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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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IV. 3. Du deuxième montage du bout à bout, à la projection à la cinémathèque française

IV. 3. a. Le deuxième montage du bout à bout

Je repris le travail dans les locaux d’Udnie, car les membres du Comité du Film Ethnographique avaient décidé de laisser à ma disposition la table de montage Atlas qu’ils m’avaient prêtée, pour continuer le montage de ce nouveau bout à bout. Petit à petit, le premier bout à bout s’enrichissait des nouvelles séquences que j’ai décrites.

Je me souviens que pour ce nouveau montage, il me fallait arrêter le choix définitif de chacune des prises que je devais retenir pour chaque séquence. Chaque choix impliquait une réflexion importante. C’est même l’une des étapes les plus difficile que de choisir les prises de son propre film, tant la distance entre soi et le film est faible.

La séquence où Carolyn longe le bassin constitue un bon exemple de la difficulté de ces choix. J’aimais d’une façon égale deux des prises que nous avions tournées: la première était scandée par une série de vols de mouettes, de passage de cygnes et de canards, au premier plan; ils semblaient donner un rythme à ce plan séquence, où Carolyn dansait seule. La seconde prise ne comportait aucune enjolivure de ce style, mais elle me semblait mieux convenir au propos du film, en raison de l’atmosphère d’extrême solitude de Carolyn, qui la caractérisait.

Je mis des heures à choisir entre ces deux séquences, passant et revoyant chacune d’elles pour me décider. Je les avais mises toutes les deux, dans mon premier bout à bout, sans avoir pu me déterminer à choisir. L’idéal aurait été de conserver quelque chose de chacune. Mais je n’osais pas encore couper dans le plan-séquence, ni alterner la première séquence avec la seconde, craignant les effets de saute. C’est seulement quand j’ai intégré les plans du cygne et le plan du masque de la Liberté, sombrant dans le reflet de la tour Eiffel, que j’ai senti possible, lors d’un montage ultérieur, de "panacher" certains moments de la première séquence, avec des moments dansés, que je préférais dans la seconde prise. C’est en effet ce qui se produisit, au cours du troisième et surtout du quatrième montage. Pour l’heure, je me décidais à choisir la première séquence, tant j’aimais le vol des mouettes, au premier plan, dans le bassin.

Je montais l’ensemble du film en essayant, bien sûr, de supprimer toutes les répétitions. Je voulais que chaque geste ou chaque mouvement du corps de Carolyn ne soit vu qu’une seule fois. Je n’aime pas beaucoup assister à des répétitions de mouvements dans la danse et surtout dans la danse filmée. Cela fait toujours un peu songer à un procédé de style, à une rhétorique, et lasse rapidement. En revanche, si le mouvement n’est vu qu’une seule fois, il dégage une impression de découverte et d’émerveillement.

Ainsi, par exemple, pour la séquence de la marelle sur les douze pans de la carte du globe terrestre, je disposais d’environ une demi-heure de plans montés: c’était, bien évidemment, beaucoup trop long. Il ne s’agissait pas d’un reportage sur une marelle dans un jardin public. En outre, je me souvenais de certaines réactions, lors de la projection de mon premier bout à bout. L’ennui s’installe vite chez le spectateur, lorsqu’il n’y a pas de progression dramatique de l’action. Il fallait absolument que j’arrive, peu à peu, à dégrossir cette scène et à comprendre quels moments je devais privilégier.

Après remontage, cette séquence ne devait durer qu’une dizaine de minutes. Je savais que c’était encore trop long, mais je n’arrivais pas à me défaire de certains plans, et je voulais laisser reposer la pâte de mon film, avant de reprendre à nouveau cette séquence, dans un montage ultérieur.

Au cours de ces quelques mois de remontage du film, pendant lesquels je tournais les séquences décrites ci-dessus, (que j’intégrais, elles aussi, au fur et à mesure dans ce montage), je devais aboutir à une version d’une heure cinquante minutes: soit près de trente minutes en moins que le premier bout à bout de deux heures vingt. C’est dire à quel point j’ai taillé et élagué, à la fois dans l’ancien bout à bout, et dans les rushs cinéma et vidéo, d’une durée de plus de trois heures, qui correspondaient à toutes les nouvelles séquences que je venais de tourner.

Heureusement, j’ai finalement réussi à rétrécir le large tissu du montage de La momie à mi-mots, en essayant de le réduire à l’essentiel. Grâce à ce long travail, j’ai raccourci énormément certaines séquences, en évitant le plus possible toutes les répétitions et les complaisances.

C’est alors que Jean Rouch me demanda de lui montrer ce travail. Je fis, à nouveau, une projection dans la petite salle privée du Comité du Film Ethnographique, à la suite de laquelle il me fit une proposition terrifiante et excitante.

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Révision : 11 avril 2003