" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique.
Genèse d’un film.
II. 6. Les derniers jours avant le tournage
II. 6. a. Les dernières préparations et vérifications
Une grande effervescence a régné les derniers jours précédent le tournage.
Dois-je rappeler ici que j’étais le point de convergence de toutes les décisions et que je jonglais continuellement entre mes différentes fonctions de producteur, de réalisateur, d’assistant, de metteur en scène, de décorateur et avec mes récentes attributions de chef opérateur et de cadreur, etc?
Les bureaux de l’association Udnie, mon studio et l’appartement de mon assistante Michèle Finck avaient été réquisitionnés pour y entreposer les accessoires ou les éléments de décors, pour en faire les lieux de rencontre entre les différents membres de l’équipe qui devaient être amenés à travailler ensemble. C’est aussi là que l’on procédait aux essayages ou aux tests de matériel.
Pour trouver un lieu de recueillement propice à la réflexion et au repos, il ne me restait que la baignoire, où je m’étendais souvent sans vouloir éclairer la salle de bain. L’absence de lumière me calmait aussitôt.
Je devais aussi veiller à rassembler tout le matériel. Dans ce dessein, mes parents avaient plus d’une fois été mis à contribution. Il fallait vérifier chacune des caméras, chacun des objectifs, chacun des magasins, chacune des batteries. Il manquait aux pieds des caméras des adaptateurs, permettant de fixer le type des caméras que nous avions choisi d’utiliser. Il fallut trouver ces sortes de vis et courir pour cela les magasins photographiques.
La question du choix de la sensibilité de la pellicule à utiliser pour l’ensemble du film était demeurée sans réponse. Je passais donc beaucoup de temps au téléphone avec des spécialistes différents en la matière, pour obtenir d’eux des renseignements sur les caractéristiques des différentes sensibilités et émulsions existantes et pour comparer les conseils souvent divergents qu’ils me donnaient, afin de me faire la meilleure idée possible du choix à effectuer pour mon film. Après les renseignements pris sur toutes les pellicules disponibles, j’ai choisi la sensibilité de la pellicule en fonction de la saison de mon tournage (l’hiver) et des risques que nous encourions en raison de la météo incertaine. C’est donc pour la pellicule de 200 asa de chez Kodak (l’un des sponsors de mon film) que j’arrêtai mon choix. Dès lors, je dus convaincre les responsables du comptoir Kodak-cinéma de Paris de mettre de côté les boîtes de pellicule de 200 asa de la même émulsion, pour le cas où nous manquerions de pellicule durant le tournage. En effet, je souhaitais utiliser sur l’ensemble du film la même émulsion. J’espérais remédier ainsi au manque d’unité qu’aurait le film, au niveau des prises de vues: j’avais certes obtenu de nombreuses caméras en prêt, mais aucune n’était de la même marque. Par conséquent j’espérais pouvoir utiliser la même émulsion avec ces caméras différentes, pour donner une patine d’ensemble à mon film.
Mais une autre question soulevait encore d’importants problèmes en cette avant-veille du tournage: qui seraient les opérateurs de prises de vues? Les circonstances 131 ne m’avaient pas permis de réussir à constituer une équipe image pour La momie à mi-mots. Je dus déployer alors une énergie considérable pour trouver, en si peu de temps, des opérateurs de prises de vues disposés à travailler gratuitement dès le surlendemain. Je dois dire ici que cette course contre la montre me servira de leçon: je sais, depuis lors, qu’il est vital de rassembler très tôt l’équipe image et qu’il ne faut surtout pas attendre les derniers jours pour faire ces recherches, comme j’ai malheureusement dû le faire. Peut-être faudrait-il veiller à trouver l’ensemble de ces techniciens en même temps que l’on choisit les acteurs?
Recrutant au dernier moment ces opérateurs de prises de vues, je n’ai pas eu le temps de me rendre compte si nous avions les mêmes conceptions pour composer une image dans un cadre de caméra. Je n’ai pas non plus eu le loisir de prendre connaissance de leurs travaux précédents. J’ai donc dû, tout le long du tournage de La momie à mi-mots, veiller particulièrement à bien m’expliquer auprès d’eux et à leur décrire avec minutie ce que je souhaitais apercevoir dans le cadre. Je n’ai pas pu me reposer sur leur esprit d’initiative, comme cela est possible lorsqu’on travaille avec des personnes que l’on connaît. J’ai donc été à la fois désireux et anxieux, pendant tout le tournage, à l’idée de voir les résultats des prises de vues. Cette anxiété s’est accrue du fait d’une difficulté que j’ai déjà évoquée: il m’a fallu changer d’opérateur presque quotidiennement, puisque j’avais accepté le service de ces cadreurs
en fonction de leur disponibilité. Évidemment cette anxiété redoublait avant la projection des rushs: qu’allais-je voir? Et si je ne m’étais pas bien exprimé? Et si la caméra avait tremblé? Et si le point n’y était pas? Et si ?.. Et si...? Autant de situations redoutées, à tort, qui augmentaient mon angoisse et me torturaient. Je crois rétrospectivement que cela était dû en grande partie à mon manque de confiance à l’égard de ces opérateurs que je ne connaissais pas assez, avant la réalisation pratique des images de mon film.
C’est, je crois, la raison principale qui m’a conduit à être moi-même, dès que je le pouvais, le principal opérateur de prises de vues de mon film: ainsi, je n’aurais qu’à m’en prendre à moi-même au cas où les images seraient ratées. Je me suis donc attribué cette nouvelle fonction pour les plans où je n’étais pas acteur, en me fondant sur mon expérience passée (photo, vidéo, courts-métrages que j’ai déjà mentionnés). C’est ainsi à une confiance - peut-être excessive - en moi-même que je dois d’avoir réalisé la plus grande partie des images de mon film!
Toutefois, en définitive, pour chaque jour de tournage, quelques opérateurs de prises de vues se sont avérés disponibles. Un roulement s’est établi en fonction des disponibilités de chacun.
Ma dernière soirée avant le tournage, fut en partie consacrée à la projection des essais caméras. On m’avait prêté une visionneuse au cas où le vieux projecteur Heurtier en 125 volts de mon grand-père, ressorti pour l’occasion, ne marcherait pas. Durant cette projection, j’ai ainsi pu me rendre compte que certains des chargeurs des caméras que l’on m’avait prêtées comportaient des anomalies. Je les ai mis de côtés, afin qu’ils ne soient pas utilisés par erreur, séparant le bon matériel du mauvais matériel (ce qui est une opération indispensable avant chaque tournage). J’ai dû, au plus vite, rendre le matériel défectueux aux organismes prêteurs ou loueurs et l’échanger. De nouvelles vérifications ont été alors nécessaires.
En cette veille de tournage, je disposais malgré tout d’un nombre suffisant de chargeurs en bon état pour ne pas avoir à rapporter le matériel, ni à l’échanger à la dernière minute. Je constatais donc avec soulagement qu’il n’y aurait pas à procéder à de nouveaux essais pendant la première journée de tournage.
Tout était fin prêt, techniquement, pour le lendemain. Il ne me restait qu’à tester les batteries et à en vérifier la charge. Je mis en charge toutes les batteries qui avait perdu de l’énergie.
Une fois ces questions techniques résolues et la vérification d’usage des accessoires et des costumes du lendemain effectuée, il était grand temps de réfléchir à nouveau à la mise en scène du lendemain matin.
131 Voir plus haut les nombreux chefs opérateurs pressentis mais finalement indisponibles.