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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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VI. 3. e. Notes sur le cinéma

La réalisation de La momie à mi-mots m’a permis de pousser, au plus loin, ma réflexion sur la peinture et le cinéma, que j’avais commencée dans le cadre des études et en réalisant de petits courts-métrages en super 8, 16 mm ou en vidéo.

J’ai conscience d’avoir eu une grande chance: réaliser un film-thèse. Ce film m’a permis de faire l’apprentissage de l’un des outils les plus précieux, que l’homme a inventé: la caméra.

Quel que soit son format, et son support, cette invention est, comme la typographie en son temps, l’une des plus nobles chances de salut de l’homme 171. Grâce à elle, la communication des plus beaux moments de l’existence, des plus beaux rêves est possible. Au moment où l’on déclenche sa caméra et où l’obturateur s’ouvre et se referme 24 ou 25 fois par seconde, sur la réalité ou sur une mise en scène, c’est une possibilité merveilleuse qui est offerte à tous: la communication de ce moment donné à quelques-uns, qui sera partagé par d’autres, en d’autres temps.

L’acte qui se produit devant la caméra est donc éternel: c’est, pour l’éternité, que s’imprimeront les gestes, les attitudes, que j’ai mis en scène, et sélectionnés dans le montage de La momie à mi-mots.

Ce film m’a permis de prendre conscience que tout ce que nous faisons, nous disons et nous pensons, s’inscrit d’une façon indélébile, sur la pellicule de l’espace, qui nous entoure.

Il va de soi qu’avec cette conscience maintenant acquise, je souhaite devenir un bon acteur, et un bon metteur en scène, de ma propre vie: mieux vaut laisser de belles traces que des traces de dépression ou d’angoisse (comme Carolyn dans la première partie du film).

Il faut vivre dans la lumière, avec l’idée qu’une caméra filme, en continu, notre vie: notre conscience.

Et si la conscience n’était autre qu’une sorte de caméra intérieure, sur laquelle s’impriment nos faits et gestes et nos pensées?

Et si la caméra et l’appareil de projection, n’étaient autres que la traduction mécanique d’un principe humain: l’œil?

Notre tête possède deux yeux, deux petites caméras braquées sur la réalité, et peut-être notre boîte crânienne contient-elle aussi, une sorte d’écran, où se projettent la vie et nos pensées, à 180°.

Nous sommes des êtres en réflexion, dans le vaste miroir de la vie, avec un miroir (qu’il ne faut pas salir et qu’il faut même constamment nettoyer, comme celui d’une caméra), placé derrière l’obturateur de nos yeux.

J’ai aussi appris, grâce à ce film, à mieux maîtriser la vidéo. Cet outil offre des possibilités étonnantes, et permet des choses très différentes du cinéma. Il est d’une certaine manière ce que l’aquarelle est à l’huile en peinture, toute proportion gardée. Certes le cinéma n’est pas supérieur à la vidéo: ces deux outils sont très différents comme peuvent l’être un marteau et un tournevis; ils ont chacun leur spectre de possibilités propres. L’erreur consiste à vouloir employer le tournevis comme marteau, ou une caméra vidéo comme une caméra cinéma.

Je pense que la vidéo est un complément indispensable au cinéma. Je n’aurais jamais pu réaliser les images vidéos de La momie à mi-mots en cinéma.

Les hommes se diversifient dans des techniques d’expressions différentes, pour mieux s’unir. Comme Claude Beylie, je pense: "Mon avis est qu’il n’y a pas d’arts majeurs et d’arts mineurs: l’activité créatrice est une, ce ne sont que les moyens qui diffèrent"172.

Tout comme pour le cinéma, il faut comprendre l’outil dont on dispose, avant de le manier. Maîtriser une technique nouvelle est indispensable avant de s’en servir.

Puis-je me permettre, au terme de mon travail, de tenter de redéfinir la notion de long-métrage? J’avais appris, quand j’étais en licence, qu’un long-métrage comporte une moyenne de 600 plans et dure plus de 55 minutes. Mon film comporte 1500 plans environ, et ne dure que quarante-deux minutes. Est-ce un long-métrage pour autant, est-ce un moyen métrage? Si je n’avais pas retravaillé mon film, après la projection de la copie de travail muette, à la Cinémathèque, le film ferait encore une heure trente minutes et serait donc considéré comme un long-métrage.

Et pourtant il me semble qu’il importe peu finalement que l’on parle de moyen ou de long-métrage, tant ces concepts me paraissent peu pertinents, à l’épreuve du temps et de l’énergie que j’ai consacrées pour le réaliser durant sept ans.

Peut-être faudrait-il redéfinir cette notion de métrage, en dehors des impératifs commerciaux ou des grilles de programmation de télévision.

À mes yeux un film doit avoir une durée propre. J’aurais très bien pu rajouter treize minutes de plus, de façon à obtenir ce qu’on appelle un long-métrage, mais je crois que cela aurait été une tricherie, une concession à un code extérieur au film. Un film doit avoir une durée intrinsèque, en dehors du temps. Il fait oublier que le temps existe! Il faut oublier que le temps existe!

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171 Voir Enrico Fulchignoni répondant à Claude Beylie in Le plaisir du film, éditions Papiers, p. 62:"On ne réfléchit pas assez au fait qu’à partir des années 1895 le destin de l’humanité a changé, dans la mesure où tout à coup la possibilité de fixer sur un support la fugacité des images et un peu plus tard des sons, a rendu l’intemporel permanent et stable."

172 Claude Beylie: Le plaisir du film, éditions Papiers, 1986, p. 65

 



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Révision : 11 avril 2003