidoscopique.

En redescendant par l’ascenseur que nous occupions seuls, j’improvisais une prise de vue, derrière la vitre de l’ascenseur, en direction du manège qui tournait encore, avec les sonneurs en selle dans cette nuit froide. Autre plan surprise qui mit fin à cette nuit de tournage riche en imprévus. Je me sentais plus à mon aise pour ce tournage que par le passé. Je sentais que je gérais de mieux en mieux l’alternance des séquences prévues et des séquences imprévues.

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Révision : 11 avril 2003