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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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V. 3. j. Exemple d’un retournement de situation au montage: la séquence de la brocante

Comme je l’ai dit, dans la partie concernant le tournage de la séquence de la brocante, un important ennui s’était produit, lors du tournage de cette scène: elle avait été intégralement filée. À ma grande déception, les griffes entraînant la pellicule n’avaient pas marché correctement. Les techniciens du laboratoire n’avaient pas voulu développer cette boîte de 120 mètres, et pendant longtemps, je crus que je ne pourrais jamais utiliser cette séquence, qui nous avait coûté beaucoup d’efforts et que je sentais nécessaire. Pourtant, je ne pouvais me résoudre à croire que tout ce travail avait été fait en vain. J’ai donc voulu vérifier moi-même le négatif de cette séquence. Ma déception fut importante quand je constatai qu’effectivement une mauvaise manœuvre, au moment de la mise en place de la pellicule et agissant sur l’entraînement de celle-ci, avait provoqué cet incident.

Toutefois en regardant plus attentivement le négatif, j’ai vu que par instants, certaines images étaient plus nettes.

J’avais tourné cette scène dans l’idée de la placer au moment des hallucinations de Carolyn, avant sa mort. En fait, il s’agissait dans l’histoire d’une mise en abîme: Carolyn assistait à la vente, dans une brocante, d’une partie des accessoires utilisés pendant le film.

En découvrant que, par moments, le négatif comportât quelques images plus nettes, j’ai demandé, contre l’avis des techniciens, qui pensaient que je ne pourrais rien en faire (tant il s’agissait de trop brefs instants), que l’on me tire une copie de travail.

C’est alors que, patiemment, au cours d’un très précis montage chirurgical, j’éliminais tous les moments filés, pour ne garder que les images les plus nettes, bien qu’elles fussent elles aussi un peu voilées. Petit à petit, je découvrais qu’il pourrait y avoir une séquence très courte, mais utilisable. Je crois aussi que cette séquence a pu voir le jour parce que je l’avais tournée au ralenti: les quatre ou cinq images les plus nettes revenaient cycliquement, tout au long de cette bobine, et, grâce au ralenti, lorsque je raccordai les premières cinq images aux suivantes, l’action n’avait pas trop évoluée. Grâce à ces deux effets (ralenti et images nettes, tous les mètres à peu près) je pus tirer le meilleur parti de ces images, et disposer d’une séquence, certes un peu bizarre, mais intéressante, d’autant plus qu’il s’agissait d’une hallucination.

Au départ, cette séquence devait durer au moins deux minutes. Je crois qu’elle ne dure finalement qu’une vingtaine de secondes, et qu’elle est faite entièrement de plans de quatre à cinq images. Montée de cette manière, elle était devenue une vision étrange de Carolyn agonisante, tourmentée dans le sable. Elle s’intégrait donc, d’une façon plus originale que je ne l’avais prévue, au moment des visions infernales, des hallucinations de Carolyn.

Je mis longtemps à monter ces quelques secondes, où elle croit apercevoir une brocante, comme voilée, dans laquelle on semble vendre le titre même du film, La momie à mi-mots, et son propre nom: Carolyn Carlson.

Ce filage inattendu provoquait ainsi l’illusion de délire, et produisait cet effet de miroir intérieur à la limite de la cassure. La séquence me semblait ainsi plus forte, plus intéressante que si je l’avais intégrée, sous une forme normale, sans filage. Cet effet de filage avait remplacé le meilleur des trucages électroniques ou vidéo, en créant un effet de surprise dans le montage. Cela, nous l’avons vu, n’alla pas de soi, et fut fort long à découvrir.

Il fallut aussi surmonter un grand découragement initial.

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Révision : 11 avril 2003