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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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II. 2. c. 3. Roland Godard: le pianiste bastringue; le passeur Charon

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J’ai rencontré (encore par hasard!) Roland Godard au Bullier 94. J’avais tout de suite aimé me rendre dans ce restaurant les soirs où Roland jouait du piano. Ce lieu était animé avec bonheur par les sons de l’important répertoire musical que Roland connaît.

Nous avons sympathisé, je fus impressionné par la qualité des sons qu’il produisait et par sa façon de jouer: ses mains surtout étaient étonnantes: elles dansaient toutes seules sur le clavier du piano. On aurait dit qu’elles bougeaient d’elles-mêmes et qu’elles se mouvaient indépendamment de la volonté de Roland (Roland m’a dit par la suite qu’il recherchait un état proche de l’autohypnose quand il jouait du piano ce qui m’intéressa, car en peignant j’ai souvent cherché à faire une expérience comparable).

Il m’a parlé de ses débuts: il avait commencé par être cuisinier tout en étant pianiste. Il avait été enfin, le dernier pianiste de Boby Lapointe. Il m’a rappelé que B. Lapointe avait été également cuisinier avant de chanter. Il me montra des photos où Boby et lui jouaient ensemble. Sur cette photo, Roland ressemblait beaucoup à son aîné, ils semblaient être des sosies. Roland m’a dit qu’à de nombreuses reprises on avait pu les prendre autrefois pour des frères.

C’était merveilleux et étonnant de rencontrer le pianiste de B. Lapointe car, depuis quelque temps, j’écoutais souvent l’intégrale de Lapointe. J’aimais tellement son esprit que j’avais fait dernièrement une série de vidéo-clips sur des chansons de B. Lapointe 95. J’en ai parlé à Roland qui était très sceptique quant au résultat que ces clips pouvaient donner: beaucoup de films avaient été tournés sur et avec des chansons de Lapointe, mais Roland avait toujours été déçu. Il n’avait jamais trouvé rien d’intéressant. Je lui ai proposé de les visionner, ce qui m’a rendu très heureux et inquiet (c’était un peu pour moi comme si j’allais montré mes derniers travaux à Boby Lapointe en personne).

Roland allait, à ma grande surprise, beaucoup aimer le rythme de mes clips (pour la plupart, ils comportent 4 plans par secondes, c’est-à-dire un enchaînement rapide d’images). Roland aimait l’esprit dans lequel j’avais tourné et monté ces clips.

Lors d’une nouvelle rencontre au Bullier, il m’a confié l’existence de son piano bastringue et m’a donné rendez-vous aux puces de la Porte de Vanves. Ce fut là que j’allais découvrir à quoi ressemblait un piano bastringue.

C’était à l’aide d’une camionnette, qui servait au transport de cet instrument, que Roland se déplaçait. En fait, il s’agissait d’un piano de petite taille et de faible poids. Il était monté sur des roulettes et la force seule de l’Hercule qu’est Roland Godard suffisait à le faire sortir du véhicule, en le faisant rouler sur un plan incliné, jusqu’au trottoir. De cette manière, Roland pouvait apporter son piano n’importe où, avec une relative autonomie de manœuvre.

Le son de ce piano ne ressemblait guère à ceux des pianos traditionnels. Il était assez drôle car les notes sonnaient comme si elles étaient produites par une batterie de casseroles. On oubliait vite ces sons peu harmonieux car Roland en jouait très bien. Il accompagnait souvent son bastringue en chantant.

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Un jour, Roland me parla d’un endroit qu’il connaissait sur la Seine, où un petit radeau en bois permettait le passage d’une rive à l’autre. Je me souviens que l’idée de poser le piano bastringue sur ce radeau, et de le filmer en train de traverser la Seine, est née ce jour-là.

J’ai demandé à Roland s’il pensait possible d’envisager de jouer du piano bastringue, tout en traversant le fleuve de cette manière, pour une vidéo que je serais heureux de réaliser. L’idée de se produire de cette façon avec son instrument enchanta Roland: il se souvenait qu’autrefois, il avait emprunté ce radeau qui était relié à l’autre bord du fleuve par une série de câbles (ce qui le rendait plus stable). J’allais donc le filmer du pont, en surplomb, entrain de jouer de son petit piano, installé sur ce radeau, sur la durée d’une traversée. C’est ainsi qu’est née l’idée de la traversée qui est maintenant réalisée, d’une autre façon, dans La momie à mi-mots.

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Roland allait bientôt me dire qu’il n’était plus possible de tourner la scène comme nous l’avions prévue. Le radeau si enchanteur qu’il avait emprunté quelques années auparavant pour traverser la Seine avait échoué lamentablement; laissé à l’abandon, il était devenu une épave.

