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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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IV. 3. b. La proposition de Jean Rouch et le troisième montage du bout à bout

À la suite de la proposition inattendue et surprenante de Jean Rouch de faire projeter, ce qui n’était encore qu’un bout-à-bout amélioré, dans la grande salle de la Cinémathèque française, au cours de son séminaire du samedi matin, je fus saisi par l’angoisse.

Jean Rouch m’avait dit, en plaisantant, qu’il arrivait parfois que certains films, en cours de montage, puissent passer par ce que l’on appelle, dans le jargon professionnel, "la boucherie": c’est ce mot qui me terrifia.

Mon film n’était pas encore terminé. Certaines séquences venaient juste d’être intégrées, notamment la séquence de l’enfant Écriture, et celle des mages après la résurrection de la momie. Je n’avais pas pu encore laisser reposer la pâte de mon film, suffisamment longtemps, pour la dévoiler ainsi à un public de connaisseurs. Le second montage du bout à bout s’était imposé, à partir du premier montage du bout à bout et des nouvelles séquences tournées, et je savais que seul un troisième montage, avec une certaine distance, devrait me permettre d’obtenir un résultat plus satisfaisant. Comment procéder à ce troisième montage, vital, en si peu de temps?

Jean Rouch m’avait mis en garde: cette projection devait se dérouler devant des spectateurs, pour la plupart professionnels ou cinéphiles, qui seraient très critiques et sévères, et qui n’hésiteraient pas à me "descendre".

Je dis à Jean Rouch que je ne sentais pas le film prêt pour une telle épreuve. Il me dit qu’il voulait absolument, pour le bien du film, me faire subir cette épreuve. J’acceptais donc et nous convînmes d’une date. Ce devait être un mois plus tard, le 28 novembre 1992.

Je me mis aussitôt au travail, pour parfaire ce bout à bout, et essayer encore de le raccourcir et de l’améliorer, au cours d’un troisième montage.

Je voulais essayer de présenter quelque chose de plus intense, de plus rythmé. Ma grande peur était que les personnes présentes s’ennuient: le film devait être projeté muet. Jean ne voulait pas attendre que je sonorise mon film. Il voulait que je puisse bénéficier de critiques sévères, et des avis émanant d’un public de personnes non averties du projet de La momie à mi-mots, sur la version muette, dans l’état où il l’avait lui-même découverte.

Je m’enfermais de nouveau dans la salle de montage d’Udnie et je retravaillais, une à une, mes séquences d’une façon de plus en plus critique.

Avec plus de distance, je cherchais, pour chaque séquence, à avoir le regard de quelqu’un d’extérieur au tournage, un regard "professionnel": c’est-à-dire moins complaisant, plus réfléchi. Cela me permit de supprimer encore, au cours de ce troisième montage, vingt minutes d’images.

J’étais finalement heureux de ce coup de fouet psychologique, qui m’avait amené à repenser, une nouvelle fois, tout le montage. Mais ce que je redoutais le plus, c’était le fouet du public.

Dans cette nouvelle version du montage j’avais, dès que je le sentais possible, créé des ellipses. Je sentais de plus en plus la nécessité de faire appel à l’intuition du spectateur.

Parallèlement, je préparais une invitation pour signaler cette projection à tous ceux qui avaient participé au tournage.

Près de deux années s’étaient écoulées depuis la fin du premier tournage, et j’espérais que cela serait une occasion, pour toutes les personnes qui m’avaient fait confiance, en travaillant bénévolement sur le tournage, de se rendre compte du travail accompli, et de dissiper en eux la crainte des raccords impossibles.

En effet, grâce à ce nouveau travail, j’avais réussi à faire raccorder tous les plans de La momie à mi-mots. J’espérais aussi que cette projection plairait à tous ceux qui m’avaient aidé, et qu’elle encourage certains d’entre eux à travailler encore sur ce film, si cela devait s’avérer utile.

Je voulais enfin profiter de cette projection pour inviter certains représentants d’organismes susceptibles de m’aider à financer les travaux à venir, et notamment la sonorisation du film.

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Révision : 11 avril 2003