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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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V. 3. b. De la technique des miniatures appliquée au montage image

Au cours du travail sur ces miniatures, que je continuais à peindre lorsque je ne remontais pas mon film, j’avais accru mon sens du détail: l’infiniment petit était devenu, pour moi, infiniment grand. Ces miniatures se coloraient de petits riens imperceptibles qui avaient pris des proportions gigantesques à mes yeux.

C’est cette recherche formelle du minuscule détail que je souhaitais appliquer au quatrième montage de La momie à mi-mots: il y avait, sans doute, des presque riens dans chacune des images du film, qui m’avaient échappé, auxquels je n’avais pas fait attention et qui, si je les apercevais, pourraient peut-être m’indiquer de nouveaux points de coupe.

Je pourrais donc, en appliquant l’œil du miniaturiste aux images de La momie à mi-mots, raccourcir mon film et retirer toutes impuretés formelles. Je n’avais pas oublié une autre réflexion, au cours de la projection, qui avait décrit le film comme relevant d’un genre indéfinissable: qu’il oscillait par moments du documentaire au film sur une chorégraphie, puis au film de fiction ou encore au film fantastique et enfin à un film sur l’art, etc. C’est cette impression de "bric à brac" fourre-tout, que je voulais à présent supprimer. Je voulais que le film soit, avant tout, la fiction d’un conte merveilleux. Je voulais aussi tenir en haleine le spectateur, l’amener à réfléchir. Il fallait pour cela travailler le montage, en créant des manques, qui susciteraient son intérêt. Et, bien sûr, pour faire appel à son intelligence, travailler le sens de l’ellipse.

Au cours des montages précédents, j’avais compris que l’art du montage reposait, en grande partie, sur l’art de l’ellipse. Comme dans une bande dessinée, l’intelligence du lecteur ou du spectateur d’un film doit pouvoir être mise à contribution directement. Il faut se servir de son intelligence, de son pouvoir de réflexion. Dans la bande dessinée, ou entre plusieurs tableaux d’un triptyque, par exemple, le lecteur ou l’admirateur va se trouver en face d’une case, ou d’un cadre, dont l’intérieur est le fruit de la réflexion du dessinateur ou du peintre. Une succession de réflexions aura abouti à la construction de l’image dessinée ou peinte. Il s’agira le plus souvent de figer un espace-temps, une fraction de seconde d’une vision, comme un instantané en photographie: un moment qui n’est déjà plus, comme la radiographie d’un instant. En fait, pour le spectateur, il s’agit de reconnaître par la forme, la couleur, le mouvement, le sens de l’image qu’il voit et peut admirer. Pour le tableau, comme pour le dessin ou pour tout autre art, ce sont les détails et le tracé qui comptent, et qui vont permettre la communication du sens. La force d’un dessin, ou d’une peinture, est aussi liée à la charge du tracé.

Entre deux dessins ou deux tableaux d’une même histoire, le spectateur va changer de point de vue. Il va changer d’espace et de temps. Ce n’est plus le même temps, ce n’est plus le même point de vue, ce n’est peut-être pas le même espace, ce ne sont peut-être pas davantage les mêmes personnages.

Le "regardant" va devoir faire un travail intérieur et s’adapter à la nouvelle réflexion de l’auteur. Il va s’interroger, au moins inconsciemment, sur la nouvelle image et s’imaginer, tout comme le peintre ou le dessinateur qui a produit l’œuvre, ce qui s’est peut-être passé entre ces deux espaces, ces deux cases, ces deux temps différents, ces deux images miroirs de temps figé. Une plus grande recherche, une plus grande attention permettront au spectateur d’entrer en communion avec l’intention tracée par le dessinateur ou le peintre: chaque touche compte en peinture. Elle est le fruit d’une réflexion. Il s’agit donc, là, d’une investigation qui permettra au spectateur de comprendre, petit à petit, comment le peintre a composé son œuvre, comment le dessinateur a placé ces personnages. C’est ainsi qu’un spectateur attentif peut communier en toute transparence avec les intentions et les réflexions qui ont amené le créateur à diriger son pinceau, de telle ou telle manière, à souligner d’un trait plus vif telle lèvre ou telle oreille, à placer telle pointe de blanc pour refléter, par exemple, une lumière. Le sens s’impose alors comme une évidence, lorsque le tracé l’a retrouvé. Le spectateur devient lui-même peintre.

Cette digression sur la peinture est nécessaire pour comprendre comment j’ai entrepris le quatrième montage de mon film. J’étais sûr, malgré les critiques bienveillantes, qu’il existait une Momie à mi-mots plus courte, plus dense, plus essentielle, plus originale, pour peu que je prenne le temps et la patience de retravailler chacune des images de ce troisième montage, au cours de ce qui allait devenir une étape très importante pour ma recherche, et un approfondissent de ma découverte du cinéma, grâce à ma propre expérimentation de peintre miniaturiste: le quatrième montage.

Je me suis aperçu que j’entreprenais le quatrième montage de mon film comme un peintre ou l’admirateur d’un tableau. En effet, le film n’est-il pas une suite de cases (24 ou 25 différentes pour recomposer une seconde d’image), dissociées les unes des autres, par le fin bord noir du cadre? Cette prise de conscience, que chacune des images d’un film est comme l’image d’une miniature peinte, devient évidente, dès que l’on sait un peu peindre, en détail. Elle fut nécessaire pour arriver à comprendre comment retravailler le montage de La momie à mi-mots. Comme je l’ai dit, il s’agissait de faire appel à l’intelligence des spectateurs et les rendre actifs, de la même façon que lorsqu’ils lisent une bonne bande dessinée, de Franquin ou d’Hergé, par exemple, ou qu’ils essayent de déchiffrer et d’entrer dans les sens d’un poème.

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Révision : 11 avril 2003