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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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V. 3. d. Exemple d’une prise (a) montée avec une prise (b) puis d’un retour à la prise (a) et ainsi de suite - la séquence de l’agonie de Carolyn dans le sable qui se termine par sa mort

Je voulais donner l’impression d’un cœur qui s’emballe.

J’avais choisi, pour la projection à la Cinémathèque, la prise sous la forme du plan-séquence tourné à l’épaule. La caméra avait été mobile et tourbillonnait autour de Carolyn. Je me souvenais de la remarque intéressante de la personne placée au premier rang lors de la projection à la Cinémathèque: elle avait était sujette à un effet de vertige désagréable et trop important. La caméra avait souligné, sans répit, d’une façon outrancière, le mal qu’éprouvait Carolyn et je m’apercevais en remontant cette séquence que la caméra était trop présente: on sentait trop ses mouvements au détriment du sujet principal, Carolyn. Il était cependant nécessaire d’obtenir l’effet désiré. Dans ce plan-séquence, je m’aperçus, qu’à certains moments pourtant, cette caméra s’immobilisait sur Carolyn et que ces moments de chorégraphie était plus intéressants que les moments où la caméra cherchait à se placer en tournant autour du sujet. Je coupais donc tous les déplacements de la caméra pour ne garder que les moments où la caméra était fixe sur l’action de Carolyn. Il s’en suivit une série de plans très courts qui, montés les uns à la suite des autres, rendaient compte de l’agonie de Carolyn de façon saccadée, comme des flashes, comme des pulsations.

Je fis la même chose sur la prise de la même séquence que je n’avais pas jugée utile de garder dans le montage. Je disposais donc de deux prises entièrement montées avec la même méthode. Carolyn agonisait dans les deux séquences en se traînant, comme possédée, jusqu’au bac à sable où elle finissait par mourir.

Je me suis aperçu que ces plans comportaient encore beaucoup d’éléments inutiles. En ayant moi-même improvisé ces deux prises, à l’épaule, pendant la chorégraphie de Carolyn, j’avais sans y prendre garde pris dans le champ des choses inutiles qui apparaissaient de temps en temps dans les bords du cadre. Ce pouvait être un tronc d’un arbre, un banc public, etc. Il fallait, pour rendre plus intense le sens de cette séquence, que Carolyn apparaisse très seule, sur le fond de terre et de sable gris jaune. Je devais privilégier tous les plans où elle était filmée en plongée, comme écrasée par son destin, sur ce fond couleur désert. Pendant cette séquence elle rampait par terre, marchait à quatre pattes, s’asseyait précipitamment, se relevait possédée d’un bond, agitait sa tête dans tous les sens, se recouchait sur le sol, etc.

Comme je l’ai déjà dit dans la partie concernant le tournage, j’avais assuré la fin de la séquence par une caméra fixe, placée sur pied, qui devait, le cas échéant, pour le montage, au moment de la mort, prendre le relais de la caméra épaule.

Cette séquence avait été également tournée plusieurs fois et je disposais ainsi, pour la partie finale de l’agonie de Carolyn, au moment de la mort, de plusieurs prises de vue de la même action par cette caméra sur pied.

Au cours de la version de la cinémathèque, j’avais choisi de montrer le moment de la mort de Carolyn par la prise de la caméra fixe en laissant de côté la prise épaule.

Lors du dernier montage j’ai appliqué, aux deux prises de la mort, la même méthode que pour l’agonie. Je supprimai toutes les images où des éléments extérieurs étaient apparus dans le champ pour souligner ici encore l’extrême solitude du personnage.

J’avais ainsi supprimé plus de 60% de la première prise épaule de l’agonie, 70% de la seconde prise de l’agonie, 50% de la prise de vue épaule de la mort et 60% de la prise sur pied au moment de la mort.

Restait à raccorder le nombre très important de plans restant de ces différentes prises. C’était bien évidemment le travail le plus intéressant. Il fallait "panacher" en alternant les plans de ces prises très différentes. Des effets de saute se produiraient inévitablement mais il s’agirait, dans le résultat final du montage de cette séquence, d’ellipses pour accentuer la violente chorégraphie de l’agonie jusqu’à la mort.

Bien évidemment, une nouvelle chorégraphie naissait, faite de deux prises de vues différentes, qui n’avait plus rien à voir avec celle qui s’était produite dans la réalité. Elle était le produit d’un tissage de différents moments de cette même chorégraphie, improvisée deux fois, de façon très différente. Tous ces plans n’étaient pas forcément raccords entre eux, même s’ils avaient été choisis selon le même critère de sélection: Carolyn, seule, sur fond de sable.

Il fut donc très difficile et très long de trouver les points où pouvaient se raccorder ces petits plans entre eux. C’est à force de recherches et d’expérimentations que j’arrivais à trouver l’agencement de ces plans. La chronologie de l’action n’avait plus aucune importance, sauf pour la fin au moment de la mort. Ce qui comptait le plus c’étaient les mouvements mêmes de Carolyn, ses sorties et ses entrées dans le cadre, les axes de prises de vues etc. Je raccordais donc, par exemple, des moments qui s’étaient passés après, dans la réalité, avant les moments qui s’étaient déroulés d’abord. Petit à petit, comme dans un puzzle, les plans s’agençaient les uns aux autres et ça marchait. Je ne pus inclure dans ce nouveau montage environ 15% des images sélectionnées qui ne trouvèrent pas leur place. En les regardant de plus près, il s’agissait souvent de moments moins intéressants où de répétitions de mouvements de Carolyn.

Je donnais naissance à une nouvelle chorégraphie entièrement axée sur le désespoir et l’extrême solitude de Carolyn. Ces multiples ellipses entre les plans qui se manifestaient par des sautes, donnaient un rythme nouveau et infernal à la séquence.

Il s’était créé, bien sûr, grâce à ces ruptures dans la chorégraphie, des espaces dans le film dans lesquels je pouvais maintenant introduire les séquences de délires, provoquées par l’état agonisant du personnage (et que j’avais remontées parallèlement). C’est ainsi que, tout naturellement, les séquences de délires ou de visions intérieures commencèrent à trouver leur place actuelle dans la séquence de l’agonie. Celles-ci devait être réduites à l’essentiel et devaient comporter un tempo très strict en harmonie avec le rythme de la chorégraphie de la séquence de l’agonie. C’est ainsi que toutes les visions ou les hallucinations de Carolyn furent remontées et réduites à l’essentiel, souvent à de très brefs moments, pour ne pas déséquilibrer la séquence de l’agonie et de la mort.

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Révision : 11 avril 2003