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" La momie à mi-mots": Un essai cinématographique. 

Genèse d’un film.

 

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II. 2. c. 4. Alain Kremski: pianiste et compositeur pour bols tibétains; un mage musicien

J’avais vu, il y a quelques années, à mon arrivée à Paris, le très beau film de Peter Brook: Rencontre avec des hommes remarquables. J’avais été également sensible à la musique de ce film et j’avais découvert que son compositeur, Alain Kremski avait fait un disque Liszt/Schubert, Liszt/Wagner, Kremski/Mahler que j’avais acheté. Lorsque l’architecte Nicolas Michelin m’avait demandé de faire une vidéo sur le Conservatoire de Région de Rueil-Malmaison qu’il était en train de construire, j’avais choisi l’une des interprétations du disque d’Alain comme accompagnement musical aux images de ce vidéopoème.

J’avais donc, bien sûr, été très heureux de le rencontrer par hasard, il y a quelques années, à la suite de mon spectacle Autour du vidéopoème: "La Porte". Il était venu me dire ce qui l’avait touché dans cette performance-spectacle. J’avais utilisé la musique électroacoustique de Jean-Claude Eloy pour accompagner la chorégraphie. Alain m’avait dit à quel point il avait été sensible à ce choix musical, ainsi qu’à l’atmosphère qui s’en dégageait. Je lui avais naturellement parlé de mon vidéopoème d’architecture Archi-Têtes, Achi-conservatoire dans lequel j’avais utilisé un extrait de son disque, et il avait été curieux de le voir.

J’ai projeté cette vidéo à Alain dans la crypte Sainte-Agnès de Saint-Eustache, à la suite d’un spectacle Ségalen dans lequel il jouait du piano et que j’avais filmé en vidéo. Alain apprécia ce vidéo-poème et nous avons commencé à entretenir des relations amicales et musicales.

J’allais découvrir un peu plus en détails le parcours 100 prestigieux de mon aîné Alain Kremski. J’ai réalisé avec lui et avec le poète Claude Vigée 101 une vidéo, L’hombre Lumière, pour le Colloque de Cerisy-la-Salle consacré à Claude. Ce fut en concert, au musée de Montmartre, que je tournais la partie concernant Alain. Au cours du colloque, Alain fut invité à jouer des bols tibétains. Je le filmais en vidéo.

Alain m’entraîna au Moulin d’Andé (dont j’ai parlé dans la partie concernant Michel Deneuve), où il me présenta à la maîtresse des lieux, Suzanne Lipinska.

C’est là que j’ai eu plusieurs fois l’occasion de l’écouter seul ou en compagnie d’autres musiciens. C’est là, comme dit précédemment, que j’ai aussi fait la connaissance de Michel Deneuve 102.

Plusieurs fois, lors de concerts, j’ai aidé Alain à transporter les nombreux bols tibétains. Ce fut aussi sur le toit de la Fiat 500 que l’on me prête pour mes déplacements parisiens que nous les transportions. Nous avions coutume de remonter ensuite, sans ascenseur, dans son appartement situé sur les toits de l’île de la Cité, les sept énormes sacs très lourds, remplis de bols. Ce fut aussi grâce à ces transports qu’est née ma passion pour les bols.

Chacun de ces bols avait appartenu à un moine tibétain. Il avait été conçu pour ce moine à partir de son thème astral. Il est fait dans un alliage de neuf métaux dont les proportions varient en fonction de ce thème astral. Le moine se servait du bol soit pour manger, soit pour le faire sonner, lors de cérémonies religieuses. Chacun des bols d’Alain sonnait différemment et correspondait à une note de musique bien particulière qui résonnait longtemps quand on le frappait doucement.

C’était dans les altitudes du Tibet que l’on avait procédé à la fonte de ces bols. La fonte de métaux en altitude, paraît-il, ne donne pas le même résultat qu’en basse altitude. Lorsqu’il sonne, dit-on, c’est en quelques sortes la sonorité correspondante à l’âme du moine que l’on fait sonner.

