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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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VI. 1. L’Aurore

Je reviens aujourd’hui, 25 Juillet 1995, d’un petit tournage vidéo au jardin Marco Polo.

La statue de "la femme aux bras levés", qui avait été enlevée depuis un an pour être restaurée, est revenue.

J’ai eu la chance d’assister à son retour et ce spectacle m’a permis de faire une découverte importante, qui pourrait éclaircir encore le contenu de La momie à mi-mots.

Pour la replacer sur son socle de pierre veinée de Bourgogne, une grue de 90 tonnes est intervenue et a été placée derrière la fontaine Carpeaux, à l’endroit même où j’avais, autrefois placée la momie, en attente de sa résurrection. J’ai pu prendre en note, avec la caméra vidéo d’Udnie, le moment où cette statue a été soulevée hors du camion qui l’avait transportée, hissée au-dessus des deux allées d’arbres du square, redescendue dans les airs, pour être replacée sur son socle.

J’ai aussi tourné un plan dans lequel la statue se trouve en plein ciel, au moment où elle est placée juste au-dessus du globe de l’Univers, soutenu par les danseuses de la fontaine Carpeaux. Cette séquence est née à la faveur d’un effet d’optique dû à un cadrage, que j’ai découvert, devant la fontaine, et à la position de la statue dans le ciel, lors de son ascension.

Le conservateur de la ville de Paris veillait à l’opération. Il a été chargé de la restauration du monument et j’ai pu m’entretenir un moment avec lui. Il m’a raconté les choix qu’il avait faits pour la restauration de l’œuvre: les avant-bras, les mains, une rose et l’étoile sur la tête avaient été rendus à la sculpture mutilée, grâce à des photos anciennes soigneusement consultées.

Je lui ai alors demandé le nom de la statue: L’Aurore. Enchanté par la découverte du nom de cette statue, que j’avais jusqu’alors appelée "statue de la femme aux bras levés", je lui ai aussitôt raconté que je m’étais servi de cette statue dans mon film. Le nom de cette statue éclaircissait, si j’ose dire, d’un jour nouveau, les séquences que j’ai tournées à cet endroit! La séquence de "la parque-yo-yo", ainsi que la dernière séquence de La momie à mi-mots se chargeaient maintenant d’un sens qui confirmait ce que j’avais voulu dire dans le film.

La connaissance du nom de cette figure allégorique coïncidait bien avec l’idée d’une résurrection, placée sous le signe de L’Aurore, d’un jour nouveau.

Cet emplacement et la statue de "la femme aux bras levés" avaient toujours préfiguré à mes yeux la résurrection à venir de Carolyn. Maintenant que la statue s’appelait L’Aurore mon scénario n’en avait que plus de sens. Je connaissais aussi désormais, grâce au conservateur, le nom de la seconde statue, vers laquelle Carolyn se dirige, suivie par tous les enfants, à la fin du film. Il s'agit du Zénith.

Certes je savais, comme je l’ai déjà signalé, que le square Marco Polo avait été construit sur l’axe de l’ancien méridien de Paris, mais j’ignorais que les quatre statues, qui ont été placées dans l’enfilade, étaient les allégories des quatre principales parties du jour: Aurore, Zénith, Crépuscule et Nuit. Cette récente découverte, au moment où je commence la relecture de la conclusion de cette thèse, me paraît importante: ainsi, j’avais placé sans le savoir Dorian, l’enfant métis de l’avenir, sous la statue de L’Aurore, du jour nouveau, pour que Carolyn lui remette la baguette magique, la baguette de la renaissance du monde, sous le signe du métissage.

À l’heure qu’il est, je me demande encore si, pour parachever le film, je ne vais pas, soit utiliser les plans tournés en vidéos de la statue en plein ciel, soit organiser un nouveau tournage, pour bénéficier de cette statue réparée 159. Celle-ci pourrait bien apparaître à la fin du film, après que Dorian a laissé derrière lui, au pied de la statue, la baguette magique. Ainsi, en l’espace de quelques images, le spectateur, attentif aux détails du film, verrait que, tout à coup, la statue, qui n’avait pas de bras ni de mains, les a retrouvés. Le merveilleux, qui est l’un de mes soucis majeurs dans le film, trouverait ici une confirmation miraculeuse. Il serait incroyable que je me décide à tourner une ultime séquence du film, trois ans après mon dernier tournage, au moment où j’achève la rédaction de cette thèse, où je m’attelle au tournage des intertitres sur les panonceaux et au tournage du générique! Mais l’incroyable n’est-il pas la loi de ce film? Et du cinéma en général?

Oserais-je dire que je vois dans la restauration de l’Aurore, qui a retrouvé ses bras, une preuve du pouvoir - pour ainsi dire - magique du cinéma? Comme si la réalisation de La momie à mi-mots avait permis que soit aussi concrétisé le message de résurrection du film et que l’Aurore ressuscite enfin dans la réalité? Oui, le cinéma peut "changer la vie" (Rimbaud)!

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159 C’est cette seconde idée, d’un ultime tournage, au pied de la statue restaurée et blanchie, que j’ai retenue et réalisée en août 95, après avoir tourné le générique. J’ai depuis inséré, dans la séquence finale du film, ces nouveaux plans. Je crois avoir réussi à donner l’idée que la statue, elle-même, est ressuscitée. Sa résurrection accompagne désormais celle de la momie.

 



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Révision : 11 avril 2003