Accueil

 

" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

Sommaire

Page précédente

Page suivante

 

V. 3. e. Exemple d’une séquence de vision intérieure provoquant un vertige dû aux effets de saute.

Lors de la projection à la Cinémathèque, j’avais gardé intégralement toute la séquence de la descente en ascenseur dans la tour Eiffel. Certes, cette descente aboutissait au plan des petites tours Eiffel, tournant et se réfléchissant dans des miroirs. La séquence de l’agonie, remontée comme je l’ai dit, m’incita à revoir en détail cette descente en ascenseur. Le montage elliptique de l’agonie ne pouvait plus côtoyer cette scène de descente en ascenseur, filmée d’un seul trait, en un plan-séquence. Cette vision intérieure de Carolyn pourrait maintenant prêter à sourire, si je ne la modifiais pas: il y avait une disproportion de rythme et, au lieu d’apparaître comme vertigineuse, cette séquence risquait d’avoir l’air un peu naïve, et surtout de calmer le tempo de la chorégraphie de l’agonie. Si je ne trouvais pas quelque chose, pour intensifier la descente dans la tour Eiffel, je devrais supprimer cette séquence, et je ne voulais pas m’y résoudre. Ce à quoi il fallait aboutir, maintenant, c’était à une accélération et à une intensification des images de la descente. Mais comment le faire, sans avoir à retourner cette séquence? Lors de mon troisième montage, je n’avais gardé que la prise, qui m’avait parue la meilleure. C’est donc sur cette prise que je commençai à travailler. La descente dans l’ascenseur de la tour Eiffel était un travelling, qui avait pour sujet principal le manège du Carrousel de la Tour Eiffel, situé près du pont d’Iéna. Ce manège apparaissait tantôt strié à travers les travées métalliques des structures de la tour Eiffel, qui défilaient pendant la descente. À d’autres moments, on l’apercevait très clairement, sans aucune barre de métal, sans rien au premier plan. Je me dis que, si j’osais, je pourrais monter deux séquences avec cette même séquence: l’une où l’on apercevrait le manège toujours barricadé au premier plan par les travées de la tour Eiffel, l’autre où l’on descendrait sur le manège, sans qu’il ne soit jamais barré par aucune poutre métallique. C’est ce que je fis. Les deux séquences qui naquirent de ce travail étaient complémentaires. Mais bien sûr, je devais choisir celle qui correspondait le plus à la vision délirante de Carolyn. Après plusieurs tentatives, mon choix se porta sur la première: celle qui est barrée par les travées.

Il y avait bien sûr des sautes entre tous les moments que j’avais éliminés pour constituer la première séquence, mais ces ruptures imprimaient un rythme semblable à celui que j’avais trouvé pour la séquence de l’agonie. Un rythme haché, comme les pulsations d’un cœur qui s’emballe, était né de ce petit travail. Toute la descente en ascenseur était hachée et le manège apparaissait toujours, à travers les croisements des travées métalliques de la tour Eiffel. Lorsque j’intégrais cette séquence dans la scène de l’agonie, une impression de vertige intérieur naquit de la juxtaposition des deux séquences. Ça marchait très bien! J’avais bien fait, pour suggérer le délire et l’enfermement mental de mon personnage, de choisir la séquence où le manège semblait enfermé derrière les poutres de la tour Eiffel. Ainsi naquit, en plusieurs sautes raccords, la chute vertigineuse, vers le manège, qui se termine par la très courte vision kaléidoscopique des petites tours Eiffel, tournant sur un plateau, comme le manège, et réfléchies dans plusieurs miroirs.

En plaçant cette séquence après un plan où Carolyn est assise et regarde fixement devant elle, je compris que j’avais réussi à rendre ainsi la vision délirante de descente à l’intérieur d’elle-même. Je donnais ainsi à voir le piège mental, dans lequel elle croyait se trouver.

Au fur et à mesure de mon quatrième montage, je découvrais que l’unité de mon film se formait souvent dans la rupture.

Sommaire

Page précédente

Page suivante

 



Copyright © 2000 Lorimage. Tous droits réservés.
Révision : 11 avril 2003