Alain possède une grande collection de ces précieux bols. Il avait créé et interprété pour eux plusieurs morceaux de musique, de véritables pièces avec partitions musicales que l’on peut écouter sur cassette ou en disque.

J’avais pensé à Alain dès la première écriture du scénario 103: il pouvait être un excellent "mage", en apparaissant, avec ses rythmes musicaux et son visage de statue de bonze, au cours du rituel de momification. Bien plus tard le scénario allait se modifier, sous une double contrainte: en effet, Alain m’a dit, quelques jours avant le début du tournage, qu’il ne pouvait participer à la scène prévue car il avait fait un rêve qui lui avait annoncé qu’une chose terrible allait lui arriver s’il y participait! D’autre part, me dit-il, c’était exactement à l’endroit où je voulais le faire tourner que, lorsqu’il était enfant, sa mère l’avait emmené jouer et qu’il avait assisté aux disputes terribles de ses parents, avant qu’ils ne se séparent.

Malgré l’attrait que représentait la collaboration avec Carolyn Carlson, Alain, comme nous le verrons dans la partie concernant le tournage, ne participera pas à cette scène de mort.

Il allait falloir que je trouve par la suite l’astuce qui allait donner à Alain l’occasion d’être acteur dans La momie à mi-mots. Bien plus tard, à la suite de l’un des montages du film, l’absence d’Alain s’est révélée être un véritable manque. L’idée me vint alors de lui demander de jouer, sur le toit de l’Observatoire de Paris de ses bols et de ses cloches tibétaines. Nous avons organisé un nouveau tournage. J’ai introduit dans le montage cette performance d’Alain, au côté de l’alpiniste et du danseur de yo-yos, scène que nous avions précédemment tournée. N’imposait-il pas la présence d’Alain ce lieu au sommet de l’Observatoire qui domine Paris, comme le Tibet domine le monde, ce lieu aux nombreuses coupoles, comme les nombreux bols en forme de coupole? C’est donc par la plastique et l’alchimie de ces éléments que s’est imposée la présence d’Alain.

Rappelons ici que c’est Alain, à qui j’ai fait appel comme compositeur et acteur pour le film, qui m’a conseillé Carolyn Carlson et qui m’a parlé de Michel Deneuve. Alain allait me donner néanmoins beaucoup de fils à retordre car on ne pouvait que difficilement fixer des dates qui lui convenaient et qu’il avait l’habitude de manquer ses rendez-vous. C’est ainsi que je ne suis jamais arrivé à faire avant le tournage aucun des enregistrements musicaux pressentis avec lui.

Il fut très heureux aussi que je fasse appel à son ex-femme Anne Weil 104 pour m’aider à mettre en train le premier montage de La momie à mi mots: elle avait été monteuse autrefois et cherchait du travail dans cette branche.

Alain fut néanmoins présent lors de mon anniversaire fêté au Loft, où vînt, comme dit plus haut, un autre personnage important pour mon film: Alain Cuny. Ils évoquèrent pour nous les jours heureux où Alain Cuny était venu à la Villa Médicis pour voir son ami Balthus, où Alain Kremski était jeune pensionnaire.

Ce ne fut qu’en 1994 que je suis parvenu enfin à enregistrer les compositions d’Alain Kremski pour La momie à mi-mots 105!

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100 Quelques repères sur Alain Kremski: il obtient six premier prix du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (harmonie, contrepoint, fugue, accompagnement au piano, direction d’orchestre. Il est élève de Darius Milhaud et Jean Rivier. Première oeuvre pour piano écrite à 17 ans. Obtient le prix de la Williams and Noma Copley Foundation. Le jury est composé de Nadia Boulanger, Igor Stravinsky et A. Copland. A 22 ans, il obtient le premier Grand Prix de Rome de Composition musicale, Grand Prix de la Ville de Paris etc...

101 J’ai parlé de Claude Vigée dans la partie concernant le choix de la danse.

102 Voir partie concernant Michel Deneuve.

103 Voir première version du scénario en annexes.

104 Voir partie concernant le premier montage.

105 Voir partie concernant montage son.

 



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Révision : 11 avril 2003