Lorsque j’ai obtenu la subvention du G. R. E. C. pour La momie à mi-mots, j’en ai fait part à Roland, lors d’une soirée sympathique où j’écoutai son répertoire au Bullier. Pourquoi n’utiliserai-je donc pas l’idée d’une traversée avec le piano bastringue et Roland, en l’adaptant pour La momie à mi-mots? Ce fut dans un petit bateau 96, et non plus sur ce radeau, que Roland allait finalement faire sonner son piano bastringue, après réécriture du scénario.

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Après repérage 97, j’ai enfin trouvé le lieu qui permettait de donner l’illusion d’un fleuve: c’était le petit étang sous la Tour Eiffel. Cadré serré du premier étage de la Tour, on pouvait croire qu’il s’agissait d’un fleuve; et le risque était moins grand pour nous de réaliser la séquence 98 que si nous l’avions tourné sur la Seine. Roland fut très heureux de lire la nouvelle version du scénario dans laquelle il figurait comme l’un des mages. Au fur et à mesure des rencontres, nous allions réfléchir ensemble à son rôle. Qui devait-il représenter? Comment devait-il apparaître? Et surtout qu’elle devait être la nature de la composition musicale que je souhaitais obtenir de son piano bastringue? Après avoir emprunté le matériel à Elison, j’enregistrais sur le D. A. T. Roland et son bastringue, qu’il avait apporté à Udnie, par les moyens que l’on sait. Udnie était devenu un véritable studio d’enregistrement avec des fils partout, des micros sur une perche parapluie. C’est alors qu’avec Michèle Finck, qui jouait sur un piano normal, en accompagnement, j’enregistrais plusieurs musiques.

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Nous avons vite compris que le rôle de Roland était celui du passeur, une sorte de Charon sur l’Achéron des morts. Il devait faire traverser ce fleuve (imaginaire) à Carolyn et il fallait que la musique témoigne de ce passage et de cette gravité. Dans l’autre séquence, c’était une poursuite de l’homme masqué derrière Carolyn que la musique devait accompagner. La scène se passait près du manège, dont la découverte avait entraîné une nouvelle modification du scénario, et le piano bastringue était plastiquement en accord ici avec le bel objet qu’était l’orgue limonaire de foire de 1900.

L’idée centrale de cette nouvelle scène, que devait soutenir la musique, était l’annonce d’une catastrophe, l’imminence de la crise de Carolyn. Aussi avons-nous eu l’idée que Roland se saisisse d’un marteau et en frappe violemment le clavier. Roland m’a dit qu’il possédait un petit marteau dont le battant était en mousse noire et qui pouvait faire l’affaire. Je lui ai dit que c’était exactement cela qu’il fallait. De cette façon il n’abîmerait pas les touches du bastringue. On aurait l’illusion qu’il allait frapper sur son instrument de toutes ses forces.

Nous allions enregistrer des coups, des notes très fortement battues et on croirait au montage final qu’il s’agissait des sons du piano bastringue frappé par ce marteau.

Michèle Finck et Roland au bastringue se sont déchaînés pour la partie concernant la poursuite de Carolyn.

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Roland m’a accompagné dans l’atelier où j’enregistrai Michel Deneuve 99 et a improvisé, sur les percussions Baschet, un accompagnement, pendant que Michel jouait du cristal. Ce furent de beaux moments musicaux où je tentais d’exprimer, de chercher et de trouver en leur compagnie toutes sortes d’indications concernant l’atmosphère musicale de certaines scènes de mon film.

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Dans cet atelier, nous nous sommes enfermés dans l’une des pièces, studio d’enregistrement pour l’occasion, et nous avons travaillé les morceaux jusqu’à ce qu’ils me semblent correspondre à l’idée que nous nous faisions de la scène. Le lieu était sympathique et favorable à l’inspiration, car il était entièrement bricolé à la main par ces deux artisans de génie que sont les frères Baschet. Tout avait été fait par leurs soins. Dans la cuisine se trouvaient les casseroles, les poignées de portes, un système original de chasse d’eau avec des contrepoids, qui étaient de véritables œuvres d’art.

Périodiquement, je faisais aussi écouter à Roland les enregistrements des autres musiques du film pour avoir son avis.

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94 Restaurant appartenant à la Closerie des Lilas, qui va jouer un rôle important durant le tournage, voir partie s’y référant.

95 Lena, Eh v'nez les potes, La peinture à l'huile, L'hélicon, Roger Van Rogger :5 vidéoclips sur des chansons de Boby Lapointe produits par Udnie et que j’ai réalisés.

96 Voir partie concernant les accessoires, pour savoir comment j’ai trouvé le bateau.

97 Voir partie concernant les repérages.

98 Voir partie concernant le tournage.

99 Voir partie concernant ce compositeur.

 



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Révision : 11 avril 2003